On descend !

(#) Sujet: On descend ! Mar 17 Mar 2020 - 14:38

Livre I, Chapitre 1 ▬ Le Renouveau

On descend !

Martial de Viremont & Mélusine de Séverac & Mayeul de Vifesprit & cie.

17 mars 1000

• Statut du RP : Groupe (pirates et infortunés passager du navire à quai)
• Résumé : L'Audacia part à l'abordage d'un navire à quai, dans un port minable d'un patelin paumé sur le littoral ansemarien. On descend !
• Recensement :

Code:

• [b]17 mars 1000 :[/b] [url=http://arven.forumactif.com/t71-on-descend#319]On descend ![/url] - [i]Martial de Viremont & Mélusine de Séverac & Mayeul de Vifesprit & cie.[/i]
L'Audacia part à l'abordage d'un navire à quai, dans un port minable d'un patelin paumé sur le littoral ansemarien. On descend !

(#) Sujet: Re: On descend ! Mar 17 Mar 2020 - 14:40

« … Nuit penchée au-dessus des villes et des eaux,
Toi qui regardes l’homme avec tes yeux d’étoiles,
Vois mon cœur bondissant, ivre comme un bateau,
Dont le vent rompt le mât et fait claquer la toile ! … »

Penchée sur le bastingage à la proue, les cheveux au vent et complètement aux aguets, une femme murmure dans la nuit, égrenant à mi-voix les vers d’un poème cielsombrois tandis que l’Audacia s’apprête à fondre sur sa proie. Près d’elle, une huppe fasciée se cramponne fermement à l’étai sur lequel elle s’est perchée. C’est qu’il fend les airs, le majestueux cuirassé, tous feux éteints – dans la nuit noire qui règne sur Ansemer, les pirates ont repéré leur proie, et les lumières du phare en contrebas illuminent le contour du navire amarré à son quai, sans se douter de ce qui s’apprête à lui tomber dessus – au sens propre, et au sens figuré. Pour Mélusine de Séverac, c’est en somme une journée ordinaire : fondre sur une proie vulnérable, semer le chaos et la dévastation, et repartir les poches pleines – et sûrement quelques blessures, mais ce sont les risques du métier. Elle sait bien le danger qu’elle court, à vivre ainsi pleinement son rêve de liberté – elle sait qu’elle tue, elle sait qu’elle mutile, et qu’à chaque fois que l’Audacia repart d’un pillage il laisse derrière lui la dévastation, les larmes et une poignée d’orphelins. Elle le sait bien ; mais c’est la vie qu’elle s’est choisie, et elle n’en changerait à aucun prix.

Du coin de l’œil, elle aperçoit les mages du bord rejoindre leur place sur le pont, et un sourire sauvage lui monte aux lèvres. L’appel commence – de poste en poste, chacun répond à l’apostrophe des seconds, confirmant qu’il se trouve bien bien là où il est supposé être. « Égo ? » demande la voix de Freyja, seconde à bord et compagne du capitaine. Mélusine lève le bras dans la pénombre, répondant avec enthousiasme au sobriquet dont les pirates l’ont affublée à son arrivée comme mousse il y a des années, et qui ne l’a jamais quittée depuis. « Présente ! » confirme-t-elle avec assurance, avant de murmurer à son familier : « On y est presque, Précieuse. Rentre te mettre à l’abri avec Grenat. »

Dans quelques secondes, elle le sait, le cuirassé pirate va basculer vers l’avant, plongeant vers la surface de l’océan pour s’y poser et attaquer le navire marchand qui dort encore à quai. Bientôt, les canons de Mayeul vont tonner, et elle pourra dégainer ses propres armes – encore soigneusement fixées à leur râtelier à l’intérieur de la coque, pour éviter que l’eau ne mouille la poudre. Ce sera le travail des mousses de lui apporter ses armes, une fois l’Audacia à flot. Mais c’est dangereux pour la fragile Précieuse, et la huppe obéit sans discuter, habituée à se retrancher dans la cabine de son officier d’humaine pour éviter les coups perdus.

Mélusine se cramponne au bastingage tandis que la voix du capitaine, Philippe Jedidiah, résonne sur le pont. « On descend ! »

C’est le moment ! À ses côtés, la figure de proue tend ses bras en arrière : le beaupré s’incline, le pont commence à pencher, et Mélusine fixe le crochet de son filin de sécurité pour s’attacher au bastingage. On descend !

(#) Sujet: Re: On descend ! Mar 17 Mar 2020 - 20:01

Le calme est toujours irréel, juste avant un abordage. Un silence trompeur, berçant, une mélodie apaisante aux sonorités d’absence. Tout va bien, chante le moment. Un murmure trompeur de la part de l’univers qui se joue des futures victimes ; les éléments se conjuguent et mentent, trompent les sens de ceux qui bientôt souffriront de s’être trouvés là au mauvais moment – ou au moment opportun, tout dépend de la manière dont on regarde la situation. C’est un calme digne d’un rêve, de ceux qui laissent au fond du coeur un apaisement bien trop serein.
Le calme avant cette tempête furibonde et inarrêtable qu’est l’Audacia.

Au coeur des sombres nuées, sans doute le plus silencieux de ses camarades, Martial goûte ce silence et cet apaisement qui dansent dans son coeur : l’air autour d’eux semble murmurer plus que hurler – souffler des doux mensonges à ceux qui ne suspectent rien – et c’est ce murmure qui indirectement sait retenir l’excitation presque frénétique et l’impatience de Martial sous contrôle. Le calme est toujours irréel et factice, avant l’abordage : la tempête, ils ne font pas que la suivre , ils l’apportent avec eux.
Ils la portent en eux, tous autant qu’ils sont, sur le pont du navire qui gracieusement évolue entre les nuées, eux dont les voix résonnent comme autant de grondements de tonnerre au loin annonçant l’orage. Ses compagnons.
Dans l’obscurité relative de la sombre nuit qu’ils savent faire leur et marquer de leur nom, toujours, l’Ansemarien suit de son regard clair le rebondissement des noms : depuis le temps, il anticipe même là où ses yeux se poseront. Le mouvement est régulier, logique, les visages qu’il sait deviner depuis le temps ne lui renvoient même plus son regard. Localiser tout ceux qui sont encore là, à bord.
(Se rappeler qu’ils sont en vie, graver en lui, peut-être, une dernière image sereine avant celle ensanglantée de leurs adieux. )

Sa voix rajoute à l’orage grandissant, roulement bas et rauque pour signifier qu’il est ici, fidèle, présent. Comme toujours, depuis qu’il s’est engagé, l’Ansemarien est exactement à son poste – au centimètre près, si l’on avait du vérifier (ou si l’on avait eu l’envie de vérifier). Comme toujours, depuis qu’il s’est engagé, l’Ansemarien tombe dans une sorte de transe profonde et glacée, tranchante, alors que le navire entame les dernières manœuvres et que d’autres autour d’eux semblent avoir du mal à tenir en place. D’aucuns s’en sont étonnés, lors des premiers abordages, de le voir aussi détaché. Depuis, ils ont appris. Ils savent, en quelque sorte, que son excitation se condense pour vivifier ses gestes, que sa hâte et son impatience se font sages pour mieux le propulser plus avant, une fois dans l’action.
Il n’empêche qu’il est un peu perturbant, le Marti, comme on l’appelle par ici.

Sabre au côté, une fois sécurisé pour la descente qui s’annonce, il guette de l’oreille le bruit de la coque qui touche l’eau – amorti par le travail de leurs mages déjà à l’oeuvre, autant pour éviter le possible crash malgré toute l’habileté de leur capitaine que pour minimiser le bruit de leur arrivée. (C’est que c’est un énorme ricochet qu’une nef de cette taille qui percute l’onde. ) Une main sur le fil, solide,qui le retient, l’autre sur son arme, l’Ansemarien fixe pendant quelques instants le domaine dont les lueurs se devinent au loin, plus loin que le phare. Un pincement au coeur stupide quand son esprit l’entraîne encore plus loin alors que le bateau, dans un son étouffé, finit de s’installer confortablement sur les flots.
Des souvenirs et des regrets d’un passé qui n’est plus sien, mais qu’il sait exploiter.
Puis les souvenirs eux-mêmes sont happés par l’instant, l’attente.
Le battement de son coeur qui, enfin, commence à s’emballer quelque peu.

(#) Sujet: Re: On descend ! Jeu 19 Mar 2020 - 18:17

Il apprécie beaucoup de choses dans cette vie de pirate qu'il s'est choisi Mayeul. Depuis qu'il a mis pour la première fois le pied sur le pont de l'Audacia, il y a eu du bon et du mauvais, mais jamais il n'a regretté. En vérité, il y a certainement eu plus de bon que de mauvais. Et ce moment exact, celui où l'Audacia s'approche en catimini de sa proie, est bien l'un de ses moments préférés, celui où ils font corps avec les nuages, celui où l'attente se cumule avec l'excitation, où le cœur bat si fort qu'il semble vouloir s'échapper. Chacun prend sa place et les doigts du cielsombrois s'agitent tandis que grandit l'impatience. La farandole des noms s'égrène lentement, trébuchant parfois dans l'esprit de Mayeul lorsqu'il manque un nom, deux, le nom de ceux de ses camarades tombés sur un autre champ de bataille que celui qui se devine devant eux.

"Yep." Se contente-t-il de lancer quand arrive son nom, accompagné d'un salut décomplexé qu'il adresse à la seconde du capitaine avant de se tourner à nouveau vers ses canons, effleurant le plus proche du bout des doigts. Il est aussi incapable de rester parfaitement immobile que l'est son familier, et le petit Grenat pousse un pépiement entendu quand la main de Mayeul s'ouvre pour l'accueillir. Même le rouge-gorge sait où se trouve sa place et il s'envole bien vite rejoindre la sécurité des cabines en compagnie de Précieuse. Presque par habitude, les yeux du cielsombrois se portent vers Mélusine qu'il devine plus qu'il ne voit dans l'obscurité, lui adressant un sourire triomphant qu'elle ne voit sans doute même pas. Peu importe.

L'appel s'achève et c'est la voix du capitaine qui ordonne la descende, les avertissant tous de s'accrocher pour éviter de passer par-dessus bord. "On y est." Souffle Mayeul à ses canons, vérifiant du regard la présence de ceux qui, sous ses ordres, sont chargés d'alimenter les engins qui, d'ici peu, tonneront la mort de leurs adversaires. Leur vivenef se pose avec une délicatesse tout autant dû à la poigne de leur capitaine qu'à la magie de ses camarades et le pirate attend, ses doigts rythmant sans qu'il s'en aperçoive une mélodie sur le manche de son sabre. Pas encore. Il détache le filin de sécurité, ses yeux ne quittant pas leur cible. Pas encore. Il lui semble s'imprégner de toute l'atmosphère de l'Audacia, l'excitation qui précède la bataille, l'impatience, l'appréhension aussi. Pas encore.

Sa main se lève, lentement, posément, pour signifier qu'ils sont assez près, que la distance de leurs canons atteint désormais celle de leur cible. Le capitaine le sait, très probablement, mais le pirate sait que l'attention des servants des canons se retrouve désormais entièrement focalisée sur son geste. Feu. L'ordre retentit et Mayeul baisse la main, déclenchant de ce seul geste la foudre et le tonnerre, le déluge de feu qui va frapper le navire ennemi.

Il est le premier à engager le combat, le premier à révéler leur présence et Mayeul le sait, il n'a d'autre obligation que celle d'être irréprochable. Trop tôt, pas assez précis, et leur présence, ainsi que leur intention, sera révélé bien trop tôt pour que le combat s'engage favorablement. Quand ils seront près, bien plus près, ce qui ne saurait tarder, les canons ne pourront plus tonner, par peur de blesser ses propres camarades lors de l'abordage. Mais pour le moment, c'est à ses canons de leur assurer la victoire. Ses doigts courent à nouveau sur le métal déjà chaud et la deuxième salve retentit, brisant les ponts et les entreponts de leur adversaire, désorganisant leur défense. Badaboom.

(#) Sujet: Re: On descend ! Jeu 19 Mar 2020 - 20:19

“ Es tu vraiment obligé de faire ça ? Les cerfs ne sont pas des animaux aquatiques.

- Tu n'as qu'à aller dans les bois aux alentours du bourg. Tu reviendras avant notre départ. Une fois que j'en ai fini avec ce bourg, on rentre.

- J'ai pas confiance. La mer, c'est trop plat. Pas d'arbres pour se cacher. Sans parler de ce sol qui bouge sous les sabots, ça n'a rien de naturel.

- Ce ne sera l'affaire que de quelques jours. Reste dans les environs, et fais attention à toi.

- Toi fais attention.

Fengo baisse la tête et je lève la main pour gratter l'espace entre ses bois. Le cerf frissonne et, après un instant passé ainsi, avec cette parfaite communion entre nos deux êtres, il recule et s'enfonce dans les bois. Notre petit séjour en mer n'a été plaisant ni pour lui, ni pour moi. Si j'aime les défis, le mal de mer, en revanche, ne me tente pas plus que ça. Je frissonne malgré moi. Je ne connaissais pas la sensation d'avoir un sol en mouvement constamment sous mes pieds, avant de partir. Et j'avais eu raison d'avoir peur. Dés les premiers jours, mon estomac refusait toute coopération. Si j'ai réussi à garder mes maigres repas bien au chaud à l'intérieur de mon être, c'est uniquement par pure chance. Fengo, en revanche, a passé tout le trajet à maudire tout ce qui pouvait passer dans son champ de vision. Je n'aurais jamais pensé qu'il puisse avoir un langage aussi fleuri. Il avait rétorqué que, s'il connaissait ces insultes, c'était à cause de moi. Je l'avais laissé à sa mauvaise humeur et m'étais concentré sur une autre inquiétude. Comment être efficace avec la magie si la nausée m'empêche de formuler des incantations ?

" - T'a bien réussi à le faire en étant ivre .

- Oh ça va hein."

Le rire de Fengo résonne encore dans ma tête pendant un court instant. Ce moment restera longtemps dans sa mémoire. Pour ma part, je ne m'en rappelle pas. Je m'étais réveillé dans une chambre que je ne connaissais pas, dans une maison que je ne connaissais pas, avec une fille que je ne connaissais pas. J'avais du la trouver belle pendant cette soirée chargée, mais, à mon réveil, j'avais estimé que même les crottes de Fengo avaient plus de charme que cette demoiselle. Je chasse cet instant de mon esprit pour me concentrer sur l'adolescent en face de moi. Un jeune paysan, couvert d'acné, les yeux agrandis par la nervosité. Je sonde tout son être et, après un instant, j'hoche la tête à l'adresse de ces parents. Ce gamin peut pratiquer la magie, il peut passer les entretiens pour intégrer l'académie. Je le laisse fêter ça avec ses parents et sors de la maison. J'ai encore deux gamins à voir avant de rentrer. Mon métier de professeur implique également que, de temps à autre, je me rende dans des endroits isolés pour rencontrer de jeunes gens, afin de voir s'ils peuvent pratiquer la magie. C'est la raison de ma présence aujourd'hui dans ce petit bourg perdu. Quelques maisons, des pâturages, et beaucoup de moutons. Fengo aurait au moins de quoi se remplir la panse avec tout cet espace vert.

La nuit commence à tomber, j'ai terminé mon travail. Je n'ai finalement repéré qu'un seul mage en devenir parmi les adolescents du bourg, c'est déjà ça. Je marche d'un bon pas vers le bateau marchant qui a bien accepté de nous prendre comme passagers pour ce voyage. Je grimpe la coupée, salue l'homme de quart et pars faire un brin de toilette dans ma cabine. Après un léger repas, je savoure la tranquillité retrouvée de mon estomac en prenant l'air sur le pont. Je regarde l'horizon, et ferme les yeux. Je sens maintenant l'odeur de la forêt. Je sens la terre qui craque sous mes sabots, le gout de l'herbe fraiche dans ma bouche. Pour Fengo non plus, la journée n'est pas encore finie.

" - Dormir alors que j'ai ce festin à ma portée ? Il y a même des trèfles mon frère !"

Je souris, heureux pour mon familier, heureux de le savoir là bas. Je reste un long instant avec lui, du moins en pensée. Je savoure ce moment passé en parfaite harmonie avec le cerf. La forêt est si calme, si paisible. Un hibou huhule dans la nuit, un renard glapit. Un lapin vient nous rejoindre pour savourer ce repas à l'abri entre les pattes du cerf. Je décide, au bout d'un moment, de le laisser à son repas et à sa sérénité. Quand je rouvre les yeux, c'est pour les poser sur cette immense masse noire qui descend vers nous à toute vitesse..
Une explosion, puis une deuxième… Et c'est tout un déluge de feu qui fait exploser le pont, disperse les marins, fait gicler le sang. Je bondis sur le côté, évitant de justesse de finir en cendres. Je lève les yeux vers ce qui nous attaque. La fumée m'empêche de voir convenablement. Je ne distingue que cette immense ombre, ainsi que d'autres plus petites qui passent à toute vitesse dans mon champ de vision.

"- Relève toi ! Ne reste pas là !"

Fengo me tire de mon état de stupeur. Des pirates ! On est attaqué par des pirates ! Ils devaient nous survoler depuis un moment. Je me relève en un instant et, après une longue inspiration, je m'élance à la rencontre de nos assaillants. Ils veulent des flammes ? Je vais leur en donner ! Ils ne s'attendront surement pas à voir leur proie se défendre, encore moins avec quelqu'un de ma trempe à ses côtés. Gare à vous pirates ! Me voilà !

La chute est vertigineuse, et Mélusine adore ce moment, plus que tout le reste de sa vie de pirate : cet instant où tout bascule, et où seule l’adresse de son capitaine à la barre maintient l’équipage en sécurité. Bien sûr, les mages aident de leur mieux ; mais c’est bien le talent de Philippe qui permet à l’Audacia ses acrobaties aériennes remarquables. Cramponnée à son poste, le vent qui siffle à ses oreilles et les battements frénétiques de son cœur qui tambourine, là, bien à l’abri dans sa poitrine… elle se sent vivante, Mélusine, investie d’une liberté sauvage qui donne à sa vie toute sa valeur.

Puis la vivenef cuirassée touche les flots, avec une douceur et une délicatesse surprenantes pour une embarcation aussi volumineuse : ce sont les mages navigateurs, cette fois, qui amortissent l’impact sur les vagues et posent l’Audacia dans une magistrale démonstration d’élégance. Il y a bien quelques vagues qui éclaboussent la coque, quelques gerbes d’eau qui s’en viennent arroser la figure de proue ; et ce goût de sel qui sature l’air souligne que le moment est venu.

D’un geste preste, la pirate déboucle son filin de sécurité, et fait signe aux mousses de lui apporter son râtelier d’armes à feu, ainsi que sa réserve de poudre. Elle tirera, ils rechargeront ; et tandis qu’ils préparent les premières arquebuses, elle vérifie que son arbalète et ses carreaux ont bien été déposés à leur place, juste à ses pieds. Elle les aime, ses arquebuses : mais elles pèsent leur poids, et une fois les navires bord à bord, l’arbalète sera bien plus maniable. Pour le moment, elle ne peut pas encore tirer : il lui faut atteindre que l’Audacia soit à moins de 50 mètres, alors elle se tient tranquille, concentrée, écoutant avec un plaisir enchanté la sérénade jouée par les canons de Mayeul, qui remplit sa mission avec grande compétence. Les boulets fusent dans la nuit, et le navire ciblé encaisse une belle volée. Le calme nocturne vole en éclats – et partout sur le pont, les pirates s’apprêtent à l’abordage. Inexorablement, la vivenef se rapproche de sa proie, et dans le tumulte la voix de Rhéa s’élève également, la figure de proue exhortant ses pirates à l’attaque.

Ils sont assez proches, maintenant : fermement appuyée contre le bastingage, Mélusine épaule la première arquebuse, vise, et attend pour tirer que l’un de leurs mages éclaire le bord ennemi. Près du gouvernail, elle entend l’incantation (« Ô Amon’Râ, éclaire notre voie ; fais donc la lumière sur tous ces rats ! »), et le mépris supérieur dans la voix la fait sourire. Ils sont fiers d’être pirates, ces mages-là, et leurs incantations se font souvent… plus colorées que celles de leurs homologues à la vie si barbante. Amon’Râ a apprécié la supplique, en tout cas : le bord ennemi se nimbe d’une douce lueur, suffisante pour éclairer, mais pas au point d’aveugler leur yeux accoutumés à l’obscurité. Un sourire carnassier étire les lèvres de la Cielsombroise : et feu ! En face, elle voit voler quelques copeaux de bois – raté. Balançant l’arquebuse dans les bras du petit mousse à sa gauche, elle prend celle que lui tend celui de droite, épaule, vise à nouveau… respire à fond, Mélusine… et feu ! Cette fois, une petite silhouette sombre s’effondre – sûrement l’épaule ou le bras, mais c’est déjà ça ! Elle rend l’arquebuse au petit mousse de droite, et attend qu’ils rechargent. Une trentaine de secondes, et elle récupère la première – et tire de nouveau. Une jambe, visiblement, à en juger par la démarche soudainement titubante de sa cible. Échange d’armes, nouveau tir : un couvre-chef s’envole, son porteur reste indemne. Grinçant des dents, Mélusine patiente à nouveau le temps que ses auxiliaires rechargent – ses deux tirs suivants font mouche. Le capitaine est touché à la barre, emporté hors de vue par deux marins ; et un autre s’effondre en portant les mains à la poitrine. L’Audacia s’est rapproché, Mélusine peut tirer avec nettement plus d’acuité, et ne rate plus qu’un coup sur trois. Les canons martèlent toujours leur ardente mélopée, et elle devine l’agitation des pirates qui s’affairent autour de Mayeul.

Puis ça y est, enfin, l’Audacia vient se ranger contre son adversaire, les grappins fusent ; et Mélusine repose son arquebuse désormais inutile, pour saisir son arbalète et ses carreaux. En face, les assaillis s'organisent, et il y a sûrement des mages à proximité... Prestement, elle se range hors du chemin des hommes qui montent à l’abordage et vient se percher en retrait, profitant de sa position surélevée pour cribler l’ennemi de ses traits. « Allez les gars ! Hardi, hardi ! » hurle-t-elle avec Rhéa. Les canons se sont tus une fois les navires bord à bord, et elle cherche à repérer Mayeul parmi les forbans montant à l'assaut. Est-ce qu'il va bien ?

C'pas une intrigue mais je vous donne quand même des chiffres:

La nuit est douce, en Ansemer, le vent salin, tant et tellement qu’il peut pratiquement le goûter sur sa langue. Le cartographe est sur le pont, sorti de la cabine où il passe tant d’heures à calculer, prévoir, tracer, les trajets et trajectoires maritimes et aériennes du cuirassé légendaire, et ses yeux absorbent tout de la nuit. Les visages de ses camarades, les étoiles par milliers, les lueurs des quais qu’ils approchent en fendant les airs, prédateur cette fois venu des cieux. Les sextants et cartes sont rangés précieusement, loin des dangers.

Cette nuit, ils attaquent.
Cette nuit, ils sont pirates.

Freyja fait l’appel des ouailles, vérifiant que tous et toutes sont à leur poste. Lui sera de l’assaut, directement sur le pont de leur proie. Les navires marchands, il les connaît comme sa poche depuis son adolescence, depuis qu’il y a fait son apprentissage de mousse. Il sait où sont typiquement cachés les trésors et les objets précieux, dans quels recoins regarder, là où les yeux ne se portent pas naturellement. Une délicieuse appréhension monte en lui, comme avant chaque abordage. Celle de l’inattendu, celle de la mort avec laquelle ils flirtent tous, celle de l’appel du sang, qui bat à ses oreilles comme un tambour.

« Louis ? Présent ! », claironne le pirate, l’appel de sa tante passant ensuite à Aymeric, qui répond avec le même enthousiasme exalté. Celui-ci s’est immédiatement porté volontaire pour épauler Mélusine avec son râtelier et ses armes à feu, pratiquement prêt à se mettre à genou pour les lui tendre au moment opportun. Le père a bien tenté de le taquiner sur le sujet, mais l’adolescent lui a simplement répondu d’un « Papa ! » outré, les yeux si fortement roulés dans leurs orbites qu’il en a eu presque peur que son fils soit condamné à regarder l’intérieur de son crâne pour le reste de ses jours..

Tout va si vite, à chaque fois.
L’Audacia qui d’abord descend des cieux, son équipage fermement accroché à leurs filins (l’ivresse incroyable de la chute, remontant tout le long de son corps). Les salves des canons, les incantations des mages, les coups d’arquebuse, et enfin les grappins qui terminent de rapprocher l’Audacia du navire attaqué, déversant les pirates sur le pont de leur proie qui tout juste s’éveille.
Jamais il ne se lassera de ça.
Ses bottes claquent fermement contre le bois du pont et son sabre au poing, Louis pare les coups plus qu’il les rend, repoussant ses assaillants au fur et à mesure. Il est là en éclaireur, autant qu’en combattant. Son premier objectif, à lui et un camarade : la cabine du capitaine. Ils gardent tous un petit quelque chose juste sous leur nez, à surveiller, au cas où leurs marins ne soient pas fiables. D’autres iront fouiller la cale, à la recherche du butin. « Mage à tribord ! », qu’il scande, en plantant un solide coup de pied dans la poitrine d’un mage en pleine incantation, brusquement repoussé plus loin sous le choc. Il y en a toujours quelques-uns, sur un navire, et il est hors de question de se laisser avoir par ces gredins !

Ils se rapprochent, inexorablement, et bientôt viendra le temps de l'abordage mais pour le moment, c'est bien à ses canons de faire leur part, réduisant l'ennemi en fragments de bois et de chair, pour les malheureux qui se trouvent sur le passage de ses boulets. La dernière salve se fait presque à bout portant, à la limite de la distance qui se montrerait trop dangereuse pour l'Audacia. Mayeul ajuste avec l'aisance de l'habitude le foulard qu'il porte normalement autour du cou, histoire de dissimuler ses traits. Il envie un peu Mélusine, qui peut se permettre de porter un voile lorsqu'elle rentre en Sombreciel : il a essayé et cela attire plus les regards qu'autre chose, ce qui ne l'arrange pas réellement. Alors il a opté pour le foulard, parfois émeraude, parfois jaune, mais toujours coloré, qui dissimule ses traits et le protège de la fumée des incendies.

Déjà, les pirates montent à l'abordage, accompagnés parfois de cris de guerre et d'incantations de leurs mages respectifs. Maintenant que les canons se sont tus, le bruit est presque feutré pour Mayeul, ce qui ne l'empêche pas de mettre à son tour le pied sur le navire ennemi. Chacun à son poste, chacun sait ce qu'il a à faire, et déjà le cielsombrois se précipite, sabre au clair, pour rencontrer l'un de ses adversaires. A peine s'en est-il débarrassé qu'un second se jette sur lui, désarmé rapidement par l'un de ses camarades pirates. Louis est parti en éclaireur vers la cabine du capitaine, dans l'espoir de découvrir quels trésors se cachent à l'intérieur, et les autres pirates servent autant à couvrir son avancée qu'à repousser l'ennemi, voir à retrouver des trésors dissimulés. Pour cela, pourtant, il faut qu'ils s'assurent de la domination de l'autre navire. Un nouvel ennemi, dont la tête rencontre bientôt avec fermeté la garde du sabre de Mayeul, et ce dernier prend le temps d'observer rapidement les alentours, pour mieux se repérer : depuis qu'il a mis les pieds sur le pont, il se retrouve un peu désorienté. "Hey, Marti !" Lance-t-il avec un sourire dissimulé par le foulard qui lui cache le bas du visage au pirate blond qui se trouve presque à ses côtés, avant de s'orienter pour avancer vers la cabine du capitaine. Nul doute que Louis et son acolyte savent se défendre, mais leur faciliter le chemin du retour n'est certainement pas inutile.

Les membres d'équipage du navire ennemi résistent avec vigueur, mais l'attaque de l'Audacia les a pris par surprise et ils semblent avoir un peu de mal, désormais, à s'organiser. Mayeul s'avance vers un homme dont le chapeau semble avoir été troué récemment et lève son arme, sans toutefois attaquer. Peut-être que l'homme sera décidé à lui rendre la vie plus facile et à tourner les talons ? Il attend une seconde, deux peut-être, et réalise que ce ne sera pas le cas quand l'autre se jette sur lui. Mayeul n'aime pas particulièrement se battre au sabre - il préfère la mélodie de ses canons - mais il sait se défendre, même si cela ne l'enchante pas. Après, si quelqu'un veut venir lui prêter main-forte, ce ne sera certainement pas de refus.

L’adrénaline qui glisse dans ses veines a des allures de poison glacé. Elle dévaste ses vaisseaux, engourdit ses membres, empâte son esprit pour à peine quelques respirations dans une gangue de glace dont il ne cherche même pas à se défaire. Sous ses pieds le pont tremble, la manœuvre amorcée se termine, et le voilà à l’aube d’une nouvelle action. Gelé de l’intérieur, prêt à se briser pour se jeter dans le combat.
Voilà son coeur qui repart, emporté par la canonnade, et avec lui tout son être s’extirpe du cercueil gelé bien plus vif qu’il ne l’était au départ, alors que les pirates changent de bord.

Il en a envie. Il en a besoin.
Besoin de la violence et des cris, de l’effusion stupide qui pousse les imbéciles à se jeter sur sa lame. Besoin de cette certitude indistincte qui lui dit que là est sa place, sur les flots, dans les airs, loin de ce pays que par dépit et par fierté de la cause embrassée il ravage. Besoin de cette liberté d’aller voir toujours ailleurs.
Il pose le pied sur le pont du navire, évite et réplique de ses poings quelque attaque bien trop proche pour que son sabre lui soit efficace. Il faut dire qu’il fait une bonne cible, le grand blond et pâle Lorsque le canonnier l’appelle, Martial retourne à peine la tête. Juste assez pour le voir. Il ne répond rien, aux prises avec un type aussi large que haut sentant plus le picrate que le savon. Il n’oubliera pas, par contre, le pirate, du lui dire que oui, il a bien vu, il sait très bien manier son gros sabre.
… Peut-être qu’il ne le dira pas comme ça.

C’est une chose étrange que ce que l’on ressent, lors d’un abordage. C’est un fouillis indescriptible de corps et coups, de voix, de fracas de fer contre fer. Une cacophonie sanguinolente, une explosion dangereuse qui sollicite tous les sens et vous monte à la tête. Il faut avancer, faire tomber ceux qui empêchent le mouvement, blesser au mieux, tuer au pire si la moindre résistance se fait. Martial comprend. Martial applique. Marti se laisse, lui, emporter. D’académique et dangereux, son style de combat au fil des années s’est fait plus vindicatif, moins protecteur ; la noblesse de sa lame a laissé la place à quelque chose de plus primal et bien plus emporté.

Ouvrir la voie à ses comparses, quitte à œuvrer avec l’autre cielsombrois – il n’avouera pas préférer ces moments à leurs nombreuses engueulades, même si c’est vrai.
Au moins il n’a pas à lui taper la causette. Pas sûr qu’il en serait capable. Se battre à ses côtés est un véritable plaisir, surtout parce qu’en plus d’être bon combattant, il se la ferme plus que d’ordinaire.

Mage à tribord, a-t-elle entendu Louis gueuler dans la mêlée ; et Mélusine s’efforce de repérer l’ennemi mentionné, sans guère de succès. Elle voit bien des corps s’affaisser, mais impossible de déterminer l’emplacement exact du mage en question. Juchée en hauteur, elle agrippe quelques étais, se hisse de quelques mètres avec l’agilité née de l’habitude, et finit par apercevoir sa cible. Impossible de viser d’une seule main avec son arbalète ; et si elle lâche sa prise, elle va tomber. Que faire ? Les possibilités défilent dans son esprit. À sa droite, un pirate se balance au bout d’une corde pour changer de bord, mais la Cielsombroise est parfaitement consciente que son entraînement physique, tout aussi régulier soit-il, ne lui permet pas de reproduire une telle prouesse ; et elle n’a guère envie que ses compagnons d’assaut aient à la repêcher dans l’eau glacée avant de repartir.

Assurant ses prises, elle redescend au niveau du pont, ramasse son arbalète et en passe la lanière sur son épaule, s’assurant que son carquois est bien fixé à sa taille, convenablement incliné, les carreaux dépassant juste ce qu’il faut pour qu’elle puisse s’en saisir aisément. Inutile d’espérer accomplir quoi que ce soit avec un sabre ou une épée – c’est sa dague qu’elle dégaine, se faufilant dans la mêlée pour suivre le flux de pirates débordant sur le pont ennemi. De là, elle s’écarte prestement des quelques échauffourées, ne tenant pas particulièrement à se faire éventrer par un coup perdu, et grimpe en hauteur. De là, la vue est parfaite, sa cible est parfaitement dans son champ de vision, et à portée de tir !

D’une secousse de l’épaule, Mélusine déloge la lanière, faisant glisser l’arbalète dans sa main dans un mouvement mille fois répété. Elle l’incline, l’appuie contre sa botte, et bande ses muscles pour tendre méticuleusement le mécanisme. Puis elle se saisit d’un carreau, l’encoche soigneusement : il va falloir réussir ce coup, car le mage l’a visiblement repérée, et elle devine que sa prochaine incantation sera pour elle. Inspirant à fond, elle ajuste sa cible – et tire. Twoiiiing, fait la corde brusquement relâchée – et le carreau s’enfonce dans la chair de l’ennemi. Espérant que cela l’occupera suffisamment pour qu’il arrête ses incantations, au moins quelques minutes, la pirate n’attend pas de voir si elle l’a tué et saute sur le pont, hors de vue dans la cohue. Cette fois, elle passe la lanière de l’arbalète par-dessus son cou, ne tenant pas à la perdre dans la confusion ; et, jouant du couteau pour trancher quelques tendons ici et là, rejoint Martial, facilement identifiable même au cœur dans la mêlée. « Il faut qu’on descende dans la cale ! » hurle-t-elle par-dessus les rugissements.

Ils ont un butin à trouver, nom de nom !

Spoiler:

Ils vont goûter de mes flammes, ces maudits pirates ! Je m’élance à leur rencontre, tout en appelant les dieux et leurs pouvoirs destructeurs ! Les flammes jaillissent, les flèches et les carreaux de mes ennemis fendent l’air pour se planter dans la chair, les canons crachent la mort sans prêter attention aux hurlements des hommes attaqués. Les pirates affluent sur le pont du navire marchands. Les membres d’équipages courent dans tous les sens, attrapants leurs armes et essayant de défendre la cargaison. Mes flammes parviennent à repousser certains pirates, mais eux aussi ont des mages... La partie semble perdue d’avance. Nous étions pris par surprise, désorganisés, les pirates semblaient même prendre un grand plaisir à semer la discorde parmi nos rangs. J’attrape une dague qui avait sans doute été perdue par l’un des marins. Cela pourrait toujours servir. Je me tourne vers l'imposant vaisseau qui nous aborde maintenant. Je n'ai jamais rien vu de tel ! Un tel chef d'œuvre qui allie à la fois le génie mécanique et toute la grandeur de la magie. Je reste un moment sans voix, à admirer ce que j'avais devant moi, quand Fengo me ramena à la réalité.

- Tu comptes rester là à gober des mouches ?! Je te rappelle qu'ils attaquent le navire !

Je cligne des yeux et secoue la tête. Bon sang, il a raison ! J'aurais très bien pu mettre un panneau sur ma poitrine avec un "tuez moi", ça aurait amené au même résultat que ce que je fais à cet instant. Je retourne donc dans la bataille. Tout en appelant Amon Râ, j'entends un "Mage à Tribord !" et comprends qu'un des pirates signale ma position. Oups, repéré le Rodrigue. Je n'ai plus le choix, je dois attaquer maintenant, où finir en repas pour les poissons. Je lève les mains vers un des pirates qui, armé, appelle un de ses partenaires d'une voix enjouée, quand une vive douleur me fait tomber à genoux. J'ai déjà eu aussi mal, c'était le jour où j'avais reçu une flèche. Mais celle ci est beaucoup plus forte ! Je baisse les yeux et aperçoit un carreau profondément planté dans ma cuisse droite. Je comprends pourquoi je souffre autant, une arbalète, c'est très puissant. Je ne tente même pas de le retirer, je ne ferais que de me blesser davantage. J'essaye d'appeler Fengo, mais je comprends vite que ma douleur le laisse sans voix. Je lui ordonne alors de rester en sécurité dans la forêt, cela vaut mieux. Après un instant à essayer de contrôler ma respiration, je finis enfin par me relever. Tout en boitant, je me dirige vers l'équipage du navire attaqué, ils sont tous rassemblés et essayent de repousser les pirates qui se dirigent droit vers la cale.

Je me concentre, et appelle à nouveau les dieux. Malgré la douleur, je sens revenir cette sérénité qui peut m'animer en pleine bataille. Cette attaque là, ils vont la sentir venir et la prendre de plein fouet. Ils vont voir ce que c'est d'affronter un vrai mage de bataille. Les arts du combat, c'est ce qui coule dans mes veines, ce qui me forge chaque jour. Je sens alors cette sensation qui m'envahit à chaque fois dans ce genre de situation. Tout comme l'adrénaline, cette sensation fait que je me sens fort, j'ai l'impression que, malgré le sang, ce combat ne peux jouer qu'en ma faveur. Si je reste calme, si je maitrise bien mes mots, les dieux ne peuvent être que de mon côté. De toute manière, l'une des premières choses que j'enseigne à mes élèves, c'est de savoir maitriser sa colère, car elle trouble l'esprit. Je ferme les yeux pendant quelques instants et, parfaitement concentré, je les rouvre pour attaquer. Gare à vous, pirates, vous avez choisi la mauvaise proie.

Il n’a pas le temps de vérifier que son appel a fait mouche, alors qu’il ne perd pas son objectif de vue. Lady Ego hurle dans son dos qu’ils doivent rejoindre la cale, mais lui ne doit pas déroger de son chemin vers le second butin assuré de ce navire. Un des marins sur sa route réussit à parer son coup de sabre et le retour est brûlant, contre son bras - il anticipe déjà les gros yeux que lui roulera Mandy - jusqu’à ce que le pirate à ses côtés repousse l’assaillant dans la mêlée. Louis n’a pas le temps de se préoccuper de la blessure et du sang. Il peut encore utiliser son bras : c’est tout ce qui compte pour le moment.
(des gros gros yeux, qu’elle va lui rouler, même, la prêtresse)

Les enchantements des mages pirates et ansemariens rythment la bataille, étrange musique parsemée d’explosions ça et là, de visages brusquement éclairés, de corps tordus repoussés dans tous les sens, de sang qui coule et qui gorge le pont du navire. La majorité des forces des soldats se concentre à empêcher l’équipage de l’Audacia d’accéder à la cale et ainsi, le chemin se clairsème pour le cartographe qui se dirige vers le gaillard arrière. On le remarque et on le dénonce, du côté des soldats, et l’enchantement qui le vise le fait pratiquement décoller du sol et débouler les quelques marches vers les quartiers maîtres du navire marchand. Sa tête frappe durement contre le bois et il faut quelques secondes au Brunante pour reprendre ses sens et son souffle. L’autre pirate qui le suivait arrive juste à temps pour l’aider à se relever, lui tirant une petite grimace lorsqu’il tire sur son bras blessé. Définitivement, cette chute n’apaisera pas non plus les regards noirs à venir de Géralt… heureusement que Mayeul et Marti s’occuperont de leur dégager le chemin du retour, parce qu’être envoyé deux fois comme ça contre les murs, non merci.

« Merci du coup de pouce », dit-il à son camarade, ainsi que pour le mage qui lui a permis d’atteindre très rapidement le niveau recherché. Ils rejoignent tout aussi vite la cabine du capitaine, défoncée sans plus de cérémonie. Que pour trouver derrière ledit capitaine, sa propre arme au clair, vêtu du plus élégant des pyjamas. Et que la danse commence !

Mélusine les rejoint au cœur de la mêlée, jouant du couteau pour se frayer un chemin jusqu'à eux. Sa voix est la voix de la raison - il lui dira plus tard, elle en sera ravie ! - mais laisser libre le chemin de retour de Louis et de son compagnon est tout aussi important. Il hésite, le pirate, quant à la marche à suivre. Protéger l'avancée de Louis ou prêter main-forte à ses compagnons, maintenant que l'ennemi a compris leur objectif et semble se regrouper devant la cale ? S'ils pouvaient mettre la main sur le capitaine et forcer ses hommes à leur laisser le champ-libre, cela pourrait être une solution, mais il n'a vu personne ayant une grande autorité sur le navire pour le moment. D'un coup donné avec la garde de son arme, il assomme l'un des soldats ennemis avant d'élever la voix en direction de deux de ses camarades. "Vous deux ! Vous restez ici, vous ne bougez pas d'un pouce et vous ne laissez personne s'interposer entre la cabine du capitaine et l'Audacia. Compris ?" Les deux autres acquiescent sans mot dire. Pour être totalement honnête, Mayeul aurait préféré donner cet ordre à Mélusine, également, mais il connaît trop bien la pirate pour s'y risquer. Il n'use pas de son autorité d'officier à tort et à travers le cielsombrois mais l'idée de laisser Louis et son compère à la merci de quelqu'un qui les prendrai à revers le dérange profondément. Pourtant, il est de son devoir d'accompagner les autres à la recherche du butin... et de toute façon, il n'est guère dans le caractère de Mayeul de se contenter de l'arrière-garde. "Laissez-moi vous ouvrir le chemin, ma dame." Plaisante-t-il avec une courbette totalement déplacée dans la mêlée et de balancer un crochet en plein dans la mâchoire d'un ennemi un peu trop près à son goût.

Au milieu des corps qui se pressent et ne cherchent qu'à s'écharper l'un l'autre, il est un peu difficile de se repérer mais leur but apparaît parfois, au gré des lames qui s'entrechoquent et des combattants qui se repoussent. Il leur faut atteindre leur but, et vite, avant que quiconque ne s'alarme et ne décide de venir en aide à leur proie. Les mages ennemis sont une nuisance palpable et plus vite ils auront ce qu'ils sont venu chercher, mieux ce sera. Un coup de sabre, deux, une garde hâtive et trop peu précise et une lame vient déchirer sa tunique et faire naître une balafre sanglante sur son ventre. Douloureux - très - mais pas mortel, lui souffle son esprit, et Mayeul refuse de se laisser démonter par un peu de sang. D'accord, beaucoup de sang, il aura sans doute besoin de points de suture. Il déteste ça.

"Par ici !" Lance-t-il à l'adresse de Mélusine et Marti. Il n'y a plus, entre lui et la cale, qu'un solide gaillard armé d'un gourdin et qui mesure bien quelques têtes de plus que lui. Mayeul ne se considère pas comme un gringalet, et des années à vivre à bord lui ont dessiné une solide musculature mais l'homme semble un adversaire un peu trop puissant pour lui. Mais depuis quand Mayeul prend-t-il le temps de véritablement appréhender l'avenir et de réfléchir à une meilleure solution pour venir à bout d'un problème que d'y foncer tête baissée ? De toute façon, il faut bien que leur médecin de bord justifie son salaire !

Qui a eu l’idée d’un jour mettre des mages sur un bateau et de rendre ainsi bien trop compliquée la tâche aux honnêtes pirates, Martial se le demande. (Plus ou moins. Prendrait-il un peu de temps pour y réfléchir, il se souviendrait que le nom de la famille de l’actuelle consule, le nom de sa grand-mère et d’une certaine manière le sien, revient un peu trop souvent dans l’histoire navale du triumvirat,et qu’il devrait s’en doute maudire de lointains ancêtres.
Heureusement pour lui, l’heure n’est pas à la réflexion généalogique sur quel con a foutu des faiseurs d’étincelles divines sur le pont des navires. )
Il n’empêche que ces sal… Opiots savent presque aussi bien miser que les leurs, de mages. Martial regrette amèrement de ne pas faire une taille normale : même au coeur de la foule des soldats qui se massent devant eux, le grand homme à la chevelure claire est visible. Il pourrait presque sentir les traits lui raser le crâne – il espère, sincèrement, que ce n’est qu’une impression.

Tout le monde a du décider de se donner rendez-vous à la cale, quelle fabuleuse idée. La foule devient océan, devient marée humaine qu’il faut braver. L’ansemarien se trouve en pleine mêlée – coup de coude, genou qui remonte, cliquetis de larmes qui se rencontrent ou craquement sinistre lorsque sa force (prétendûment) mal dosée brise des nez et envoie au tapis quelques-uns des plus petits soldats.
Il a plutôt de la chance, jusque là. Préoccupé à leur dégager la voie – oeuvrant, il faut le dire, un peu pour narguer Mayeul et lui dire qu’il en a démonté plus, même si personne ne compte – le blond manque d’un cheveu de se faire démonter le crâne par un sombre inconnu trapu qui semble vouloir sa peau.
Il prend du retard sur les deux Cielsombrois qui, jusque là, l’accompagnaient. Son sabre croise celui en parfait état du type en face, encore et encore, dans un échange presque trop courtois et synchronisé d’une poignée de secondes trop longues. Il va pas m’ennuyer longtemps, lui, souffle intérieurement Marti.

Lorsque le pirate parvient à rejoindre ses comparses, il a hérité d’une jolie estafilade proche de son épaule. Rien de grave, une chemise ruinée et du sang qui le barbouille. Il arrive juste à temps pour voir le brun foncer, tel un imbécile, sur un adversaire qui va sans doute le réduire en charpie. « Mais il est con. » échappe à Martial dans un souffle, avant qu’il ne se précipite à l’aide du canonnier. Contre la masse, deux lames ne sont pas de trop – surtout lorsque l’un d’entre eux semble bien saigner.
L’avantage, lorsque l’adversaire n’a pas d’objet tranchant à portée de main, c’est que le corps-à-corps est facilité. Le désavantage, c’est que plus on se rapproche, plus l’énorme bout de bois du mec peut faire des dégâts.
Et que quand on manque de se le prendre sur le crâne, la peur vous encourage à instinctivement oeuvrer avec votre partenaire pour lui démonter la gueule. (Une bien belle action. )

Un problème de moins. Un Martial légèrement sonné, passé à deux doigts du trauma crânien, de plus. « Saleté. » C’est une bulle de calme entre eux, un battement de coeur où pulse l’excitation de se traîner dans une cale qui comme toutes les cales ne paient pas de mine, avant que la folie qui agite le vaisseau attaqué ne reprenne. « On y va. » la voix de Martial est claire, assez forte pour eux : même clairsemés, il reste quelques vaillants hommes qui n’ont pas encore compris que les pirates allaient en direction de leur cale.
Ou, au vu de l’avancée des trois – malgré un état collectif plus ou moins hasardeux – qu’ils venaient de s’en approcher bien dangereusement.

Les coups pleuvent, les sorts se perdent et le chaos règne en maître sur le navire assailli, à la plus grande joie de Mélusine qui n’est jamais vraiment elle-même qu’au milieu du désordre le plus intense. Un zeste de prudence qui a, très étrangement, un peu la voix de sa sœur, la retient tout de même de foncer tête la première sur le sabre brandi d’un ennemi, laissant passer en premier ses compagnons de bordée mieux équipés qu’elle pour empoigner l’importun et s’en débarrasser. Manœuvrant prudemment dans le sillage de Marti et Mayeul, évitant un coup de coude peu stratégique, la Cielsombroise se contente d’achever d’un coup de poignard les éventuels résistants. C’est qu’il y en a, de la résistance, et plus que prévu ; mais les pirates de l’Audacia ont un peu l’habitude des causes perdues et cela n’inquiète pas Mélusine plus ça.

De cale en cale, ils poursuivent leur parcours, enfonçant une porte ici et là, déboîtant une articulation ennemie par moments, dans la joie et la bonne humeur du combat – pour Mayeul et Mélusine du moins, Marti abordant la chose avec un sérieux très concentré qui est somme toute plutôt rassurant dans de telles circonstances. Sur le pont, il y a fort à parier que leurs compagnons sont aux prises avec le capitaine du navire et certainement ses officiers, alors, il ne faut pas tarder ! Qui sait combien de mages ce maudit rafiot peut bien transporter ? Heureusement, le but de leur visite n’est plus très loin : une nouvelle porte dégagée du passage, et voilà le coffre de la solde militaire qui s’offre à leurs yeux, fermement amarré à la paroi de la cale par une chaîne de dimensions fort convenables, maintenant en place par un cadenas de dimensions fort respectables. « Il est là ! » piaille la Cielsombroise enchantée, dardant un index frémissant d’allégresse sur le coffre, bien consciente du fait que ses deux compagnons ont probablement aperçu l’objet et déjà compris que leur butin futur se trouvait très convenablement cadenassé au bateau qu’ils sont venus piller. « Est-ce que l’un d’entre vous aurait ramassé la clé, à tout hasard… ? »

Ce serait bien merveilleux. Mais avec la chance qu’ils ont, c’est sûrement le capitaine qui la trimballe, ladite clé. Le capitaine qui est vraisemblablement présentement en train d’essayer de massacrer le groupe resté sur le pont…

Spoiler:

Par les dieux, tout ce que je fais ne sert à rien, les pirates avancent, et neutralisent toute forme de résistance. Ma blessure me fait souffrir, mes sorts se perdent dans le flot du combat, et je sens que je perds pied. Non, je ne peux pas me rendre ainsi, pas sans me battre jusqu'à ce que mon corps n'en puisse plus. Je me ressaisis. Seul contre tous, je me décide à suivre les pirates dans les cales. Suicidaire direz vous ? Non, un homme en quête de défi et d'héroïsme. Si je les fais tous bruler, j'aurais au moins contribué à sauver la cargaison et vengé les marins qui n'ont pas pu se défendre. Une fois ceux là mis hors d'état de nuire, je pourrais m'attaquer à ceux qui restent sur le pont, occupés à affronter le capitaine et son équipe. Je peux faire confiance à cet homme, pour le peu que je le connais, je sais qu'il saura se défendre et tenir jusqu'à mon retour. Professeur le Belorme ? Pas seulement. Je parviens à repousser quelques hommes que je considère comme du menu fretin. Ce que je recherche, essentiellement, c'est le propriétaire de l'arbalète qui m'a blessé. Je lui ferais manger son arme.
Quelques mousses tentent de me barrer le passage, je les envoie rejoindre leur mère la queue entre les pattes. L'un d'eux parvient à m'égratigner la poitrine avec son coutelas, mais je le sens à peine.

Plus je descends, et plus je me sens mal. Ma cuisse m'envoie des éclairs de douleur à chaque pas, et je suis plusieurs fois contraint de m'arrêter pour reprendre mon souffle. Mais quel idiot, j'aurais mieux fait de prendre la fuite et de rejoindre Fengo. Mais il fallait que je joue aux héros, alors que je suis à peine capable de marcher. Ils vont me faire la peau, à coup sur. Mais bon, je ne peux pas retourner en arrière. Si je pars, la cargaison est perdue, et j'aurais le sentiment d'avoir échoué. Je préfère continuer et risquer ma vie que de passer pour un lâche. Fengo ne prends même pas la peine de me contredire, mais je sais qu'il n'est pas de cet avis. Je prends quelques secondes pour reprendre mes esprits et continue à avancer. Je ne tarde pas à les entendre, puis à les voir. Caché dans l'ombre, je les observe, rassemblés ainsi devant un coffre. Une femme, deux hommes et... Une arbalète ! C'était elle, j'en suis certain ! Je rassemble mes forces et commence à murmurer une incantation, avant de me raviser. Attendons de voir. Je ne veux pas être repéré maintenant. Attendons qu'ils soient occupés à essayer d'ouvrir le coffre. Totalement concentrés, ils ne me verront pas arriver, et je pourrais attaquer. Oui, voilà, attendons le moment propice...

« On descend ! »

Ces mots me faisaient toujours le même effet, mais plus encore la fameuse descente durant laquelle je m’agrippais corps et âme alors que mes yeux me piquaient sous la force du vent. De la gifle gelée et sifflante qui s’abattait sur ma peau, aux tambours de guerre qui animaient mon cœur, c'était une vibrante excitation qui pulsait en moi et n'attendait qu'une chose ; de passer à l'action. J'avais hâte d'entendre le capitaine Jedidiah crier plus encore. J'avais hâte d'entendre le concert des canons entamer les hostilités. J'avais hâte de voir davantage de magie à l'oeuvre. J'avais hâte de voir danser et briller les lames. J'avais hâte de voir pleuvoir des flèches et des carreaux. J'avais hâte enfin de me rendre utile. Curieux, n'est-ce pas, avec un sobriquet comme le mien. Là où je trouvais à me plaindre quand il n'y avait rien à craindre, j'aimais à m'activer dans les instants de feu et de sang. En gros, c'était tout ou rien avec moi.

Il va sans dire que la peur bourdonnait dans ma tête dans ces instants-là quand même, mais l'adrénaline allait bien plus loin, assourdissant mes angoisses. Comme une envie de faire plus que mes preuves, comme une envie d'être un jour comme ces quelques pirates et maîtres qui arrivaient à déloger un sourire d'exaltation de mon visage alors qu'une tête valsait en face. Ce n'était pas ainsi lors des premiers abordages, c'est dingue comme le temps change et les habitudes s'installent, comment des fascinations naissent aussi.

Actif au côté du maître d'armes à distance et quand l'instant fut le bon, écho de mon cœur cognant aux indications claires et apprises par et pour la fameuse Lady Ego, je me mis à l'oeuvre avec un autre mousse pour charger les arquebuses, les tendant chacune à leur tour après chaque tir. Précis dans la manière de faire afin que chaque minute fasse mouche au fur et à mesure jusqu'à ce que l'arquebuse devienne inutile et que l’approvisionnement en carreaux et flèches et toutes autres munitions et armes ne prennent le relais.

Et les silhouettes des pirates chargèrent ainsi, faisant chanter leurs ennemis et nous faisant chanter aussi par la même occasion, mais moins naturellement. Nous étions préparés. Pas eux.

Un archer de l'Audacia s'effondra plus loin après qu'un mage l'ait pris pour cible. Allé savoir pourquoi mes yeux accrochèrent l'arc qu'il avait laissé tombé et qui restait intact. Allé savoir pourquoi aussi, m'abaissant, je fonçais dessus pour le réceptionner. Contrairement à l'arbalète que j'avais tendue et tendue et retendue aux pirates qui combattaient à distance lors d'abordages, l'arc me paraissait affreusement léger... presque faible, pourtant lui aussi faisait son effet. Je m'étais déjà essayé à l'arc après avoir indiqué mon envie de me former au combat à distance, la fronde ayant été ma fidèle alliée quand j'étais à Sombreciel. Je le bandais, flèche à l’affût d'une cible, mon regard perçant le voile sanguinolent de la danse des lames sur le pont d'en face... je relâchais la tension ensuite et la flèche atteignit le bras d'un 'ennemi' lequel offrit l'opportunité à un pirate, à un frère, d'achever la beuglante du blessé par un tracé rouge festif à la gorge. Je poursuivis ensuite un peu prenant davantage de temps avant de tendre ce dernier à un pirate revenu sur l'Audacia pour attaquer à distance après avoir été blessé à la cuisse. Je repris mes positions, fournissant flèches et carreaux, ramassant les armes perdus, tailladant quelques indésirables de l'autre bateau venu se 'perdre' chez nous. J’enchaînais ensuite en traversant le pont d'abordage, me faufilant pour aider quelques blessés à retourner sur l'Audacia, en les traînant pour certains, des fois avec un autre mousse... plantant quand je le pouvais ma petite dague dans le dos des gens. J'exécutais ainsi quelques allés et retours en attendant que pirates ET butins nous reviennent.

Le capitaine devant lui a été rudement formé à l’art de l’épée et Louis le reconnaît pour lui-même alors que dans la cabine exiguë, son adversaire semble si peu incommodé par l’étroitesse des lieux et pare ses attaques sans efforts. Un marin qui en a vu d’autres et ne se laisse pas impressionner par le pirate qui le prend de front, sans oublier l’autre présent dans son dos. De toute façon, impossible de se battre à trois, ici !

Un éclat de métal - qui n’est pas celui de leurs lames - dans la cabine attire brièvement son regard, à peine une seconde. Les clés ! Si le coffre est enchaîné à la cale, ils en auront besoin. Il n’a aucune assurance que le trousseau servira, mais il vaut mieux prévenir que guérir, dans leur cas. Ils n’ont guère de temps pour hésiter, de toute manière. « Les clés ! », beugle-t-il à son camarade, qui profite d’une ouverture pour se faufiler dans la cabine. Le capitaine veut se retourner pour l’attraper, mais Louis est pratiquement sur lui, maintenant, le sabre cognant plus fort encore contre l’épée, le forçant à parer les coups de justesse.
Il est près, si près - l’autre main se tend et réussit à agripper le capitaine par le col de son pyjama de satin, le dégage du chemin pour que l’autre pirate sorte de la cabine et parte vers la cale afin de rejoindre le reste de l’équipage de l’Audacia.

L’épée du capitaine se plante dans son flanc, perce et tranche la chair à travers les vêtements, et son cri rauque de douleur est impossible à retenir alors que la morsure de l’acier fait couler son sang chaud. Et pourtant ! Au lieu de se reculer, Louis s’avance et fout un coup de tête à l’autre homme, profitant de sa surprise pour le déstabiliser. Le nez craque sous l’impact (et son crâne aura une belle bosse) et le sabre vient frapper sur la main qui tient l’épée, avec suffisamment de force pour que les doigts en lâchent la garde.

Épaule devant, il le plaque au sol et tombe lourdement sur lui. Tout l’air coupé par le double choc, le plancher et le pirate sur lui, qui l’étouffe de son bras sous sa gorge. Puis, de la lame affûtée qui vient s’appuyer contre la peau tendre. « Un plaisir, mon brave », salue le Brunante avant de trancher net la gorge du capitaine. Le bouillon de sang couvre ses mains et il se relève en chancelant, sous la douleur de son flanc. L’écarlate qui tache ses vêtements et ne cesse pas de couleur, ne cessera pas avant qu’il rejoigne le pont de l’Audacia. Ce qu’il compte bien faire dès maintenant.

Il n'a pas duré très longtemps, le grand balèze au gourdin, à la satisfaction de Mayeul. Ledit gourdin lui a caressé la cuisse d'un peu trop près et il boite un peu, le cielsombrois, mais la douleur est bien trop diffuse pour que ce soit cassé. Il aura un beau bleu, sans doute une nouvelle blessure de guerre mais l'un dans l'autre, ils ne s'en sortent pas trop mal, surtout quand on considère que la tête de Martial est encore sur ses épaules et pas trop enfoncée. Mélusine est clairement plus adroite qu'eux et tous trois se faufilent jusqu'à l'objet de leur convoitise, accompagnés de quelques malheureux ennemis qui ne font pas long feu. Le piaillement de la jeune femme éveille quelques échos dans le crâne d'un Mayeul un peu fatigué - c'est nul, ce sang qui continue de s'égoutter malgré un bandage de fortune fait d'une chemise autour de la taille plutôt que sur ses épaules.

La clé, la clé... est-ce qu'ils auraient croisé une clé ? Le pirate jette un œil sur les murs autour d'eux, dans l'espoir bien vain que la clé y soit accrochée, mais les dieux ne semblent pas décidés à leur simplifier la tache. Ramassant une épée issue de leurs dernières confrontations à son propriétaire qui se vide de son sang sur le plancher, le cielsombrois laisse tomber avec force la lame sur les maillons, enclenchant une étincelle qui ne fait guère de dégâts à la chaîne qui retient le coffre. Il hausse les épaules Mayeul, quelque peu déçu. "Fallait essayer." Il jette un autre regard, sans repérer Rodrigue qui se dissimule, mais c'est un pirate envoyé par Louis qui fait irruption et le sort de sa recherche. Un pirate muni d'une clé, n'est-ce pas une vision merveilleuse ?

"Il va bien, Louis ?" S'enquit Mayeul en s'emparant de la clé pour déverrouiller le cadenas qui garde leur trésor hors de portée - pas pour longtemps. C'est beaucoup plus efficace avec une clé qu'avec une épée, aucun doute là-dessus. La réponse du pirate concernant l'état de leur complice, là-haut, le fait grimacer mais il vérifiera ça par lui-même après - et assistera probablement aux grands cris de leur médecin de bord, un spectacle toujours amusant lorsqu'il n'est pas visé par lesdits cris. La chaîne enfin libérée, il reste le coffre qui, vu sa taille plus que respectable, doit contenir une quantité d'or convenable. Et plutôt lourde.

Le pirate saisit une des anses du coffre, faisant signe à Martial de se saisir de l'autre. Mélusine et l'autre pirate devraient être capable de leur ouvrir la voie car se battre avec ça dans les bras est une mission plus que difficile. Ce truc pèse un âne mort - à ce qu'il paraît, Mayeul n'ayant jamais porté un âne mort de sa vie. "Et si on rentrait ?" Propose-t-il en toute décontraction, ignorant avec superbe sa démarche claudicante et le sang qui perce de son bandage improvisé.

Il faut bien dire que, quelquefois, Mayeul est complètement con. C’est quelque chose que Martial pense régulièrement, et qui régulièrement revient hanter le bout de ses lèvres pour les franchir en de rares occasions. Autant le pirate blond apprécie-t-il et respecte-t-il son supérieur (il a tendance à oublier ça, par moments, lorsque la hiérarchie cède la place à leur bancale amitié), autant le Cielsombrois quelquefois lui tape sur les nerfs par sa stupidité. Comme là. Haletant discrètement – il ne faudrait pas qu’on pense que Marti est mal en point après avoir manqué de se faire écraser le crâne et quelques petites blessures ! - il accueille avec un soupir exaspéré la tentative de Mayeul.
« Si la chaîne ne faisait pas la largeur de trois de tes doigts, éventuellement, ou si tu avais de la force ça aurait pu marcher. » le raille-t-il. Il trouve ça drôle, en un sens.

Avec un soulagement non-feint, et un remerciement discret glissé à leur comparse à la clé, il guette les alentours. De tous, hormis sa légère blessure qui ne pisse pas le sens, il pense être le plus à l’aise de leur équipe de vaillants pilleurs. L’oeil alerte et l’esprit acéré autant que faire se peut, inquiet pour leur camarade resté plus haut. Il ne se fait pas de souci pour leur retour. Mélusine devant eux est peut-être une femme – et quelle femme ! - mais Martial sait depuis bientôt vingt ans que les représentantes du sexe qu’Ansemer dit faible savent être proprement terrifiantes. Mélusine n’a jamais fait exception à cette règle.

Sur l’injonction de son coéquipier masculin, il attrape l’autre anse du coffre pour aider à le transporter. C’est lourd, évidemment ! Mais rien d’insurmontable. Certes, son bras touché l’élance plus qu’il ne faudrait ; certes, ses doigts sont encore gourds, quelque peu, de s’être trop crispés sur la garde de son sabre ; certes, il a dans les yeux et le corps une flamme qu’il n’arrive pas à éteindre et qui ne diminuera qu’au terme de longues heures d’attente et de calme total. (La violence de l’abordage remue son âme telle une tempête agiterait la mer. )

Pour l’heure, il serre fort le coffre sous ses doigts, s’aide de son autre main et tente de soulager Mayeul en portant autant qu’il le peut.
La marche sera bizarrement presque plus longue que l’aller, songe-t-il.
Martial flotte au-delà de son corps, sur le retour. Le silence et la distance l'aident à ne pas ressentir la morsure d'un besoin inhérent et bestial de quelque chose. Le retour est toujours plus compliqué, distordu par l’absence de sang et les cadavres foulés. Bientôt l’air libre chargé du parfum de la poudre qui encore traîne dans l’air, de la vie qui s’enfuit et alimente sans le savoir, de son curieux silence, le malaise niché au coeur de Martial. Il faut redescendre, maintenant. Se murer à nouveau dans le silence alors que l'on retrouve le pont, que l'on compte les corps à nous, que l'on repart, plus tard.