Jeu sur terre battue

Il fait beau en été en Ansemer. Le palais, posé sur les berges de Port-Liberté, à moitié sur la terre et à moitié sur pilotis, profite de la douce brise de la mer qui empêche la température de devenir caniculaire. La matiné a été classique, protocolaire, pour la famille royale de l’amiral alors qu’avait lieu l’écoute des doléances. Bartholomé siégeait, accompagné de sa femme Guenièvre et de son oncle Bacchus. Y était aussi Eléonore et Vanessa, à présent âgées de onze et dix ans, soit assez vieilles pour représenter dignement leur famille - comme une fille peut le faire en Ansemer, soit beaucoup de paraître et peu d’autres choses. Ne manquait que ce fils tant souhaité dans le tableau qu’il présentait à son peuple alors qu’il écoutait avec attention leurs requêtes ; un fils qu’il désespérait à présent à avoir, à tout le moins de la part de sa femme.

La séance des doléances avait laissé place à un repas léger pour se sustenter jusqu’au souper. Du crabe et de la soupe, de la salade d'algues ; du vin léger quelque peu sucré pour ces dames et du rhum pour les autres. Un repas partagé en comité restreint, contrairement au festin du soir qui était bien plus souvent qu’autre chose lieu de rassemblement de la noblesse qui résidait au palais.

Pas de mer aujourd’hui pour l’amiral : à quai étaient déjà rentrés les navires de pêche, au large avançaient avec rythme ceux du transport de marchandise, et dans la baie roulait doucement sur les vagues une partie de la flotte royale qui avait jeté l’ancre. Bartholomé avait prévu une après-midi plus tranquille, alors qu’il se dirigeait à présent vers les cours sportives aménagées pour une séance de jeu de paume. Habillé léger pour l’occasion, simple chemise crème et kilt en coton assorti - rien de mieux que de jouer en kilt ! Bacchus, à ses côtés, portait semblable costume qui laissait deviner qu’il entrerait à son tour sur le terrain. À leur traîne, Guenièvre discutait avec quelques de ses dames, alors qu’Eléonore et Vanessa se murmuraient quelques mots en échangeant regards mielleux et ricanements avec quelques jeunes nobles qui ne faisaient rien d’autre que se pavaner dans les couloirs du palais.

C’est Bacchus qui aperçoit en premier le comte de Rivepierre. « Monsieur le brigadier. Une visite à la maison après les derniers événements? » Quelques pas plus loin, Bartholomé s’arrête, interpellé par les mots prononcés par son oncle. Effet domino, tout le monde s’arrête aussi : Guenièvre et ses dames, les deux jeunes filles du couple, les gardes et les spectateurs et parasites venus se greffer à la petite activité de l’amiral. Ce dernier laisse en plan celui avec qui il entretenait une discussion sans grande importance pour faire volte face et venir rejoindre les deux hommes. « Lionel ! » Son ton est beaucoup plus amical que celui de Bacchus sur l’instant. L’utilisation du prénom et non du titre officiel de l’homme pourrait presque laisser penser aux retrouvailles entre deux amis. Ce n’est pas vraiment cela, mais tous deux se connaissent assez pour qu’une certaine camaraderie persiste. Par Liam, par Bertin, par ces quelques voyages en mer partagés à combattre les pirates. « J’avais espoir de te croiser au palais quand j’ai eu vent de ta visite en Ansemer. » En vrai il songeait à le faire demander le cas échéant, histoire d’au moins lui glisser quelques mots au sujet du voyage catastrophe en dirigeable du mois dernier. Mais il était content de le croiser à l’instant plutôt. « Aller, viens jouer contre moi. Bacchus n’a rien contre te céder sa place, n’est-ce pas? » « Bien entendu. Prenez ma place, je tiendrai compagnie à ces dames - et surveillerai ces demoiselles. » que Bacchus rajoute aussitôt, lançant un regard aux jeunes de Bellancre. S’il n’avait pas vraiment le choix de se retirer à la demande de Bartholomé, il n’y a rien qui puisse trahir quelconque déception dans ses paroles ; et surtout rien qui permettre à présent à Lionel à son tour de se désister. Si la proposition est presque une question, il est néanmoins clair que l’amiral n’attend pas de refus en réponse.

Port-Liberté n’est pas sa cité, mais alors qu’il est en Ansemer pour encore quelques temps, impossible de ne pas faire un détour par la capitale du royaume du Courage. Pour Liam, qu’il lui a tant tardé de revoir ; et pour Maxence, le fiston emporté dans le voyage du jour, à son plus grand plaisir, alors que la ville maritime est si différente de Rivepierre. Active, vivante, de son palais à mi-chemin entre la mer et la terre jusqu’aux maisons des étages les plus hauts.

L’adolescent a le profil parfait pour devenir page auprès de Liam et c’est entre autres de cette option qu’il est venu s’entretenir avec son meilleur ami. À bientôt treize ans, l’enfant a commencé une poussée de croissance qui laisse deviner qu’il sera aussi grand que son père, la tête recouverte des mêmes boucles sombres et le regard vif. Il fleurira, à la cour ansemarienne, il en est certain, et garder une place près du triumvirat est tout aussi stratégique de la part d’un père qui ne connaît que bien trop les méandres du pouvoir.
Il n’a pas manqué de saluer le consul Ermengarde suite à son entretien avec Liam et on lui indique que l’amiral est dans l’une des cours sportives. Il n’a guère envie de le déranger, mais ne pas le saluer alors qu’il est de passage serait impoli. Surtout que Bartholomé et lui-même ont un contact suffisamment positif, au fil de leurs connaissances entrecroisés et du temps en mer, pour ne pas être négligé. Le plan : attendre sagement la fin de la partie pour discuter. C’était sans compter sur l’oeil avisé de Bacchus de Bellancre. « Monsieur le brigadier. Une visite à la maison après les derniers événements ? Il n’y a rien de tel comme revenir chez soi, surtout après cette aventure, sire, acquiesce-t-il Je ne pouvais pas non plus dénier une visite à notre belle capitale à mon fils », une main posée sur l’épaule de l’adolescent, qui salue Bacchus avec tout le respect nécessaire.

La voix de Bartholomé résonne, son prénom en toute injective, et Lionel adresse un sourire chaleureux au souverain, en plus de sa révérence lorsque celui-ci arrive à sa hauteur. « J’avais espoir de te croiser au palais quand j’ai eu vent de ta visite en Ansemer. Je n’allais pas manquer cette occasion. Puis… la surprise. Aller, viens jouer contre moi. Bacchus n’a rien contre te céder sa place, n’est-ce pas? Bien entendu. Prenez ma place, je tiendrai compagnie à ces dames - et surveillerai ces demoiselles. Si Lionel est pris au dépourvu par la proposition, il n’en montre rien (plusieurs années de pratique pour maîtriser le stoïcisme nécessaire à la cour). Se contente d’accepter, tout simplement : Comment refuser ? »
Vraiment : comment refuser ?
« Va rejoindre les demoiselles Eléonore et Vanessa », intime-t-il à Maxence, qui coule un regard un peu intimidé vers les princesses. Il est à peine plus âgé qu’elles, à même de faire partie des nobles qui fréquentent le palais et donc la compagnie des jeunes filles, mais la vie de tous les jours à Rivepierre est généralement dépourvue de charmante demoiselle de son âge à côtoyer. « Et interdiction de parier sur un autre que ton père », ajoute-t-il à la blague, tirant un vrai rire du garçon. Celui-ci se dirige vers la petite cour ansemarienne et effectue une révérence exemplaire à l’amirale, puis aux princesses (une Eléonore qui le snobe, une Vanessa qui lui répond d’un sourire chaleureux), avant de s’installer parmi le groupe de spectateurs.

« Laissez-moi me mettre à l’aise, histoire de ne pas creuser mon désavantage. » Si Bartholomé est définitivement familier envers lui, Lionel conserve un vouvoiement protocolaire. Ils ont des spectateurs : il ne manquera pas de respect à l’amiral en se permettant les mêmes largesses que celui-ci. Le comte détache et retire son pourpoint aux couleurs de son domaine afin de rester simplement en chemise, de bien trop bonne qualité pour le loisir dans lequel il s’apprête à se jeter. « Il y a longtemps que j’ai joué, confie-t-il en rajustant son kilt, qu’il ne manque pas de porter lors des visites royales. Ses armes et bijoux sertis de gemmes retirés, remisés avec son pourpoint pour ne pas l’encombrer. Je ne manque pas d’occupation, auprès de Sa Grâce Gaïane et de mes arcanistes. Surtout ces temps-ci. »

C’est vrai qu’il ne lui laisse pas le temps - ni la possibilité - de refuser son invitation. Peut-être est-ce là une habitude des souverains d’exiger et de s’attendre à ce que l’on acquiesce avec plaisirs aux demandes formulées. Qu’espérer d’autre quand on grandit en apprenant que tout nous est dû? Le comte de Rivepierre ne laisse pas paraître quelconque contrariété qu’il aurait pu ressentir dans sa réponse, et Bartholomé ne s’attarde pas non plus à ses mots pour y déceler ses véritables sentiments. « Bien ! » qu’il se contente d’ajouter, simplement satisfait de la réponse obtenue. La cour est ainsi faite et ceux souhaitant y évoluer dans les grâces de ses plus hauts dirigeants ont ainsi appris son code de conduite. Et s’il pourrait en paraître à sens unique, ce n’est pas le cas. Elle est dangereuse à naviguer, certes, mais les nobles sachant voguer au travers de cette dernière avec aisance savent aussi en récolter ses offrandes. Lionel en est un bon exemple, et certainement que le fils qu’il envoie à présent rejoindre les princesses saura suivre les traces de son père. « Souhaites-tu lui apprendre à perdre, alors? » que l’amiral rétorque au brigadier une fois le gamin quelques pas derrière, le ton de ses propos blagueur à son tour - mais peut-être teinté aussi d’une certaine conviction.

La bande royale s’est divisée, laissant l’amiral et le comte - ainsi que quelques pages suivant ce dernier à la traîne un peu comme son ombre - prendre le chemin du terrain alors que l’amirale et ses dames, Bacchus et quelques nobles, ainsi que les princesse et le jeune fils de Rivepierre, s’installent dans les petites galeries qui bordent la cours sportive d’un côté. Si la plus jeune des deux de Bellancre est tout sourire et attentions pour Maxence qu’elle trouve probablement fort de son goût, Eléonore n’a fait que répondre de politesse à la révérence qu’il lui a offerte avant de soigneusement éviter tout échange supplémentaire. La première née du couple a certainement hérité bien plus du caractère de son père que de celui de sa mère, et si elle a été éduquée en bonne femme ansemarienne, elle se rattache malgré tout à ce qu’elle peut oser espérer et demander : un mariage royal, rien de moins. Et le jeune Maxence de Rivepierre est bien loin de pouvoir lui offrir cela. C’est néanmoins elle qui se retrouve assise aux côtés du garçon, prise entre ce dernier et sa soeur, qui justement se penche pour lui adresser quelques mots : « Est-ce vrai ce que l’on dit de la matriarche? Est-elle aussi froide que l’on le laisse entendre? » « Pourquoi cela t’intéresse-t-il? Jamais père ne te marieras à un Démérian, Vanessa, tu ne te risques pas de la côtoyer ! » de répondre aussitôt Eléonore avant même de laisser Maxence formuler quelques mots.


Dans les cours sportives, le sujet retombe sur la même personne, alors que Lionel mentionne n’avoir pas loisir de s'entraîner, tenu occupé par la matriarche. « Est-ce ainsi alors? Ne vous laisse-t-elle pas le loisir de quelques parties pour vous détendre? » que Bartholomé réplique, pesant dans ses mains la raquette que son page vient de lui donner. Il la passe d’une main à l’autre, comme pour s’habituer à son poids, avant de refermer ses doigts fermement autour et de s’adonner à quelques gestes du bras dans le vide pour bien prendre ses aises. « Elle m’a toujours laissé cette impression de rigidité, mais de là à astreindre sa cour de tels plaisirs - ou bien n’est-ce qu’à sa troupe d’arcanistes qu’elle impose pareil horaire vous contraignant? » Le jugement dans ses propos n’est pas même voilé, et cela en étant bien au fait qu’il s’adresse au brigadier et au beau-frère de Gaïane. Mais Lionel est aussi assurément au fait des prises de positions d’Ansemer - et de Bartholomé plus particulièrement - face à la nation voisine et sa souveraine. Si l’entente politique est là et cordiale, jamais malgré tout ne pourra-t-il comprendre - accepter - la façon de vivre de leurs voisins. Et il n’a d’ailleurs jamais vraiment compris pourquoi Lionel avait accepté tel poste alors que Liam lui avait offert rang de prestige similaire dans son armée !

Attrapant une balle dans le panier en osier qui en contient une dizaine, il la fait rouler dans sa paume quelques fois, avant de la lancer à son adversaire. « Laissons de côté le tirage, je t’offre le premier service pour palier tout désavantage. » Et ainsi il se dirige du côté du devers du terrain, prenant position pour être prêt et laissant à Lionel le premier lancé.

Une erreur de débutant que d’évoquer Gaïane, mais Lionel ne voit guère comment éviter d’évoquer son occupation professionnelle, celle qui lui prend tant de temps et justifie sa vie en Déméria, tant d’années après en être parti une première fois. Il ne pensait pas y retourner, avant l’offre de sa belle-soeur d’assumer le rôle de brigadier, et son choix a toujours laissé sceptique ses compatriotes Ansemariens. Un page vient lui donner une raquette, qu’il soupèse et manipule avec circonspection, les yeux toujours posés sur le souverain - puis, sur son fils, qui assure à la princesse Vanessa que la matriarche est très aimable, prudent dans ses mots à propos de sa tante. Il a bien appris. Définitivement, la cour sera un bon apprentissage pour peaufiner ce qui déjà se dessine chez Maxence.

« Elle m’a toujours laissé cette impression de rigidité, mais de là à astreindre sa cour de tels plaisirs - ou bien n’est-ce qu’à sa troupe d’arcanistes qu’elle impose pareil horaire vous contraignant? Il fait rouler ses épaules pour les dénouer, mouline des bras afin d’en dégager toute l’ampleur. Bartholomé est presque aussi grand que lui, garantissant une partie relativement équilibrée sur ce point de vue, alors qu’ils profitent de la même allonge avantageuse. La cour a nombre de loisirs desquels profiter, rassure le brigadier, qui n’a pas très envie que la cour démériane ait la réputation d’un cachot rigide. Au contraire, même, alors que la matriarche apprécie les différents artistes et autres amuseurs qui défilent à Edenia. Mon zèle est certainement le plus grand responsable de ma charge de travail conséquente, en plus de mon poste, bien qu’il ne soit en rien comparable à toutes les responsabilités d’une couronne. » Lionel est brigadier, comte et père, par-dessus le marché, mais jamais il n’ira prétendre qu’il est plus occupé qu’un souverain. Pas alors que celui devant lui cumule aussi les fonctions de capitaine de navire et de père, en plus de devoir conjuguer ses décisions avec celles de deux autres têtes couronnées.

Il attrape la balle lancée par Bartholomé, acceptant de ce fait de s’occuper du premier service. Sans pression, bien sûr. Lionel va se placer bien loin de son côté du terrain et inspire profondément, alors que le page annonce le pointage actuel de la partie et le premier service. « J’étais certain de vous trouver en mer, sire. Paraît-il que la saison est magnifique, cette année. » La balle lancée dans les airs et il frappe, le coup puissant renvoyé sans problèmes par l’amiral, dans un premier échange qui manque peut-être de précision de la part du brigadier. Il craint même que la balle dépasse les limites du terrain, et sans doute est-ce aussi le cas de Bartholomé, mais lorsque la balle rate à peine le bout de sa raquette, c’est bien dans le terrain qu’elle atterrit. Le comte se retient de marquer sa joie, laisse plutôt le page annoncer le nouveau pointage. « Avez-vous réussi à convaincre votre frère de vous accompagner pour une sortie sur l’océan, lors de sa visite ? » Ça l’étonnerait beaucoup que Bertin ait accepté la chose, mais peut-être qu’après une croisière catastrophique dans les airs, l’homme a-t-il remis en question un peu de son aversion pour la navigation maritime.

Spoiler:

Il ne s’attend pas réellement à ce que Lionel ne fasse autre chose que de défendre la cour démériane, mais il doit avouer que le brigadier le fait extrêmement bien. Rassurer qu’il y a foison de loisirs à la cour, reporter le blâme de ce qu’il a laisser comme impression sur sa propre personne, et terminer de quelques mots donnant importance à Bartholomé. Ce n’est pas pour rien qu’il est là où il est aujourd’hui, dans les bonnes grâces de deux souverains et capable d’entretenir de bonnes relation avec les autres. Lionel ne lui a jamais manqué de respect, ou n’a jamais trespasser les codes de la noblesse avec lui. Et presque chaque échange qu’ils ont partagé ont toujours été agréables. Il ne comprendra certainement jamais ce qui l’aura poussé à choisir la nation voisine plutôt que la sienne, comme il ne comprendra jamais non plus cette aversion de la mer qu’il porte un peu comme son frère. Mais il lui fait malgré tout toujours un peu plaisir de passer quelques instant avec le comte. « Eh bien. Que puis-je rajouter alors? La matriarche a de la chance d’avoir dans ses rangs un tel Ansemarien ! » La pique est là tout de même, le reproche à peine voilé, mais il ne laisse pas le temps à Lionel de répondre quoi que ce soit qu’il se prépare pour le jeu.

« Elle l’est, oui. » C’est tout ce qu’il a le temps de répondre alors qu’il observe la balle venir frapper le toit et faire rebond sur le sol. Un beau coup pour quelqu’un qui prétendait n’avoir pas joué depuis un moment. L’amiral peut malgré tout renvoyer sans difficulté et l’échange dure quelques coups avant que sa raquette ne rate la balle, qui passe tout juste à côté pour poursuivre sa course. Il s’attend à ce qu’elle dépasse les limites du terrain, mais quand le page annonce le premier pointage en faveur du comte, force est de constater que la balle à bien terminé sa lancé dans les limites. « Bien joué. » qu’il offre à Lionel, laissant un autre page venir chercher la balle et retournant se positionner dans la zone du terrain. Dans les estrades, Vanessa félicite Maxence pour l’avance de son père, alors qu’Eléonore, prise entre les deux, se contente de rouler des yeux.

Il hausse les sourcils à la question, avant qu’un petit rire ne glisse sur ses lèvres. Lionel connaît certainement fort bien la réponse déjà. « Cette aventure que vous aurez partagé dans la jungle ne lui aura pas redonné goût à la mer, non. J’ai réussi à le traîner sur la plage, tout au plus. » Il ne mentionne pas la journée suivante, à remonter la rivière pour terminer pour trouver une licorne mutilée. Il n’a pas encore ébruité l’affaire, alors que l’enquête se poursuit encore tout bas. Bertin est rentré, mais il lui a laissé une équipe compétente qui cherche encore quelques infos. Pour l’instant, il n’y a rien encore à déclarer qu’il ait envie qu’il se rendre aux oreilles de la matriarche. Et Comme Lionel est on ne peut plus proche de cette dernière, vaut mieux ne pas échanger de ce sujet avec lui. « Et je me doutes que ce ne soit votre cas non plus. » Parce qu’il avait apprécié l’expertise du brigadier comme mage de bataille sur sa vivenef, et que si Lionel souhaitait récidiver un jour, c’est avec plaisir qu’il l’accueillerait sur les ponts de ses navires.

Un page vient porter la balle au comte, pour que reprenne le jeu. Cette fois, Bartholomé anticipe déjà mieux les réactions de son adversaire après l’avoir observé bouger lors du premier set. L’échange dure quelques coups avant que la balle lancée par l’amiral trouve le sol sans retour. Le page annonce le pointage, à présent égal, et Bartholomé se rapproche du filet, pour échanger de zone avec Lionel et sevir à son tour. « Une fille à la cour démériane, un fils à la cour ansemarienne, astucieux. » qu’il déclare en lançant un regard vers Maxence dans les galeries. « Pourquoi vous être finalement décidé à l’apporter? »

Spoiler:

Bartholomé lui confirme son intuition à propos du prince d’Ansemer, sans guère de surprise, et lui retourne le commentaire : « Et je me doutes que ce ne soit votre cas non plus. J’ai désormais davantage le mal de l’air que celui de mer », répond-il non sans humour. Au contraire de Bertin, il a consenti pendant plusieurs années à aller en mer, ou à grimper dans les nacelles de défense ansemarienne, bravant ce dégoût instinctif pour les hauteurs et l’océan. Si les hommes qui l’ont côtoyé n’ont jamais cessé de se moquer de son teint nauséeux et de son soulagement à rejoindre la terre ferme, ils ne le respectaient pas moins. Ça n’a jamais été de la bravoure, qu’une dévotion à son statut de mage de bataille et à son royaume, mais l’effet était le même.
Et vraiment, après cet écrasement de zeppelin, la sûreté des navires ansemariens lui semble presque rassurante.

Son coup d’éclat du premier set ne dure pas, alors que l’expérience de l’amiral reprend le dessus sur sa chance de débutant (ou d’intermédiaire rouillé) et égalise le pointage. Lionel ne perd pas espoir de se démarquer, au moins de se défendre, dans ce match, et s’arrête au filet lorsque Bartholomé lui adresse la parole : « Une fille à la cour démériane, un fils à la cour ansemarienne, astucieux. Pourquoi vous être finalement décidé à l’apporter? » Il suit le regard de l’amiral vers les galeries, étudie son fils du regard, sa tête sombre penchée vers Vanessa pour le féliciter des prouesses de son père sur le court. « Maxence est un garçon intelligent et le futur comte de Rivepierre, il est mûr pour se mêler au véritable monde. Non seulement intelligent dans le sens ferme du terme, mais bien élevé et volontaire, et doté d’une intelligence émotionnelle que seul Livien possédait vraiment, entre les deux jumeaux. Plus compatissant, plus doux. Une douceur qu’il lui fait mal d’exposer aux roueries et exigences de la haute noblesse, mais qui a besoin d’être malmenée par la réalité. Le marrainage de la matriarche Gaïane est très apprécié de ma fille et j’ai foi que le parrainage du tribun saura être bénéfique pour mon héritier. » Lui-même a bien profité du parrainage de feu Lionel d’Outrevent, sans parler de l’amitié de Liam.
Le comte remet un sourire sur ses traits, un peu complice, alors qu’il tourne la tête vers le capitaine de vivenef. « Et sans trahir mon domaine… la cour ansemarienne sera définitivement plus au goût d’un adolescent que ses grands-parents et des chèvres. » Même si ça le peine de laisser ses parents seuls à Rivepierre, qu’importe que ceux-ci aient soutenus cette idée avec enthousiasme.

« Je me doute que vous avez vos propres plans pour les princesses Eléonore et Vanessa, à ce sujet. Liam m’a dit qu’elles siégeaient à vos côtés depuis peu, lors des séances de doléances. » L’absence d’héritier mâle est toujours bien épineuse, en Ansemer, surtout pour les dirigeants du trône à trois têtes. Il peut au moins apprécier l’effort que fait Bartholomé pour laisser ses filles au moins assister à ces moments politiques, pour en comprendre les rouages. Même si, vraisemblablement, on ne leur demanderait jamais d’utiliser tout cela.

« C’est un bon début. » qu’il répond, une pointe d’humour à son tour dans sa voix. Mais il n’a pas espoir de réussir à trainer Lionel sur la mer à nouveau. Pas alors qu’il occupe un poste pour la nation voisine. Il a eu le temps de connaître un peu l’Ansemarien lorsqu’ils ont jadis partagés quelques voyages, et il sait qu’à présent engagé il ne renoncera pas de sitôt à son rôle. C’est une jolie perte pour eux, un joli gain pour Gaïane. « Quelle idée, de voler, d’ailleurs. » Et si beaucoup répondront que la mer est tout aussi dangereuse, l’amiral vous répondra qu’une fois à l’eau vous avez encore la possibilité de nager. Il n’a encore jamais rencontré un homme qui sache voler. Qui sait? Peut-être est-ce la nouvelle invention cielsombroise? Une paire d’ailes mécaniques portée comme un harnais sur son dos?

La partie amicale attire une petite foule qui se masse dans la galerie adjacente. Si traîner proche de où l’amiral se trouve est toujours une façon de se faire voir, aujourd’hui c’est aussi un peu de curiosité face à la présence du brigadier. S’ils sont nombreux à envier la position de l’homme au sein de la cour démérianne, les Ansemariens se questionnent aussi sur un tel choix. Certes, le poste est important, mais le pouvoir possédé est-il réellement aussi fort quand on est un homme en Déméria? Et il y a des rumeurs, évidemment. Impossible de passer à côté, quand on sait Lionel aussi proche de la matriarche par les liens de sang.

Ils ont fait une petite pause, alors qu’ils échangent sur le bord du filet avant de changer de place sur le terrain. Bartholomé acquiesce simplement, alors que le brigadier parle de son fils et du bien que la cour ansemarienne aura sur son héritier. La dernière phrase lui arrache un sourire, et un petit rire ne peut faire autre chose que glisser sur ses lèvres. « J’imagine bien ! » Parce que si les pâturages et la famille pouvait suffire à un gamin, l’adolescent devait avoir effectivement avoir hâte de se mêler à l’effervescence de la cour, surtout sachant son père et sa soeur participer à celle de nation voisine. « La cour du fera assurément du bien. Et s’il est pour reprendre le domaine tôt ou tard, c’est effectivement une bonne chose de se mêler à la noblesse. Les filles se feront un plaisir de lui faire profiter des joies de la vie au palais - peut-être un peu plus Vanessa j'ai l'impression. » Et Bartholomé n’a pas besoin de préciser que l’expérience ne sera pas toujours positive, Lionel le sait sûrement. Mais c’est cela aussi qui forgera l’adolescent et le préparera à naviguer les échanges qui l’attendent dans son rôle futur.

L’amiral se retient de grimacer quand la question lui est retournée quand à l’avenir de ses filles. Parce que si Lionel ne fait pas mention du problème auquel il fait face, Bartholomé sait très bien que c’est l’éléphant dans la pièce. Cela l’a toujours été, depuis la naissance d’Eléonore. Il y a toujours été question du prochain enfant, de l’héritier à venir qui n’était pas encore là. Mais plus les naissances se cumulaient et plus l’absence d’un garçon devenait épineuse. Est-ce qu’il jalouse le comte de Rivepierre? Assurément. Non seulement ce dernier a un héritier en Ansemer, mais voilà que son aînée prend place à la cour démériane où elle aura certainement un meilleur avenir que dans sa nation de naissance. « Oui, il est temps qu’elles soient confrontées un peu au peuple et à la politique interne. » Bien qu’elles n’y participent aucunement et qu’il s’agisse plutôt là de simple acte de présence et de bien paraître. Son regard glisse sur ses filles dans la galerie, et il se permet un commentaire à Lionel alors que seul lui l’entend. « Eléonore a hérité d’une part de mon caractère, je crains. Elle est déjà bien intéressée par plus que ce qu’elle ne devrait. » Et ses réflexions et approches sont souvent justes, ses questions intéressantes et justifiées. Mais son intérêt pour la politique et la conscience de ses capacités poseront assurément problème. Elle est Ansemarienne, non pas Démériane. « Elle aurait fait un parfait héritier, être né garçon. » Il y a dans cette phrase un mélange de tellement de choses. De regrets et de refus. D’une histoire complète de patriarcat. Il serait si facile de faire changer tout cela. Et la présence comme consul d’Ermengarde ne pourrait-elle pas faciliter une transition? Pourtant. Bartholomé n’est pas prêt à tel changement. Ansemer lui-même n’est certainement pas prêt, d’ailleurs.

Bartholomé semble bien d’accord avec la décision d’enfin introduire Maxence à la cour d’Ansemer, pas uniquement lors de quelques visites protocolaires, et cette approbation rassure un peu le brigadier. Son fils ne passera pas que du bon temps, à Port-Liberté, mais il apprendra à naviguer dans les eaux de la politique, s’y fera des alliés, peut-être même quelques amis. « [...] Les filles se feront un plaisir de lui faire profiter des joies de la vie au palais - peut-être un peu plus Vanessa j'ai l'impression. Il saura très certainement apprécier la compagnie de la princesse Vanessa, si elle lui en fait l’honneur. » … dont une princesse, peut-être même ? Lionel n’ira certainement pas jusqu’à espérer plus, bien sûr, il connaît assez son rang et celui des demoiselles de Bellancre pour oser penser à davantage qu’une simple amitié de cour.
Il n’empêche que cette amitié de cour saura certainement amener bien des opportunités, dans le futur, si ce voeu pieux se concrétise.

L’amiral ne grimace pas, mais c’est tout juste, alors qu’il évoque l’épineux sujet de ses filles. « Oui, il est temps qu’elles soient confrontées un peu au peuple et à la politique interne. » Son regard sombre se pose sur le visage décidé de la princesse Eléonore, qui semble bien ennuyée par la cour autour d’elle, somme toute. « Eléonore a hérité d’une part de mon caractère, je crains. Elle est déjà bien intéressée par plus que ce qu’elle ne devrait. » Une brève description qui rappelle Maeve, à Lionel - et autant il est heureux que les dieux lui aient donné une enfant d’une grande intelligence, autant il sait qu’en Ansemer, c’est un don dangereux, chez une femme. Dangereux, craint, diminué, muselé. Un signe de tête, de compréhension, alors qu’il croise le regard du régnant. « Elle aurait fait un parfait héritier, être né garçon. » Les deux hommes savent très bien ce qui pourrait être fait pour résoudre le problème, mais il est hors de question de l’évoquer. La primogéniture masculine fait loi, en Ansemer, et changer cela… Lionel aime profondément son royaume de naissance et il sait donc très bien que celui-ci n’est pas prêt pour cela, Ermengarde en consul ou pas. Que reste-t-il à espérer, alors ? Un héritier à élever pendant encore vingt ans, alors que l’amiral ne rajeunit pas ?

« Les dieux nous gardent de nos filles. »
Qu’ils les gardent elles, aussi, de tout ce que leur tête trop bien faite saura mijoter, alors que leurs pères leur autorisent un peu de liberté.
Tout juste assez de corde pour se pendre.

Lionel se dirige vers sa nouvelle zone, une fois son souffle et ses moyens bien repris. Perdre contre l’amiral ne sera pas la plus grande humiliation, mais il est hors de question de perdre sans se battre un peu. Il est rouillé, mais l’orgueil, lui, quand même un peu présent. Puis, son fils le regarde, après tout ! Pas question non plus de donner l’impression à Maxence que son père peut être vaincu si facilement, y compris au jeu de paume. C’est à Bartholomé de servir et le brigadier l’attend de pied ferme, entièrement concentré sur la balle, puis, sur le jeu de son adversaire. Le marin est solide, rapide, le pas ferme et sûr, et cette fois le mage a repris davantage de ses réflexes, de ses connaissances sur ce jeu si apprécié, bien que si peu pratiqué. L’échange est long, énervant, assez pour que lorsque la balle rebondit dans la zone de l’amiral sans être renvoyée, quelques applaudissements viennent clore le tout. Le Rivepierre s’essuie le front de la manche, alors que la combinaison du chaud soleil ansemarien et du sport n’est point clémente. « Je devrais mettre quelques entraînements de jeu de paume à l’horaire de mes arcanistes, qu’il souffle et rit un peu. Au moins pour me permettre de tenir le rythme contre vous, lors de mes visites. »

Spoiler:

« Je veillerai à ce que ce soit le cas. » qu’il rajoute, toujours observant à distance ses filles, avant de tourner vers Lionel un sourire qui sous-entend autant qu’il raye autre. Lionel est un ami de Liam, et donc du Triumvirat, de longue date. Il est mage de renom et se retrouve en haute position dans la nation voisine, autant par les liens de sang que ceux de pouvoir octroyé par son poste. Les enfants de Bartholomé et Guenièvre sont les seuls enfants royaux d’Ansemer, pour l’heure, et comme Liam n’a pas de progéniture pour perpétuer l’amitié entre lui et Lionel au travers leur descendance, Bartholomé peut faciliter du moins quelque peu la vie à la cour de Maxence en lui offrant la compagnie de ses filles. Mais il n’a pas besoin de préciser que cela s’arrêtera là. Il ne laissera pas Vanessa épouser un comte. Quant à Eléonore, d’elle-même elle ne l'accepterais jamais ! Reste Jehanne et Océane, mais si la première est encore une toute petite enfant, la seconde n’est encore qu’un poupon qui sait tout juste aligner quelques mots.

Il ne fait qu’hocher la tête, ensuite, aux mots de Lionel. Oui, que les dieux, les gardent, ces filles qui sauraient prendre les règnes et diriger avec peut-être même plus d’aise que leur père savent le faire. Ces filles qui sont assez bien nées pour être éduquée, pour rêver ; cadeau empoisonné en Ansemer. Sait-elle seulement la chance qu’elle a, Maeve, placée à la cour démériane? Vanessa pourra peut-être espérer suivre les traces de sa tante, qui a fui le joug patriarcal en trouvant sa place à l’Ancrage. Bartholomé ne laissera jamais sa première née faire de même, tant qu’il n’aura pas un fils, et tant que ce dernier ne sera pas en âge de prendre le trône. Autrement dire, Eléonore ne quittera pas Ansemer. Elle le sait, certainement. Enfant trop intelligente pour elle-même qui ose encore se nourrir des espoirs d’un changement futur. Mais n’est-ce pas là son seul salut, ce rêve qu’elle peut entretenir?

Le jeu reprend, après cette petite pose à papoter et reprendre leur souffle. C’est à lui de servir et Bartholomé prend place au dedans du terrain. Il soupèse la balle, une fois, deux fois, avant de la lancer dans les airs. Elle s’élève sur quelques deux mètres, roulant sur elle même avant de retombée, frapper dans sa descente par la raquette de l’amiral. Elle s’élève à nouveau dans les airs, vers le devers, dépasse Lionel, toujours haut dans les airs, avant de frapper le toit de la galerie et de redescendre au sol. Un rebond, et aussi frappé par le mage. Bartholomé réplique, Lionel aussi. L’échange dure un moment encore, laissant peu de répit aux deux hommes. C’est l’amiral qui fait faute, en manquant de renvoyer la balle qui vient rouler au sol de son côté. Les quelques applaudissements qui résonnent en faveur du comte lui arrachent une grimace amusée alors qu’il reprend son souffle. « Eh bien, au vue du pointage, vous vous en sortez bien même sans entrainements ! »

Ils échangent de place, alors que Lionel reprend le service, fort de son avance sur l’amiral. Mais Bartholomé commence à être plus attentif au jeu de son adversaire : à reconnaître son jeu de pied qui se répète, peut-être involontairement. Ses déplacements sur la droite qui sont plus assurés que ceux sur la gauche. Son essoufflement qui se fait plus important plus la manche est longue. Et une seconde fois, il vient égaliser le pointage.

Ils se rejoignent une nouvelle fois au filet pour changer de place. « Je suis agréablement surpris de votre jeu, Lionel. Pour quelqu’un qui prétend ne pas avoir la chance de pratiquer. Que diriez vous de parier sur le vainqueur de nos échanges? » Il est certain que quelques paris ont déjà lieu entre les nobles rassemblés dans les galeries, mais lui-même aime bien pimenter un peu le jeu, et il est curieux de ce que le mage pourrait lui demander alors qu’il lui offre quelque peu le choix de ce qui sera en jeu. Une offre que le brigadier pourra tourner à son avantage, s’il sait seulement garder le rythme et vaincre l’amiral.

Spoiler:

« Eh bien, au vue du pointage, vous vous en sortez bien même sans entrainements ! » Lionel ne retient pas un autre rire, non mais moqueur, mais amusé - et un peu essoufflé, aussi. Le travail davantage statique que lui impose son rôle de brigadier ne lui demande pas la forme physique exigeante qu’il devait conserver lorsqu’il oeuvrait pleinement comme mage de bataille, parfois au devant des dangers. Il n’est pas vieux, il a encore une demi-vie entière devant lui, mais sa fraîche vingtaine est définitivement derrière lui !

Une nouvelle fois, l’avantage s’inverse. Plutôt, s’équilibre en faveur de celui qui est le plus à l’aise sur ce terrain, de l’amiral dont l’esprit calculateur sait repérer, prévoir, prédire ce que son adversaire moins aux aguets peine tout juste à reconnaître encore. Les échanges sont longs, trop pour le débutant-intermédiaire que le mage reconnaît être sans chercher à s’arroger davantage, et ceux-ci ne lui font pas de cadeau. Bartholomé non plus. Il sait reconnaître quelqu’un qui fait exprès de perdre, quand même… et ils ne sont plus des enfants. Pas plus que Lionel est un noble adepte de flatteries, du genre à se jouer plus mauvais qu’il l’est vraiment. Et insulter l’amiral au passage ? Non merci. Entre le battre loyalement et écorcher son ego, ou feindre la faiblesse et s’écorcher à deux, il a choisi son camp. « Je suis agréablement surpris de votre jeu, Lionel. Pour quelqu’un qui prétend ne pas avoir la chance de pratiquer. Que diriez vous de parier sur le vainqueur de nos échanges? N’allez pas remettre ma prétention en doute », qu’il répond en s’essuyant à nouveau le front, le sourire large sur son visage rougi par l’effort.
Sa proposition est néanmoins bien intéressante. Le brun n’est pas du genre à parier, peu enclin vers ce qui devient bien trop aisément un vice, chez les hommes à l’esprit faible. Fortuna ne l’a d’ailleurs pas en très grande estime, apparemment, à chaque fois qu’il se risque à l’invoquer dans les jeux… mais que risque-t-il vraiment, cette fois-ci ?

Un regard vers les nobles attroupés, les regards intéressés et les mines enthousiastes qui suivent le match avec attention. Plus que si le Bellancre affrontait son oncle Bacchus ; et plus encore alors que les paroles échangées par les deux hommes ne peuvent pas être entendues. « Je vais aller à l’encontre de la recommandation faite à mon fils et parier sur vous, sire. Pas sans se battre, bien sûr. Prêt à suer sang et eau (d’accord, peut-être seulement l’eau) pour se défendre. Le sourire plus ténu, sous le sérieux de ses yeux noirs. Si j’emporte ce pari… emmenez Maxence en mer, une fois. Ce n’est pas rien, que de demander à ce que le fils héritier se fasse mousse, le temps d’une expédition sur la vivenef de l’amiral lui-même. Les hommes des terres viennent rapidement à oublier la réalité de ceux des mers, et mes propres années à vos côtés m’ont définitivement forgé le caractère. » Un point bien important pour un jeune homme qui s’engage tout juste dans les années difficiles de l’adolescence, loin de la surveillance de ses grands-parents et de son père, au coeur d’une capitale active. Franchement, lui mettre un peu d’ordre et de droiture dans le crâne, à la dure… ce sera bien.
Lionel ne demande pas pour lui-même, bien sûr. Que pour ce fils tant aimé, auquel il souhaite les liens indéfectibles que savent lier les marins, si semblables à ceux de la fraternité.
« Votre pari, sire ? »
Il ne sait pas ce qu’il peut lui offrir, mais il est toute ouïe.

Alors que le pointage s’équilibre une nouvelle fois, l’amiral propose au brigadier de parier sur la finalité de leurs échanges. Bartholomé en a l’habitude, bien souvent. Avec son oncle, ses conseillers, sa cour rapprochée. Des paris sans grande valeur mais qui ajoutent toujours au jeu cette petite touche plus excitante. Certains en profitent pour demander des faveurs, et l’amiral y retrouve surtout l’occasion de réels échanges où ses adversaires ne feignent pas maladresse ou inhabilité pour le laisser gagner.
Il suit le regard de Lionel vers les nobles dans les galeries. L’intérêt est définitivement plus grand que s’il avait affronté son oncle, comme il était prévu au départ. D’ailleurs, ce dernier n’est plus là ; Guenièvre est de nouveau seule avec ses dames et il soupçonne qu’on soit venu le chercher pour régler quelques affaires (ou bien que Bacchus s’est interposé pour empêcher que l’on dérange Bartholomé pour de futiles affaires qu’il pouvait gérer en attendant la fin de la partie pour l’amiral.)

Lionel capte soudainement pleinement son attention en mentionnant qu’il souhaite parier sur lui, et non pas sur lui-même comme il serait coutume. Un sourire amusé se fraye un chemin sur ses lèvres alors qu’il se retourne vers le brigadier pour entendre le prix souhaité s’il venait à gagner. Venant d’un autre, une telle façon de parier aurait pu être un moyen facile de gagner. Mais des échanges déjà effectués, il ne doute pas que le comte terminera la partie de façon tout à fait loyale du meilleurs de ses capacités. Et puis, qu’elle ingénieuse façon de sortir gagnant peu importe l’issue du match !

Et une nouvelle fois, de par sa demande, Lionel prouve le noble qu’il est - sans oublier la petite remarque sur les années passées à voguer ensemble. La demande est calculée, un brin audacieuse, mais cela en est une que l’amiral peut difficilement refuser. Rares sont les mousses qui commencent leur apprentissage sur le navire de l’amiral, et ce même s’il est toujours dit que le sang en mer n’a pas de rang. Et si l’apprentissage maritime est un rite de passage quasi obligé chez les hommes de mers, les Ansemariens des terres voient le tout parfois un peu différemment. Notamment du fait qu’envoyer ses fils - et son héritier tout particulièrement - en mer comporte toujours des risques. « Eh bien Lionel. Voilà un pari qui me fait plaisir! » Bien entendu, Maxence ne serait pas réellement sous sa responsabilité ; l’amiral aurait bien autre chose à faire en mer que de surveiller et enseigner à un mousse, et le jeune garçon ne gagnerait rien à suivre le capitaine comme un simple valet. Mais la rigueur de la vivenef royale est tout autre que de n’importe quel navire. Et il y a l’honneur, aussi. Surtout.

Et pour son pari? Bartholomé s’arrête un moment, pour réfléchir. Il n’a rien vraiment à demander au comte - l’élevage de caprinés pour lesquelles ses terres sont reconnues ne lui est pas d’un grand intérêt. Il ne transgresserait pas les codes diplomatiques en lui demandant quelque faveur ou intervention auprès de la matriarche non plus. Sauf qu’une idée lui vient. « Vous savez que je me fais construire une nouvelle vivenef, Lionel, n’est-ce pas? » S’il s’agit d’une question, il enchaîne malgré tout sans lui laisser le temps de répondre. Qu’il sache ou non n’a pas de réelle importance, à vrai dire. « Si vous gagnez ce pari, et donc que je gagne la partie, j’emmènerai Maxence sur son expédition inaugurale. Si vous remportez le jeu, certainement que le mage a déjà compris où il voulait en venir à présent, ce sera vous qui en ferez parti. » Oh, il ne s’agira assurément pas d’une expédition dangereuse, ni même d’un voyage en mer de longue durée. Lionel pourra assurément prendre congé de ses fonctions auprès des arcanistes pour retrouver la mer une nouvelle fois. « Une partie classique. Le premier à atteindre six points gagne le jeu. Et donc perd son pari. » Il tend la main à son adversaire, pour conclure des termes définis.

L’audace du comte paie, alors que l’amiral s’amuse de la demande, sans la nier. L’occasion est trop belle ! Pour Lionel et celle d’envoyer son fils marcher sur les mêmes planches que le souverain des mers, de l’instruire sur la réalité de la vie des enfants des côtes, d’apprécier le calme et la stabilité de ses futures terres et de ses biquettes caracolant sur les prés. Pour Bartholomé… le plaisir de se savoir deux fois victorieux, certainement. Il se demande d’ailleurs bien ce que l’homme lui demandera, prêt à une faveur auprès de la matriarche. Ainsi, la surprise est totale lorsqu’il aborde la chose autrement : « Vous savez que je me fais construire une nouvelle vivenef, Lionel, n’est-ce pas? Un signe de tête, léger - il l’ignorait, bien sûr. Si vous gagnez ce pari, et donc que je gagne la partie, j’emmènerai Maxence sur son expédition inaugurale. Si vous remportez le jeu, il suit très bien le fil de ses pensées, ce sera vous qui en ferez parti. »

Voilà bien ce qu’il gagne, à ne pas parier sur lui-même !
Ça lui apprendra à ne pas suivre ses propres conseils.

« Une partie classique. Le premier à atteindre six points gagne le jeu. Et donc perd son pari. Perdre n’a jamais été si intéressant », rit bien fort le brigadier, qui ne se laissera toutefois pas aller aux sirènes de la défaite, à l’appel vicieux de laisser tout simplement laisser l’amiral gagner afin de s’éviter une excursion en mer. Ce qui est bon pour son fils l’est pour lui aussi, et c’est bien ce qu’il mérite pour avoir flatté Bartholomé dans le sens du poil.
S’il aime tant être à ses côtés sur un vivenef, qu’il le prouve !

Le pari est scellé en une poignée de main ferme, puis chaque Ansemarien rejoint sa zone et… que le duel commence, cette fois véritablement qu'il lui semble. Lionel le sent dans la force des coups de Bartholomé, dans ses déplacements, dans les siens qui sont un peu moins assurés. Quelques fois, le mage sent sa cheville vouloir se tordre sous son poids et l’impact des arrêts, sans jamais tout à fait céder. Les dents serrées, comme pour ainsi encourager ses membres à ne pas le trahir, alors que son esprit compétitif, sportif, prend le dessus. Ce n’est qu’une bataille comme les autres. Q’une stratégie qu’il doit comprendre et ensuite déjouer. Ainsi, si le Bellancre emporte la 5e manche sans problèmes, Lionel force l’égalité lors de la sixième, remontant le pointage à la sueur de son front et de ses courses. Sur les bancs, le public est absorbé par la partie, tout autant qu’intrigué par ce que les deux hommes peuvent bien s’échanger au filet lors des changements de zone et du passage de la balle, lorsque seuls les rires et l’esquisse de leurs paroles parviennent à leurs oreilles. Un regard vers son fils, auquel il esquisse un geste de la main. Ah, s'il savait qu'il est au coeur d'un pari... « Peut-être aurions-nous dû penser à un pari en cas d’égalité ? », s’amuse-t-il volontiers, essuyant encore son visage contre sa manche, ses boucles noires désormais bien mouillées ne retenant guère la sueur qui dévale sur son front et ses tempes. Heureux de ne plus porter ses cheveux longs depuis bien longtemps, à cet instant...

« Vous disiez… une nouvelle vivenef, amiral ? Pas le plus informé sur les affaires maritimes, le comte n’en est pas moins surpris. Ce n’est pas comme si Bartholomé manquait de bateaux, si ? J’ai bien hâte de découvrir cette merveille, et peut-être même d’y naviguer. »

Spoiler: