Histoire de s'accorder [Flavien]

Quand la nouvelle est tombée, et que le chef de la guide des arts a annoncé que je prendrais le relais de mon frère, deux sentiments diamétralement opposés se sont télescopés en moi. Tout d'abord la joie, immense, explosive que j'ai ressentie dans chaque fibre de mon être à l'idée que de nouvelles responsabilités s'offraient à moi, reconnaissance de tout le travail que j'avais effectué depuis toujours, dans cet assemblage de roulottes que j'avais toujours considéré comme ma maison. C'était flatteur, bien sûr, d'être jugé digne de pouvoir remplir cette fonction, d'être digne de veiller sur tous ceux que la caravane abritait, saison après saison, déplacement après déplacement, dans un ballet incessant de musique, de chants, de danses, de poésie, de marionnettes et de plumes et j'avais hâte d'être le responsable de toute cette troupe, de veiller sur eux, à leur sécurité et à leur bien être, à contribuer à faire rayonner leur talent, un peu comme un diamantaire prend une pierre brute et après une taille, la fait resplendir au soleil.

J'avais envie d'être pour la caravane ce que Béatrice était pour moi : protectrice et bienveillante... En plus, être à la tête des opérations a un côté satisfaisant, ne nous en cachons pas. Mais rapidement l'autre sentiment est venu au galop cacher le second, comme les nuages noirs viennent éclipser le soleil d'été : la peur. Et si, une fois à la tête de la caravane, j'échouais? Et si je ne me montrais pas à la hauteur? Et si je finissais par les décevoir, à un moment ou à un autre, ou pire, je les mettais en danger par un manque d'attention ou une mauvaise décision? Je me rappelle encore l'euphorie qui avait vite fait place à un torrent glacé dans mes veines, remplaçant la lave en fusion une seconde plus tôt. Et brusquement mille dangers et mille erreurs surgissaient dans mon esprit, le peuplant de visions toutes plus cauchemardesques les unes que les autres où je voyais "mes" artistes morts de froid ou de faim, emportés par une inondation ou que sais-je. Il faut croire que Fabien avait senti mon trouble car il m'avait entraîné à l'écart.

Qu'est-ce qui t'arrive, tu es tout pâle. On dirait que tu as vu un fantôme!
Je... c'est juste que... et si je me débrouillais mal?
En tant que bon grand frère il a posé sa main calleuse sur mon épaule et a croisé son regard. Les mêmes yeux sombres que moi. Et que notre père.
Arrête tes bêtises. Ca fait des mois, des années même que je t'ai tout appris, que tu m'as aidé... Tu connais les routes et les chemins aussi bien que moi, tout comme les lieux de halte, les passages et les gués. Tu connais tous nos contacts et nos ressources. On ne t'aurait pas choisi si on n'avait pas eu confiance en toi.
Et si je vous décevais?
Tu vas surtout nous décevoir si tu continues à afficher cette tête d'enterrement car on dirait que tu n'es pas heureux. Alors viens, on va fêter ça.

Oh oui on a fêté... La nuit fut courte et bien arrosée, et le réveil difficile et douloureux. Finalement je me suis fait à l'idée. J'avais plusieurs mois avant que mon frère, sa femme et leur tribu ne posent définitivement leurs valises à Rosardence et il pourrait me donner les dernières ficelles du métier. C'est ce qui s'est passé, Fabien se glissant dans le rôle de conseiller, me laissant prendre les décisions moi-même, donnant son avis après coup. Et un jour arriva la question de notre "partenariat" avec le Chapardeur et autres arrangements peu recommandables, qui s'est rappelé à notre bon souvenir grâce à quelques échanges de lettres. Après un spectacle à Sombreciel, nous attendions donc la visite de l'émissaire du Chapardeur venu renouer nos liens "commerciaux". Alors que les artistes étaient encore en train de discuter avec des spectateurs, d'accueillir les compliments et d'éventuelles promesses d'embauche, je guettais quelqu'un qui n'aurait pas eu l'air d'être là pour le simple spectacle. Et l'attente fut courte.  Un homme inconnu s'approche de moi, et me dit poliment qu'un émissaire du Chapardeur souhaiterait s'entretenir avec moi.

Avec plaisir, nous vous attendions. Votre collègue n'aura qu'à se rendre devant la roulotte bleue, c'est la mienne, ainsi que mon ''bureau".

Il disparaît et Fabien et moi nous rendons dans ma roulotte, allumant les lampes à pétrole, remettant du bois dans le poêle en fonte et préparons de l'eau chaude pour le thé, ainsi qu'une bouteille d'alcool au cas où nos invités souhaiteraient quelque chose de plus fort. Le temps de faire tout ça, on toque à la petite porte en bois et je vais ouvrir, m'effaçant pour laisser entrer nos invités, et leur présentant deux chaises vides face au bureau derrière lequel est déjà assis mon frère, en retrait, et où mon siège est encore vide. Nous échangeons des poignées de main avant de tous nous asseoir et je sens le regard de Fabien sur mes faits et gestes.

Bonsoir messieurs, nous sommes ravis de vous recevoir au sein de la Caravane des arts! Souhaitez vous quelque chose à boire? A manger?

Puis je m'assieds à mon tour, toujours souriant.

Je suis content de pouvoir rencontrer personnellement les émissaires du Chapardeur!
Alors, si nous en venions au fait?

Je mentirais si je disais que je suis totalement détendu à la perspective de recevoir les contrebandiers. J'ai peur de mal faire, de les froisser, de me faire avoir ou que sais-je et dans le meilleur des cas voir notre contrat annulé et perdre la source de revenus importante que cela représente, et dans le pire, nous en faire des ennemis avec tout ce que ça implique. Mais cela fait partie de mes attributions en tant que Polichinelle, représenter la caravane, la protéger, valoriser les artistes qui sont sous ma responsabilité et espérer les voir briller dans tout Arven... et j'ai peur de faillir, de subir la honte de briser cette confiance qu'on m'a accordée, et de montrer que je ne suis pas à la hauteur de ce qu'on attend de moi. Pourtant lorsqu'ils apparaissent sur le campement, puis ensuite dans ma roulotte, je fais bonne figure. J'ai la comédie dans le sang après tout! Je me rappelle encore la première fois que j'avais découvert que notre précieuse caravane, que j'avais pensée uniquement vouée aux arts et aux artistes, recelait bien des secrets... que ce soit certaines marchandises que nous transportions d'un point à un autre moyennant finances, et certains voyageurs ayant des professions parfois peu recommandables, tout comme la vraie nature des compagnes, ces redoutables espionnes. Ce genre de révélations m'avaient fait comprendre que le monde n'était pas tout noir ou tout blanc mais constitué d'une nuance de gris... que j'essayais de mettre dans mes chansons et mes poèmes.

Fais attention Flavien, ce sont des gens importants.
Je sais Béatrice, mais j'angoisse déjà assez comme ça.
Oui oui... Enfin fais quand même attention.
Béatrice, je suis sûr que mon frère sera parfait dans son rôle. Tu dois avoir un peu plus confiance en lui!
Mais j'ai confiance en lui! Je n'ai juste pas envie de me retrouver à la rue.

Je soupire en entendant les paroles de mon familier, avant de l'attraper et l'installer dans son panier situé au-dessus du poêle, fixé au plafond. Elle ronchonne un peu avant de se blottir dans la paille et ne dépasse bientôt que son bec et deux yeux noirs comme du jais qui brillent dans la semi-obscurité. En voilà une qui ne va rien rater de ce qui va se dire aujourd'hui... et qui va sûrement m'en faire le compte rendu une fois la réunion terminée. D'ailleurs les voilà, et nous prenons nos places, après avoir accueilli nos invités avec la chaleur habituelle des artistes ici présents. Pourtant lorsque celui qui s'est présenté comme Meldred s'adresse au polichinelle, mon premier réflexe est de me tourner vers mon frère, oubliant l'espace d'une seconde que maintenant, le polichinelle, c'était moi... Je hausse un sourcil, légèrement surpris quand il dit que la personne qui l'accompagne a voyagé à nos côtés et je prends quelques secondes pour détailler ce nouveau visage à la lueur hasardeuse des flammes.

Oui très juste! Par contre j'ai une mémoire terrible des prénoms... je suis navré. Content de voir revoir parmi nous, même pour un soir alors!

Le contrebandier annonce ensuite que c'est la première fois qu'il vient, et je me bascule un peu en arrière dans mon fauteuil.

Vraiment? Est-ce que vous avez au moins eu la chance d'assister au spectacle? Si ce n'est pas le cas je vous y encourage vivement. Je suis sûr que cela vous plaira et que vous ne regretterez pas le détour!

Car oui je connais la valeur des artistes que j'ai sous mon aile, et chaque spectacle, chaque tournée est d'égale qualité, même si les membres sont différents. Mais comme je l'ai encouragé à faire, il en vient directement au fait, et je pose les coudes sur la table, le menton reposant sur mes doigts croisés pendant qu'il m'expose ce qu'il veut. Ou plus vaguement, qu'il tourne un peu autour du pot.

Je le sais... J'ai toujours vécu dans la caravane et mon frère ici présent en étant l'ancien polichinelle jusqu'à peu. Il m'a rappelé les termes de vos accords passés et la nature de notre...collaboration. J'apprécie le fait que vous vous soyez donné la peine de venir en personne, c'est un geste que j'apprécie. Notre collaboration s'est avérée très profitable au fil des ans, et je suis conscient que pour vous, c'est une façon un peu lente, d'accord, mais plus que fiable d'acheminer vos marchandises. Insoupçonnable, bien gardée, c'est la couverture parfaite. Je souhaite bien évidemment continuer notre partenariat mais... je vais me permettre de modifier quelque peu les termes de notre accord. Nous allons augmenter les tarifs de 10% pour l'année à venir. Qu'en dites-vous?

Il faut que je tienne mon rôle. Il faut que je maintienne l'illusion que tout va bien, et que tout est sous contrôle. Il faut qu'ils croient que je suis le nouveau Polichinelle, car même si je le suis, il faut aussi que j'en aie l'apparence et la conviction. Finalement, c'est un peu comme aller sur scène, et quoi qu'il arrive, toujours donner l'impression que tout est sous contrôle et que tout est prévu. Une corde de mon luth qui casse? L'occasion de leur prouver que je joue le même morceau avec les sept autres, comme si c'était une étape normale de mon numéro. Pas une seconde ils ne doivent sentir que j'hésite, que j'appréhende ou que je ne maîtrise pas mon sujet, car soit je perdrai leur confiance, et la caravane sera privée d'une rentrée d'argent régulière et conséquente, soit ils tenteront de m'avoir, et négocieront nos tarifs au rabais et riront de nous dans notre dos, se disant que je suis un crétin... Il n'y aurait pas mort d'homme, certes, mais je perdrai en crédibilité et surtout, je ne pourrai pas supporter de les décevoir, et surtout décevoir Fabien. Cela fait des mois qu'il me forme, me guide, m'apprend tout ce que je dois savoir, et je veux me montrer digne de son héritage, et de l'honneur qui m'a été fait. Intérieurement je suis nerveux au possible, bien plus que quand je teste une nouvelle chanson sur le public...

Pourtant je joue une assurance, affichant un sourire crâneur et lançant de suite le sujet d'une augmentation de nos tarifs. Est-ce qu'on en a besoin? Non même si une rentrée d'argent supplémentaire est toujours profitable. Est-ce que cette augmentation est légitime? Non plus. Mais tout l'intérêt des négociations est que la partie en face croie que nous sommes en position de force, et qu'on leur fait une fleur en acceptant de négocier, puis travailler avec eux. Et jouer un peu à celui qui pisse le plus loin. Qu'importe... il faut que je montre que c'est lui qui a besoin de nous. J'ai un léger rire quand il me dit qu'il me trouve sympathique mais que je vais un peu trop loin, secouant la tête.

Abuser est peut-être un grand mot vous ne trouvez pas?

Il continue, toujours très calme lui aussi - qualité que je lui reconnais, en avançant l'argument logique que nous ne sommes pas les seuls à pouvoir fournir le "service" que nous leur proposons et je l'écoute avec le plus grand sérieux.

J'entends bien ce que vous dites, et vous avez raison lorsque vous avancez que nous ne sommes pas les seuls qui pouvons vous rendre ce service.

Je laisse planer le silence une seconde avant de reprendre, les doigts croisés devant moi et mes deux index sur les lèvres.

Mais il y a plusieurs choses à prendre en compte. Les routes aériennes se développent, mais ce n'est pas dit qu'un changement de politique, de gouvernement ou que sais-je ne fasse pas se développer davantage la surveillance de ces routes. Voire l'interdiction pour des dirigeables tels que le vôtre de circuler. De notre côté, la caravane des arts est une institution qui est au-dessus de tout soupçon. Vous n'êtes pas à l'abri d'un contrôle de vos marchandises... Nos malles ne sont quasiment jamais ouvertes et il est très facile de cacher des choses parmi nous... Les roulottes regorgent de bien des merveilles en terme de cachettes secrètes... tout comme la masse de matériel que nous transportons où on peut glisser tellement de choses...

Nouvelle pause dramatique, alors que sourire aux lèvres je reprends.

De plus il y a d'autres contrebandiers qui nous ont approchés pour que nous nous occupions de leurs marchandises... et ils seraient intéressés pour travailler avec nous en payant ces fameux 10% de plus. Cependant... comme nous collaborons depuis des années, je suis prêt à faire un geste pour vous et suis ouvert à la négociation. Maintenant...que proposez vous?

Face à ce contrebandier au visage impassible, je ne peux me retenir de laisser échapper un léger rire face à sa remarque que je trouve drôle sur le nombre de mots entre abuser et dépasser les limites. Les gens trop sérieux m'ont toujours amusé... peut-être parce qu'à force de vivre avec des saltimbanques et des artistes, j'ai plus eu de contacts avec des gens fantasques et dans leur monde qu'à des comptables et des juristes... même si arriver à un haut niveau dans n'importe quel art demande aussi du sérieux, du dévouement et de la passion. Mais lui... Raide comme la justice, il a un je ne sais quoi de comique, un personnage qu'on pourrait croiser dans une pièce de théâtre, en étant le fâcheux, celui dont on moque la rigidité. Je souris donc simplement, une parce que c'est drôle, et de deux parce que je n'ai absolument pas envie que le ton monte entre nous, bien au contraire. Il faut qu'au moins une des deux parties reste calme pour éviter l'escalade, et à voir sa mine, le visage contracté, les mâchoires serrées, le calme, c'est moi.

Et je garde un sourire poli alors qu'à son tour, comme une danse où l'un avance quand l'autre recule, c'est à son tour de se mettre en valeur et de commencer à énoncer les exploits de son dirigeable et avec, son équipe. Je me retiens de rire quand il emploie le terme "d'ennemi séculaire", en me disant qu'ils ne se prennent pas pour la queue d'une violette, en tant que figures de la résistance contre les douaniers et les policiers qui voient d'un fort mauvais oeil le "transfert" de marchandises qui ne se sont pas acquittées des sacro saintes taxes... Et ce qui m'amuse aussi, c'est qu'il croit ce qu'il dit, il en est intimement convaincu. Je le remercie d'un hochement de tête lorsqu'il dit qu'il n'a rien contre la caravane - il ne manquerait plus que ça, nous avons toujours rempli notre part du contrat- et remarque que l'homme avec qui il est venu,et qui n'a presque pas décroché un mot semble bouillir d'impatience, tel une rose couleur de sang qui pousse dans le jardin de mes parents. Mais Meldred tient ses troupes et d'un geste de la main il retient les foudres de son acolyte qui semblait déjà prêt à nous sauter à la gorge. Derrière moi je sens Fabien poser sa main sur mon épaule, un geste anodin pour eux, mais qui contient un message clair "Fais attention, et ne dis pas n'importe quoi".J'y suis peut-être allé un peu fort...

Comme je vous l'ai dit, je serai plus que ravi que notre partenariat continue. Je précise simplement que nous avons reçu d'autres propositions de contrebandiers souhaitant profiter de nos services... Je ne fais que profiter de la loi de l'offre et la demande... mais vous comprenez bien que... bien que nous vous apprécions, et que notre petit accord a jusqu'à présent plutôt bien porté ses fruits, il n'est pas dans notre intérêt de continuer à pratiquer nos tarifs alors que d'autres sont prêts à nous payer plus. Si, mettons, deux clients s'adressent à vous pour obtenir la même marchandise... la logique voudrait que vous acceptiez la proposition de celui qui va vous payer le plus non? C'est la logique même. Alors... en mémoire du "bon vieux temps" de mon frère Fabien ici présent, je vous propose une augmentation de seulement 5% de nos tarifs. En guise de bonne volonté. Si nous baissons encore plus, c'est nous qui nous faisons avoir...

A nouveau petit silence dramatique avant que je sourie, penché en avant.

Alors, qu'en dites-vous?

La tempête sous un crâne... C’est presque distrayant et amusant de contempler Meldred et d’observer tout ce qui se passe en lui, de déceler tous les changements légers s’opérait sur son visage, les rouages de son cerveau qui s’activent, hésiter entre la réflexion et la colère, contenir la rougeur qui lui monte aux joues. Je me demande à quoi il pense. Je me demande quelles idées gravitent dans son esprit. Je me demande contre quoi il se met en colère. J’avoue que je n’ai rien à perdre, si vraiment il ne veut pas céder, nous garderons les tarifs habituels, même si mon égo en prendrait un coup, et me ferait me poser des questions sur mes capacités à gérer la caravane... Car oui même si ce n’est rien, cette première rencontre compte beaucoup pour moi, parce qu’elle marque une première étape, mes premiers pas dans la peau du polichinelle, même si j’ai encore l’impression de jouer un rôle, de faire semblant comme les acteurs que nous emmenons et qui se produisent soir après soir. Je joue à être polichinelle plus que je ne le suis, dans ma tête tout du moins, car l’annonce a été faite, et le titre, je l’ai.

C’est un curieux mélange d’inquiétude et de risque inconsidéré qui s’active en moi, alors que je bluffe comme un joueur de cartes, avançant des arguments qui sont faux, détaillant des propositions qui n’existent pas. Pourquoi? Pourquoi je prends autant de risques? Pourquoi je prends ça tellement au sérieux? Je ne sais pas, pour me prouver que je peux le faire? Que je suis crédible face aux contrebandiers? Crédible face à moi-même? Crédible face à la caravane? Je ne sais pas trop, je sens juste que c’est important que les choses se passent bien, comme si, une fois ces négociations terminées, et surtout terminées dans le bon sens, cela fera de moi un vrai, un authentique polichinelle qui a prouvé sa valeur. Tout ça tourbillonne en moi alors que je le laisse réfléchir et peser le contre, passer par dix émotions par minute avant de me retenir de hausser les yeux de surprise lorsqu’il ouvre enfin la bouche en me disant qu’il comprenait. Et au bout de deux phrases je me retiens cette fois de sourire comme un idiot en comprenant que j’ai gagné la partie. Qu’il va céder. Je hoche sobrement la tête, le remerciant d’un signe quand il avance qu’il ne veut pas nous faire perdre d’argent.

Je suis ravi que nous nous entions sur ce point. J’ai aussi à cœur que notre partenariat continue, et de façon aussi fructueuse.

Et là l’apothéose lorsqu’il lance un chiffre. J’ai gagné. J’ai gagné! Nous n’avions pas besoin de cette hausse mais elle sera bienvenue, et pour couronner le tout il nous propose même de faciliter nos déplacements en mettant leur dirigeable à disposition, ou plus précisément, en acceptant que l’on monte à bord. Garder un sourire satisfait et non pas radieux est difficile mais je tends la main vers lui.

Entendu. Quatre pour cent et la très généreuse proposition d’accueillir l’un ou l’autre d’entre nous dans votre dirigeable. C’est un terrain d’entente tout à fait acceptable, et qui nous profite à tous! Vous ne regretterez pas de continuer à nous faire confiance!

Puis je me lève et sors d’un petit cabinet en bois une bouteille d’alcool de prune de Déméria ainsi que quatre petits verres et je pose le tout sur la table.

Messieurs, il est temps de trinquer aux nouveaux termes de notre contrat, et à la confiance mutuelle que nous nous accordons!

Je sers tout le monde et les verres s’entrechoquent avant que je ne boive cul sec l’alcool brûlant qui descend dans ma gorge avant d’allumer un agréable brasier dans mon estomac. Puis je souris et désigne l’extérieur d’un petit signe de tête.

Avez-vous déjà mangé messieurs? Laissez-moi vous inviter à partager notre dîner avant votre départ!