Heureuses retrouvailles

• Statut du RP : Dissident !
• Résumé : Plusieurs mois après leur mésaventure dans la jungle, Aubrée profite d'un passage à Edenia dans le cadre d'une mission pour retrouver Zéphyre.

Qu’elle était en colère, Gaïane, à votre retour en Déméria. Bouillante, mais d’une froideur polaire, et c’est bien ces fureurs-là qui sont les plus redoutables chez ta royale tante. Une visite diplomatique pour impressionner les voisins, une cargaison entière de nobles et prestigieux invités, les petits plats dans les grands dans tout le royaume, la capitale briquée des sols aux plafonds, le palais royal bourdonnant d’activité comme la plus énergique des ruches… et tout ça, pour rien. Ce qu’ils vont retenir, tous ces étrangers, c’est que leur dernière visite au matriarcat a bien failli les tuer. Certains d’ailleurs n’en ont pas réchappé, et c’est en grinçant fortement des dents que des excuses ont été présentées. Enfin, pas des excuses – la couronne n’étant pas en faute – mais des regrets. Oui, toute cette sinistre histoire a été fort regrettable.

Mais pas totalement.
Tu as appris beaucoup de choses sur toi-même, Zéphyre, pendant ces dix jours d’errance, tu t’es fait des amis, des alliés. Et des connaissances utiles pour élargir ton réseau. C’est très utile pour une bâtarde telle que toi, même fille d’un prince. Tu sais que Gaston a pour toi une sincère affection, que tes cousines t’apprécient, et que ta tante… que ta tante t’aime, à sa façon un peu guindée. Toi, tu l’adores, de tout ton cœur : elle est pour toi la mère que tu n’as jamais eue. Tu n’as plus guère de souvenir de la tienne, de toute manière. Qu’elle était en colère quand vous êtes enfin rentrés… Tu étais bien un peu contrariée aussi, mais tu t’estimes chanceuse que vous en soyez sortis entiers, Mascarade et toi. Un peu malmenés, un peu égratignés, un peu roussis aux entournures : mais vivants. Et globalement bien portants.

Et puis, il y a la blonde.
La blonde venue des profondeurs, avec ses yeux clairs et ses longues tresses de skjaldmö. Ces tresses que tu aurais bien aimé dénouer. Ces yeux aux reflets purs des glaciers dans lesquels tu voudrais bien plonger toute entière. Cette blonde tout aussi charmante qu’énigmatique que tu rêves de revoir. Il n’a pas fallu longtemps à ton père pour deviner tes pensées secrètes, et dès qu’il a abordé le sujet, tu as craché le morceau en toute confiance : tu sais qu’il n’en soufflera mot à personne. Et il a ri, ton princier géniteur, avant de te serrer dans ses bras dans une précieuse manifestation de tendresse. « Tu ne vivras qu’une fois, mon enfant. » a-t-il commencé en souriant. « Je préfère pour toi la droiture d’une petite Abysséenne proche de la järlesse des Citadelles, que la cruauté d’un homme qui pourrait t’abandonner en oubliant derrière lui quelque progéniture que tu devrais assumer. » Le sérieux dans son regard a posé une question sur tes lèvres, mais il ne t’a pas laissé le temps de la formuler, devançant ton inquiétude. « Je ne regretterai jamais ni ta mère ni toi, notre histoire est différente. Mais elle a été nettement plus facile à vivre pour moi, que pour elle – et elle en a payé le prix. Je ne veux pas que tu connaisses l’amertume de ces sombres actes, juste le bonheur d’avoir dans ton cœur quelqu’un qui saurait t’aimer sincèrement. »

Tu n’es pas sûre que tu l’aimes comme ça, la beauté des Tréfonds vers laquelle tes songes s’égarent, mais tu aimes croire que tu le pourrais, un jour, si tu la connaissais mieux. « Écris-lui. Invite-la à venir nous voir, montre-lui les jardins, le palais, la Fugue et la caserne des arcanistes. Montre-lui ta vie, vois ce qu’elle en pense. Et ne regrette rien. » avait-il conclu avant de t’embrasser sur le front. Rentrée dans ton luxueux appartement du palais, tu en as un peu pleuré (de joie d’avoir un père aimant, de tristesse de ne pas pouvoir chercher conseil auprès de ta mère). Il ne t’est pas venu à l’esprit de t’adresser à ta tante : tu la sais fort occupée, et le sujet de l’amour suscitera toujours en elle le fantôme de Livien, tu en as le soupçon. Alors, tu as écrit à Aubrée, pour t’enquérir de son bon retour auprès des siens. Et lui indiquer que, si l’occasion devait se présenter, tu la reverrais avec plaisir.

Vous avez échangé quelques lettres.
Puis la bonne nouvelle est arrivée : elle vient !
Dans ta joie ce jour-là, tu as enlevé Mascarade entre tes bras et tu as dansé d’allégresse, fébrilement, à la fois toute impatiente de revoir ton amie, que craintive de la décevoir. À la caserne, on ne t’a pas fait de difficultés : tu demandes si rarement de congé qu’on te l’a accordé sans sourciller. Et il commence aujourd’hui, après ta ronde de l’après-midi dans les rues d’Edenia. Demain et après-demain, tu seras libre comme l’air pour faire visiter un peu le coin à ton amie ! Elle est là ! Saturnin aussi ! C’est Mascarade qui les a aperçus en premier, et elle fonce de toute la vitesse de ses petites pattes pour accueillir le digne canard qui sert de familier à Aubrée. Elle te fait signe aussi, et tu lui réponds des deux bras, dégringolant les marches deux par deux pour aller plus vite, avant de la serrer contre toi un instant, un sourire enchanté sur les lèvres. Tu entends quelques murmures, alentour, et tu imagines bien qu’on vous montre du doigt : il est bien peu commun de voir une arcaniste en uniforme étreindre une skjaldmö armée de pied en cap, après tout. D’autant plus que, pour l’occasion, tu as mis ton uniforme officiel, celui des cérémonies quand on attend de toi le grand apparat, et ton insigne de mage de la couronne assermentée étincelle à ta ceinture. « Je vais merveilleusement bien, et Mascarade aussi. » réponds-tu en reculant d’un pas. « Je suis si heureuse de te voir, Aubrée ! Tu es… tu es magnifique. » ajoutes-tu ensuite dans un souffle, un brin de complicité au coin de tes lèvres. « Est-ce que ton voyage s’est bien passé ? Tu as pris le train des Tréfonds, c’est ça ? Est-ce que tu as un endroit où loger ? J’ai l’autorisation officielle de t’installer dans l’aile des invités au palais, si jamais. »

Signée par ton père, dûment tamponnée, avec un sourire plein de sous-entendus et un clin d’œil gênant. Au sol, à quelques mètres de vous, Mascarade ne lâche pas Saturnin et tu lèves les yeux au ciel devant un tel manque de subtilité. « Laisse-le respirer, le pauvre ! Bonjour, Saturnin. Vous nous avez manqué, tu vois. » précises-tu en dirigeant ton regard vers Aubrée. À laquelle tu vas appliquer ton propre conseil, pour ne pas l’effaroucher : tu vas la laisser respirer.
Autant que possible.
Promis-juré.

Tu n’y crois pas une seule seconde, murmure ton familier amusée, dans le secret des pensées que vous partagez.