Histoire
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31 janvier 972À l’aube de la fin du mois de janvier 972 naît le futur héritier d’un des trônes du triumvirat d’Ansemer. Petit-fils de l’actuel consul Juste de Viremont d’Ansemer, Martial est le second dans la ligne de succession – néanmoins, tout le prédestine à endosser ce rôle dès sa naissance : son père Marcus, actuel héritier de la place, est bien peu présent. Avec les guerres qui déchirent le continent d’Arven, il n’est pas impossible que l’homme ne soit jamais enclin à s’asseoir sur le trône de son père. La mère de Martial meurt en lui donnant la vie – son époux ne la pleurera pas, car de ce mariage il n’a toujours attendu qu’un héritier. Martial est donc pris en charge d’un point de vue maternel par sa grand-mère Ermengarde, mère de son père, dont l’honneur et la grandeur n’égalent que son caractère bien trempé.
Martial grandit sur les terres de Viremont, domaine réputé pour ses pur-sangs ansemariens ainsi que pour les guerriers et militaires qui en sont originaires. Il s’agit d’un comté d’une taille plus que respectable et affilé depuis des siècles à la couronne ansemarienne… Mais il s’agit, également, d’un domaine profondément enfoncé dans les terres. Leur famille fait partie de ceux qui ne bravent pas les flots mais conquièrent et maîtrisent le territoire, domptent la sauvagerie inhérente aux landes battues par les vents.
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Juin 975À trois ans, Martial caresse brièvement l’idée d’avoir un cousin : sa tante est enceinte. Le petit garçon, bien seul dans sa noblesse, se réjouit de la nouvelle ! Néanmoins l’enfant ne verra jamais le jour car la mère décède en couches et le bébé avec elle.
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978Sa grand-mère commence à l’emmener avec lui à Port-Liberté, capitale du triumvirat d’Ansemer. Son père étant à la guerre et Viremont étant pratiquement déserté, le domaine n’est pas le plus sûr pour un enfant de six ans. Il partagera désormais son temps entre le palais royal au bord de la mer et les terres qui l’ont vu naître. Ces fréquents voyages font naître en lui l’amour des routes et des déplacements : il aime ne pas être fixé.
C’est à cet âge-là aussi que débute son éducation, grâce aux plus renommés des professeurs d’Ansemer. Son père, ce grand absent toujours par monts et par vaux, n’en reste pas moins un modèle à ses yeux.
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Septembre 980À la suite d’une épidémie foudroyante ayant frappé durement le continent, Juste ainsi que ses fils décèdent. Martial devient, selon les lois en vigueur, le nouveau consul. À huit ans, il n’est pas prêt à prendre les rênes d’un pouvoir qui pourtant l’attend. C’est Ermengarde qui se déclare donc consul à sa place – consul régente. Une première en Ansemer, et la décision provoque de nombreuses contestations… Mais ce qui est fait est fait et rien ne peut défaire ce qui a été décidé. Très vite Ermengarde se montrera à la hauteur de sa tâche, au point qu’au fil des années tout le triumvirat en viendra à oublier que, techniquement, elle n’est que régente.
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984Quatre longues années se sont écoulées depuis la mort de sa famille. Dans cette lourde perte et dans le chagrin qui a suivi, l’enfant n’a su que se renfermer sur lui même et ravaler ses larmes : un homme ne montre pas sa peine, un homme ne pleure pas, d’autant plus lorsqu’il est appelé à régner. Martial a toujours été un enfant discret et appliqué. Dans la peine, il est devenu un fantôme d’enfant, effacé derrière sa grand-mère. Il n’a pas le droit d’être, comprend-il bien vite. Il est un enfant isolé, qui peine à se faire des amis et vit majoritairement pour ses leçons – d’autant plus lourdes et importantes qu’il est amené à venir régner bien vite.
Il tire également de cette perte une phobie de toutes les maladies, ce dont il ne guérira jamais.
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Décembre 984Dans un mois il aura treize ans.
Le jeune adolescent, brimé, mis sur le côté, considéré par tous comme un imbécile silencieux sans force ni courage sent bien dans le regard des nobles le mépris et le dédain à son égard. Il a vécu quatre ans durant avec ce regard de pitié et de désespoir, de moqueries et de méchanceté. Ce regard qui dit haut et fort qu’il n’est rien, qu’il ne mérite pas la place qui lui revient de droit. Au fil des années les nobles ont fini par presque l’ignorer, médire dans le dos de celui qui, silencieux, se courbe et endure les mauvaises plaisanteries sur sa prétendue faiblesse. Ansemer est une nation de jugements : les faibles, ceux qui ne savent s’imposer ou prouver leur valeur, y seront toujours brimés.
C’est pourquoi à l’aube de sa treizième année le jeune Martial de Viremont décide de tout faire pour devenir celui que l’on attend qu’il soit. S’ensuivront dix années à combattre son naturel, à se conformer au modèle de l’homme qui devrait devenir consul. Martial se fait violence, et petit à petit déchire tout ce qu’il a été pour devenir ce qu’il doit être.
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987Force est de constater que cette version de lui plaît bien plus que d’autres. L’enfant isolé devient adolescent adulé, conseiller autant qu’ami pour de nombreux jeunes qui fréquentent la cour d’Ansemer – où lui-même a fini par s’établir, même s’il continue de faire des allers-retours réguliers jusqu’à Viremont.
Le futur amiral, Bartholomé, devient au fil des années la figure masculine de son entourage en laquelle il aura le plus confiance. Trop jeune pour être son père, trop imposant pour être son cousin, trop vieux pour être un frère, il sera tout à la fois. Un peu un modèle, également, peut-être. C'est pour lui qu'il s'appliquera à apprendre la navigation - pour lui ressembler, peut-être le dépasser. (En tout honneur et toute amitié. )
Tout le monde apprécie sa compagnie, sa présence constante et son implication tant au niveau politique, aux côtés d’Ermengarde, que sociétal. Martial est le futur consul, après tout : il se doit d’être présent. Toujours présent.
Ce que ne dit pas l’adolescent, c’est cette douleur qu’il a chaque jour à exister pour les autres. C’est un masque qu’il a forgé en ces quelques années, une existence qui n’est pas celle qu’il envisageait. Une véritable fissure ne cesse de grandir en lui, une craquelure qui devient un gouffre béant et sépare le véritable Martial du consul. Les nuits sont forgées d’insomnies silencieuses passées dans des couloirs déserts ; ses temps à Viremont, seul dans l’immense manoir dont il est l’héritier, sont une bénédiction ; et lorsqu’enfin il peut partir et s’évader sur le dos de son cheval, ce n’est pas une aimée ou un ami qu’il rejoint – c’est l’immensité silencieuse battue par les vents de la lande ansemarienne, là où personne ne s’aventure. Là où il sait être en paix.
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20 février 990Le carcan qu’il s’impose est trop étouffant, et certains des conseillers savent le voir. Ceux-ci commencent à faire pression sur le jeune homme de dix-huit ans. Martial vit une année difficile, de plus en plus sollicité alors qu’il approche de l’âge où il saurait être en mesure de réclamer le trône qu’il ne veut pas, au final. Acculé de toutes parts, surmené, le jeune fugue quelques jours dans les plaines profondes d’Ansemer qu’il connaît bien trop. Il tiendra trois jours avant d’être retrouvé et ramené, de force, par une patrouille lancée à sa recherche.
Lorsque le jeune fait face à la consul fulminante, il se contente de l’affronter du regard dans une froide indifférence : Martial a beau l’aimer, sa grand-mère, jamais il ne lui a confié cette douleur de ne pas être celui que tous attendent.
Cette escapade lui a fait un grand bien. L’homme constate que la solitude et la recherche de l'inconnu savent plus le fasciner et le faire se sentir vivant que le rôle qu'il s'est forgé… Dommage que les hauts nobles n’aient pas le droit d’être ceux qu’ils sont au fond.
Martial décide de refouler toutes ces douleurs, encore une fois. 990 sera une année de doutes et de tangage sans le montrer. Il surjoue et s'affirme. Son corps est ciselé pour devenir un costume parfait, son visage se fait véritable masque. Il est l'homme modèle des terres, le pillier futur consul, droit, fier, inébranlable. Il tente de se cacher, mais la fissure est là.(Le mensonge le bouffe.)
En plein coeur de l’adolecence, Martial se laisse aller à quelques flatteries innocentes, quelques oeillades appuyées envers certaines – sans pour autant acter entièrement. Un jeu de séduction innocent, car c’est ainsi que les hommes se comportent. Il y prend un plaisir non-feint même si quelque chose en lui semble sonner creux.
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1er mai 991 - célébration de Beltane Une aventure secrète, fruit d’un égarement, avec le nouveau souverain de Sombreciel met en lumière les attirances doubles du futur consul. Une simple histoire, douce, timide et secrète comme le sont tous les instants volés et interdits, qui marque l’âme déjà quelque peu tourmentée de Martial. Il l’a laissé entrevoir sa vulnérabilité, a baissé les armes quelques instants et s’est révélé, un peu trop sans doute.
Malgré tout, jamais l’Ansemarien ne regrettera. Moment d’égarement qui dans la douceur des amours adolescentes a su le faire se sentir lui-même, juste un peu.
Et puis retour au mensonge.
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992Martial, à vingt ans, ne réclame pas le siège de consul encore occupé par sa vaillante – et terrifiante – grand-mère. Il continue de jouer son rôle auprès de ses gens, de se montrer, de promettre qu’il le briguera bientôt mais ce n’est que poudre aux yeux. Il ne se sent pas prêt, d’une part, et d’autre part les conseillers à la solde des deux autres membres du triumvirat se refusent à le voir prendre ce poste. Plus d’une fois Martial s’est opposé à eux, et il a beau venir de la lignée des consuls d’Ansemer, il n’est à leurs yeux pas digne d’hériter du titre. Ceux-ci continuent leur croisade contre lui, entamée peu avant 990. Intimidations, menaces voilées, attaques personnelles : tout est bon pour tenter de l’éloigner du poste.
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31 janvier 993Les attaques de cette dernière année ont été virulentes, bien trop pour Martial qui peine à trouver encore un sens à son existence. Harcelé depuis maintenant plus de trois ans, menteur depuis presque dix. Il se sent isolé, attaqué de toute part, constamment sollicité et incapable de fuir. Il est ruiné moralement, sur le point de craquer, avant de fiche le feu à toute la flotte et Port-Liberté il faut qu'il fasse quelque chose.
Quelque chose de fou et de grandiose, quelque chose qui l’effacera à jamais.
Après avoir rassemblé des informations sur l’Audacia, Martial détermine leur point d’attache actuel et avec l’aide d’un mage des portails fuit la nuit de ses vingt-et-un ans.
Les pirates ont, depuis toujours, été les ennemis d’Ansemer, ce qui n’empêche pas le consul désormais en cavale de leur présenter sa candidature pour monter à bord. Ils sont la liberté, l’inconnu, le hasard. La violence. L’éternité incertaine. Ils sont ce désir qu’a toujours eu le noble de partir au plus loin, de défier les lois et les hommes.
Son habileté au combat – entraînement militaire de qualité oblige –, ses connaissances de navigation théoriques et son désir de les joindre plus que tout – cette liberté qu’il tente d’atteindre désespérément – suffisent à lui permettre de s’engager.
Il ne remettra jamais les pieds en Ansemer de manière légale. Martial est d’abord déclaré disparu, puis mort, dans sa patrie. Il faudra attendre quelques années avant que des rumeurs de son accointance avec les pirates ne se répandent.
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Juin 995Martial est de plus en plus à l’aise à bord de la vivenef et n’envisage pas une seule seconde de la quitter. L’ancien consul, ce mensonge qu’il a été, subsiste encore. Il est dur de s’en débarrasser entièrement. Néanmoins, alors que passe le temps, c’est le véritable Martial qui se présente à ses compagnons – et c’est lui, et uniquement lui, qu’ils apprennent à connaître.
Le gars solitaire mais sympathique, revanchard et silencieux. Celui qui a la parole d’un gars bien né mais ne donne pas la moindre indication sur sa naissance ou sur son passé. Celui qui, en juin 995, se fait tatouer sur l’omoplate gauche une ancre et une hache mêlées – rappel de ses terres, là-bas, en Ansemer.
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Mai 997 Lors d’une escale, Martial rencontre Malone, son familier… Plus qu’atypique.
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Fin 999Six ans, presque sept, qu’il est à bord. Pirate exemplaire et désormais libéré, Martial espère rester à bord de l’Audacia jusqu’à ce que la mort l’emporte. S’il lui arrive de serrer les dents aux rencontres avec des membres de la flotte ansemarienne, s’il refuse de descendre à terre trop longtemps lorsqu’ils font escale dans ce royaume, s’il ne quitte jamais l’Ancrage quand l’Audacia a besoin de se faire réparer de peur de retourner dans un monde auquel il n’appartient plus, jamais encore le blond n’a-t-il regretté son engagement.
L’Audacia lui a permis d’exister. De vivre. D’être Martial, enfin, lui qui auparavant étouffait. Il est attaché à sa manière à chaque membre de l’équipage, et ne vit que pour rendre à la piraterie sa gloire.
Ils sont les derniers des pirates à encore voguer libres, et ce titre, il le porte avec bien plus de fierté que celui dont il aurait du hériter.
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