Servir et protéger

C’est avec les mains tremblantes, que tu sables le message que tu viens de terminer. Ton geste est tout aussi peu assuré tandis que tu fais couler la cire sur le parchemin, avant de le sceller en y pressant ton sceau. Pas le sceau de la dame de l’Ancrage, non – mais le tien personnel, celui de Chasteté la Veilleuse, surmonté des emblèmes d’Ansemer et de ta corporation ; le sceau de compagne que tu t’es choisi lorsque tu t’es officiellement enregistrée auprès de la guilde, il y a déjà tant d’années. Tu l’utilises peu, ces temps-ci : principalement pour correspondre avec ton père, avec tes sœurs, ou bien avec quelques autres amis de longue date. Mais compte tenu de celui auquel tu écris, ta démarche est plus… personnelle. Ton sceau officiel, tu s’en sers pour sceller un pli plus gros, dans lequel tu glisses le précédent, et tu sonnes pour faire venir le coursier que tu as fait convoquer quelques heures plus tôt.

Dans le courrier principal, adressé à « L’hôtel de police de l’Ancrage », la dame de l’Ancrage requiert très officiellement les services de la brigade pour enquêter sur un crime perpétré dans les locaux de la guilde des compagnes de la cité. Elle y indique par ailleurs que cette mission délicate devra, de préférence, être accomplie par l’un de ses compatriotes ansemariens avec lequel elle a déjà traité par le passé : Bertin de Bellancre. Bien sûr, elle n’indique pas la nature précise de ces tractations de naguère : libre aux collègues du policier de s’imaginer quels liens ont pu se tisser entre un prince et une compagne réputée. Ils ne s’imaginent certainement pas que cela a commencé par un contrat passé par le digne frère dudit prince, le tout-puissant amiral Bartholomé, l’un des trois souverains d’Ansemer ! Contrat spécifiquement passé pour que tu tiennes compagnie au prince Bertin lors d’une soirée officielle, afin de le rendre présentable… et de lui éviter les assauts d’une marée de jeunes célibataires en quête du meilleur parti possible. Cette mission-là a été brillamment accomplie ; et au fil des années, et d’occasions similaires, vous êtes devenus sinon amis, du moins familiers ; surtout depuis que vous vous trouvez tous deux postés à l’Ancrage. Tu l’apprécies pour son anticonformisme et sa rébellion contre les impératifs de sa naissance, et lui tolère ton impertinence malicieuse.

C’est à lui, que tu as adressé le petit mot soigneusement scellé.

« Messire,
Mille pardons de vous infliger un surcroît de travail. Je suis confrontée à un crime dans l’enceinte même de la maison des compagnes, et je n’ai confiance qu’en votre compétence pour résoudre cette périlleuse situation. La jeune personne décédée est la fille cadette du comte de Haute-Marée, que sa réputation dépeint comme fort irascible. La rumeur dit qu’il a désavoué Arlette lorsqu’elle est devenue compagne, et qu’il ne portait guère d’amour à celle qui était sa 7ème fille, mais il n’en reste pas moins noble et ansemarien. J’ose croire que votre implication saura l’apaiser ; et je vous confesse qu’un visage familier à mes côtés pour affronter ce meurtre m’apportera un réconfort incontestable.
Consentez-vous à vous charger de cette affaire ?
Avec toute ma respectueuse gratitude,
Chasteté la Veilleuse. »

Il ne te reste qu’à espérer que Bertin acceptera le dossier ; et qu’il se présentera rapidement pour traiter cet épineux problème…

« Ma dame,
Vous me voyez désolé des nouvelles que votre missive m’apporte. Sachez qu’il me fera plaisir de vous prêter main forte dans ces circonstances difficile. Cette missive me précède pour vous en assurer. Je n’attends que l’accord de quelques hommes pour m’accompagner afin de pouvoir mieux mener l’enquête. Je vous rejoindrai dès que j’aurai pu sélectionner ceux qui m’assisteront pour mieux vous servir.
Votre dévoué,
Bertin de Bellancre »