Dans le confort de l'Ancrage, merci...

Tu inspires profondément alors que tu quittes la caravelle que tu as employée pour te conduire à la tour de Mauve. Tu te sens un peu nerveux alors que tu t’avances pour rejoindre la tour. Séverine t’attend. Tu es sans doute quelques minutes en retard, car tu t’es entêté à trouver la tenue parfaite pour la soirée. Elle n’en saura rien, bien sûr, mais tu a changé d’avis à quelques reprises avant de te décider. Tu as aussi hésité en regardant les bouquets qu’a préparés l’une de tes servantes à ta demande. Tu en as finalement choisi aux teintes pêches qui, t’assure-t-on, signifie la reconnaissance. C’est parfait pour cette occasion.

C’est donc finement vêtu, un bouquet de fleurs entre les mains que tu te présenteras enfin chez Séverine. Tu toques à la porte, un sourire aux lèvres, en attendant qu’on t’ouvre. Tu attends d’être invité avant d’entrer chez la jolie ambassadrice devant qui tu t’inclines galamment. « Ma dame, quel plaisir de vous revoir, et en bonne santé ! » Ton sourire est sincère, ton regard chaleureux. Tu sembles réellement heureux d’être ici pour te joindre à elle. « Vous m’honorez en m’invitant ainsi chez vous. Accepteriez-vous ces fleurs comme une infime démonstration de ma gratitude ? »

Séverine était arrivée quelques jours plus tôt à l’Ancrage et tel qu’elle l’avait promis au prince Ansemarien, elle lui envoya une missive dans laquelle elle lui indiquait son séjour en ville et l’invitait à choisir une date qui lui conviendrait afin qu’elle puisse le recevoir en remerciements de son secours lors de leurs déboires démérianes.  Le grand jour étant enfin arrivé, l’ambassadrice avait passé la majorité de la journée à houspiller ses servantes pour qu’elles travaillent plus vite.  Tout devait être parfait pour la visite du prince.  Elle se montrait presque aussi exigeante que lorsque Castiel venait passer quelques minutes, le temps de prendre l’apéritif chez elle, avant d’aller festoyer ailleurs.

C’est richement vêtue d’une robe de satin bleue, le visage dissimulé par ses voiles qui ne laissaient voir que ses lèvres, ses bras couverts avec négligence d’un boa de plume, qu’elle accueillit son invité, Duchesse dans les bras.  Elle ne déposa sa chatte sur son coussin, portée par une domestique, que pour prendre les fleurs apportées par l’Ansemarien, une attention qui la ravit complètement.  Fleurs qu’elle confia tout naturellement à une autre soubrette qui irait les mettre en vase pour mieux les déposer sur la table et ainsi témoigner du plaisir de sa maîtresse.

« Vous êtes trop galant sire.  Je vous remercie de ces fleurs, mais permettez moi de les accepter comme gage d’amitié plutôt que de gratitude.  J’escompte réclamer pour moi-même tous les droits à la reconnaissance ce soir, » répondit-elle avec grâce tandis qu’elle invitait le charmant homme à la suivre jusqu’au petit boudoir où ils attendraient l’heure du souper.  « Installez-vous confortablement et n’hésitez pas à demander toute chose qui pourrait apporter à votre confort. Mes instructions ont été très claires à ce sujet et mes gens vous sont tous reconnaissants de la bravoure avec laquelle vous m’avez protégée de la chute de ce zeppelin.  Sans vous, je serais peut-être morte! » fit-elle en se laissant tomber dramatiquement dans son propre fauteuil en tapisserie.

« Peut-être pourrais-je vous le permettre, » réponds-tu en souriant, une étincelle espiègle au regard, « à une condition. Vous devrez me permettre de vous recevoir également chez moi, afin de vous témoigner ma gratitude. » Ah mais oui. Tu ne la laisseras pas monopoliser toute l’expression de la gratitude pour toujours, quand même. Puis comme ça, tu ouvres déjà la porte à l’idée de vous revoir. Peut-être même prochainement, selon la longueur de son séjour.

Tu te laisses guider jusqu’au boudoir où tu t’installes avec une certaine nonchalance naturelle dans l’un des fauteuils. Tu n’es pas un homme qui se soucis ouvertement de l’opinion d’autrui et, là où d’autres se seraient assurés d’offrir la meilleure impression, tu te contentes d’être aussi toi-même que tu l’oses en face de Séverine. Après tout, votre première rencontre a baissé toutes les murailles que vous auriez pu avoir en d’autres circonstances… « C’est fort aimable à vous, ma dame. Je puis vous assurer que votre présence suffit aisément à me combler et que je n’ai pour le moment besoin de rien d’autre. » Tu lui souris avec calme alors que tu l’observes un moment avant. « Comment s’est passé votre voyage vers l’Ancrage? » Tu as horreur d’ouvrir la conversation avec une telle platitude, mais tu n’oses pas lui avouer aussi ouvertement, aussi directement que tu voudrais discuter d’autre chose. Vous avez la soirée, rien ne sert de brusquer les choses. « Parvenez-vous à voyager confortablement, malgré les événements de l’été ? »