Discrète affaire

Le souci lorsqu'on est noble et reconnu, Maximilien le sait bien, est qu'il est bien plus difficile de faire des choses privées qui resteront privées. Il a une multitude de gens à qui il peut faire appel, des avocats à sa disposition au palais, il n'a même qu'à se promener dans Euphoria et faire passer le mot qu'il recherche les compétences d'un homme de loi pour en avoir dix qui se présentent. Seulement voilà : en ce moment, Maximilien cherche quelqu'un, pas le conseiller du polyarche, pas le comte de Séverac, juste Maximilien. Et c'est autrement plus complexe qu'il n'y paraît de trouver quelqu'un qui n'ira pas ébruiter ses besoins et saura se montrer discret. Le Pas de l'Ombre pourrait sûrement lui indiquer quelqu'un, mais on en revient au même point : il n'a pas grand chose à gagner d'ébruiter l'affaire qui le concerne.

C'est bien pourquoi il s'est tourné vers Melbren, qui possède un nombre de contacts impressionnant avec des tas de gens que son cœur de père n'approuve pas forcément. Que Melbren ne s'inquiète pas, Maximilien en a tout autant pour les connaissances de ses autres enfants. La plupart du temps, il évite d'y penser mais lorsqu'ils peuvent se montrer utiles, comme aujourd’hui, Maximilien sait bien que les contacts, même ceux qu'ils désapprouvent, sont nécessaires. Il l'a appris plus jeune, il l'a enseigné à ses propres enfants, il s'en sert efficacement, alors désapprouver ouvertement serait un peu hypocrite de sa part. Il se contente de désapprouver auprès d'Ismalia, c'est bien mieux pour tout le monde.

Il en a entendu de belles sur le dénommé Zacharie de Sombrétoile, des compliments comme de mauvaises choses, mais il est décidé à se faire une opinion par lui-même, peu importe son passé ou les ragots. Malgré tout ce qu'il peut dire, si Melbren lui a recommandé le jeune homme, et si ce dernier fricote avec son fils, c'est qu'il n'est pas si mauvais. Maximilien espère bien avoir enseigné à ses enfants un peu de discernement ! Le cabinet de l'homme n'est pas très compliqué à trouver et le comte, vêtu d'un élégant costume et d'un chapeau tout à fait exquis se présente bientôt devant sa porte, prêt à l'entretenir d'une affaire particulière. Il lui a fait envoyer un message il y a quelques jours, aussi l'homme doit être prévenu de sa visite. Il aurait préféré, Maximilien, arriver sans s'annoncer mais l'idée de devoir courir après ce Zacharie l'agace prodigieusement, alors il a préféré faire dans l'officiel, quitte à passer ensuite par une transaction bien moins officielle.

Entre les dires de Melbren et ses discrets questionnements - et deux espions, payés à ses frais, évidemment - Maximilien sait que l'homme peut se montrer discret, et qu'il a déjà travaillé pour le Pas de l'Ombre. Sur quelles affaires, il ne sait pas exactement, mais l'avocat se dit spécialiste en cas difficile, non ? Il doit savoir se montrer discret et gérer des affaires complexes, ou alors sa réputation doit être hautement usurpée. Si c'est le cas, Maximilien n'hésitera pas à lui montrer son déplaisir. Dans le cas contraire... autant ne pas se leurrer, la place du comte au sein de la maisonnée du polyarche lui permet d'aider bien des carrières. De les descendre en flammes, également. Espérons que le jeune avocat ne s'y trompera pas.

A l'heure dite, le conseiller se présente devant le cabinet de Zacharie de Sombrétoile. Espérons, pour chacun d'eux, qu'ils puissent faire affaire ! Il ne lui a rien dévoilé de l'affaire qui le préoccupe, seulement qu'il désirait s'entretenir avec l'avocat sur un sujet qui nécessite son expertise professionnelle. Assez, il le pense, pour titiller la curiosité de n'importe qui.

Les jours se suivent et se ressemblent, as-tu parfois l’impression ces derniers temps. C’est toujours ainsi lors des grands procès. Ils se ressemblent, mais tu ne t’ennuies jamais. Il y a toujours quelque chose à faire. Ici au cabinet, ou à la maison, ou avec la famille. Ces semaines, mois parfois, de folie sont éreintants, certes, mais tu dois bien avouer que tu y trouves un grand plaisir et une immense satisfaction. Celui-ci n’en fait pas exception. Il t’anime encore d’une énergie toute particulière, celle qui t’emplit chaque fois qu’il te faut user de toutes tes capacités pour défendre un client.

La demande de Maximillien de Séverac t’es arrivée il y a quelques jours. Elle t’a surpris. Tu reçois des demandes de ce genre plutôt régulièrement, mais elles t’arrivent rarement de personnages aussi connus en Sombreciel. Que peut donc motiver le comte à solliciter tes services? La curiosité s’est vite emparée de toi et tu as répondu à la missive par une autre, confirmant le rendez-vous. Tu as libéré ton après-midi pour t’assurer de pouvoir prendre le temps qu’il faut avec lui. La missive ne laisse aucun doute sur le fait que ce n’est pas une visite sociale, mais tu comptes bien l’accueillir comme il se doit malgré tout. Rien ne sert de presser les choses.

Ce matin-là, tu as porté une attention particulière à ta tenue. Non pas que tu sois du genre à te laisser aller, bien au contraire, mais chaque détail compte lorsqu’il est question de rencontrer un homme aussi influent. Tu réalises très bien quel impact ses affaires pourraient avoir sur ton cabinet. Tu t’es également assuré d’organiser la paperasse qui s’étend sur ton bureau. Ou plutôt tu as demandé à ton assistant de le faire pour toi alors que tu finalises quelques détails sur un autre dossier en attendant l’arrivée de Maximillien.

Le bruissement de ta plume sur le parchemin accompagne l’horloge qui sonne l’heure du rendez-vous. C’est ton assistant qui accueille le comte avant de le conduire jusqu’à ton bureau. Tu lèves brièvement la tête à son entrée, le saluant, offrant même un sourire chaleureux avant que tu ne termines de noter brièvement quelques mots. Tu poses ta plume alors même que tu te lèves pour venir à la rencontre de ce potentiel client inattendu. « Bonjour, monsieur de comte. Bienvenue. » Tu t’es approché pour lui tendre la main. Peut-être aurait-il été préférable que tu t’inclines, tu n’as pas l’habitude de recevoir des clients au statut plus important que le tien. Pourtant tu ne changeras pas ton approche. Tu as toujours eu l’impression que serrer la main d’un client permet de découvrir un peu plus qui ils sont.

« Puis-je vous offrir quelque chose à boire pendant notre rencontre ? » Ton offre vient alors que, d’un geste, tu invites Maximillien à entrer dans la pièce et à prendre place sur un des confortables fauteuils placés face à ton bureau que tu contournes pour t’installer toi-même. Tu auras un regard pour Simon, ton assistant, lorsque ton invité aura confirmé ce qu’il désire – s’il désire quelque chose évidemment – et le jeune homme disparaît discrètement en quête des rafraîchissements. Cela vous laissera quelques instants pour faire connaissance.

« Il me fait plaisir de pouvoir vous rencontrer personnellement. J’ai souvent entendu parler de vous… » Qui n’a pas entendu parler de Maximillien, en toute honnêteté. Mais ce n’est pas forcément à la scène politique du royaume que tu songes lorsque tu dis cela, mais bien aux allusions plus ou moins directes qu’a pu faire ton très bon ami Melbren au fil des ans. Certainement vous avez déjà dû parler de vos parents. « … J’espère que vous vous portez bien, vous ainsi que votre famille? » Loin de toi l’idée de fouiner là où il ne faut pas. Tu ouvres la conversation avec une question assez générale afin qu’il puisse l’éviter s’il le désire. Il faut bien commencer quelque part et tu n’es pas du genre à sauter à pieds joints dans les sujets délicats qui amènent tes clients jusqu’à toi, surtout lorsque tu t’attends à être interrompu par l’arrivée des breuvages demandés.

L'homme, visiblement, sait qu'il a gros à jouer sur cette affaire, à moins qu'il n'accueille tous ses potentiels clients de la même façon ? une question à poser à Melbren ou directement à l’intéressé, peut-être. L'assistant de Zacharie le fait entrer et patienter quelques minutes, le temps d'aller avertir l'homme de son arrivée, et Maximilien est conduit à un bureau décoré avec goût, par un homme dont la tenue est tout aussi raffinée. Zacharie lui tend la main et le comte ne se fait pas prier pour la lui serrer, sans se laisser déstabiliser une seule seconde. S'il a l'habitude des courbettes et autres salutations protocolaires, il ne rechigne pas devant un peu plus de simplicité. Il le sait Maximilien, les gens hésitent souvent sur la façon de l'aborder : il est toujours difficile de privilégier son statut de comte, de conseiller ou de père de substitution, dans sa jeunesse, du polyarche actuel. Il a un statut bien particulier, le comte, et ne s'en lasse pas : la puissance et l'autorité ne sont pas quelque chose qu'il désire renier, bien au contraire.

La poignée de main qu'il échange est ferme, pas trop appuyée : chercher à imposer son autorité dans une poignée de main trop puissante est la marque des sots et des gens peu sûr d'eux. Maximilien, clairement, n'est ni l'un ni l'autre. Son hôte l'invite à s'installer dans l'un des fauteuils situé devant le bureau et le comte s'installe confortablement avant de répondre à la demande d'un rafraîchissement. "Une liqueur de cassis sera parfaite." Il n'a pas forcément des goûts de luxe, même si dîner à la table du polyarche implique forcément de déguster des alcools somptueux - et coûteux. Il attend sagement, Maximilien, que Zacharie débute la conversation et n'est pas déçu. L'homme, visiblement, connaît son affaire et attend sagement que son client potentiel lui indique sa démarche, plutôt que de chercher à fouiner et à connaître directement tous les tenants et aboutissants de la venue de son invité. Est-ce un bon point ? Maximilien ne sait pas trop : il a l'habitude des circonvolutions et des discussions feutrées avant d'atteindre le cœur du problème et si cela est, la plupart du temps, nécessaire, c'est parfois agaçant. Mais Zacharie fait preuve du plus grand respect et d'une politesse parfaite, Maximilien ne peut le nier.

"Le plaisir est partagé, baron. Mon fils ne tari pas d'éloges sur vos talents et il me tardait d'en voir la preuve." Ce n'est pas une façon de mettre la pression sur l'homme, allons donc : Seulement de lui démontrer que Melbren a toute confiance envers ses capacités et que son père serait bien déçu si elles n'étaient pas à la hauteur de ce qu'on lui a vanté ! "Chacun se porte bien, merci de votre sollicitude." Il ne dira pas que les nouvelles de l'Audacia attaquant un navire l'ont empêché de dormir quelques nuits, ou que Castiel lui semble fatigué ses derniers temps, et qu'il s'inquiète. Ismalia lui avait dit en riant, à la naissance de Melsant, que ce n'était que le début des inquiétudes et des courtes nuits. S'il avait su, à l'époque, que les inquiétudes allaient croissantes avec le nombre d'enfants, peut-être ce serait-il arrêté à un seul ! "J'espère qu'il en est de même pour vous. Vos affaires semblent se porter à merveille, d'après les rumeurs qui me sont parvenues." Il ne dira pas de qui elles proviennent, ces rumeurs : c'est probablement un sujet que tous les deux n'ont guère intérêt à développer. "Souhaitons que vous trouverez le temps de vous pencher sur l'affaire qui m'amène aujourd’hui. " C'est comme un jeu, entre eux, celui du chat et de la souris, de l'offre et de la demande, et Maximilien aurait bien du mal à nier qu'il apprécie ces passes d'armes mouchetées, destinées à tester celui qui se trouve en face.

La porte s'ouvre sur l'assistant de Zacharie qui amène les rafraîchissements, et Maximilien s'empare de la coupe qui lui est destiné avant de se rasseoir plus confortablement dans son fauteuil. Il attend que l'homme reparte avant de regarder l'avocat. "J'imagine que vous avez une vague idée de la raison de ma présence ici, et non dans l'un des cabinets les plus réputés de la ville." Glisse le comte, laissant Zacharie répondre. L'homme est intelligent, après tout, et se doute bien de pourquoi le comte vient le voir lui, précisément. Si ce n'est pas le cas, au moins Maximilien saura qu'il ne doit pas perdre davantage de son temps ici.

Il te fait étrange d’accueillir un homme aussi influent dans ton cabinet. Non pas qu’il ne te soit jamais arrivé de recevoir des invités de marque, évidemment, mais ces rencontres se font d’ordinaire à ton domicile et pour des raisons beaucoup plus sociales. Du moins c’est ce que tu imagines. Si le comte de Séverac a demandé à te voir ici, c’est qu’il veut discuter affaires, devines-tu. Tu n’as pu que spéculer sur les raisons de ton intérêt envers tes services, mais tu as évité de t’enliser dans les théories qui pourraient découler d’une telle réflexion afin de ne pas faussement teinter votre première rencontre.

« Le plaisir est partagé, baron. Mon fils ne tari pas d'éloges sur vos talents et il me tardait d'en voir la preuve. » Un léger sourire étire tes lèvres alors que tu t’installes dans ton fauteuil, de l’autre côté du bureau. Devant toi, tout le nécessaire à prendre les notes qu’il te faudra pour faire affaire avec le comte. Tu n’y touches pas encore, pourtant. Ce n’est pas le moment. Rien ne presse vraiment, si ce n’est de t’assurer que l’homme en face de toi se sente à l’aise avec toi. Du moins suffisamment pour énoncer ses besoins lorsque le temps viendra. « J’espère que vous ne serez pas déçu. » Tu as confiance en toi. Tout dans ton attitude, dans ton regard, ton sourire l’annonce. Pas de ces confiances imbues, non, mais une confiance calme. Tu sais ce que tu vaux. Reste à savoir si c’est ce que cherche Maximillien…

« Chacun se porte bien, merci de votre sollicitude. J'espère qu'il en est de même pour vous. Vos affaires semblent se porter à merveille, d'après les rumeurs qui me sont parvenues. » Tu accueilles ses remerciements polis avec un calme hochement de tête. Ton intérêt est plutôt sincère, et t’assurer que la famille d’un de tes amis de longue date se porte bien – ne serait-ce que par le biais d’une question  posée à son père – te semble être la moindre des choses. « Ma famille se porte bien, je vous remercie. » Cela ne fait pas si longtemps que tu parviens à affirmer cela sans devoir jouer de tes talents d’acteur. Ils te semblent parfois encore si près, ces mois tourbillonnants qui t’ont englouti dans le chaos… Ils sont passés, pourtant, et tu les as laissés derrière avec tristesse et bonheur à la fois. Mais à présent… à présent vous allez bien, tous les trois, et c’est plus que ce que tu aurais osé demander aux dieux il y a quelques années à peine.

Tes affaires reprennent également. Tu n’es pas surpris que ta réputation soit parvenue jusqu’à Maximillien. Il n’y a qu’à espérer qu’il ait su faire la part des choses ce qui semble à priori être bien le cas puisqu’il se trouve devant toi. « Tout comme le cabinet, en effet. » « Souhaitons que vous trouverez le temps de vous pencher sur l'affaire qui m'amène aujourd’hui. » « Je ne suis jamais trop occupé pour servir mes meilleurs clients, rassurez-vous. » Encore faut-il que les transactions soient bénéfiques pour toi autant qu’elles le seront pour lui. Mais cela, tu ne crois pas avoir besoin de le détailler devant ton interlocuteur. Ce jeu de passes habiles, d’échanges mondains et pourtant lourds de sens pour qui sait lire entre les lignes… vous y êtes visiblement tous les deux habitués.

Tu remercies ton assistant d’un bref hochement de tête alors que tu prends toi-même ton rafraîchissement du plateau qu’il porte. Tu sais qu’il n’a pas besoin d’être prévenu et qu’il veillera à ce que personne ne vous dérange si bien que tu le laisses partir sans un mot de plus, attendant qu’il referme derrière lui pour reprendre. Mais Maximillien ne t’en laisses pas la chance. « J'imagine que vous avez une vague idée de la raison de ma présence ici, et non dans l'un des cabinets les plus réputés de la ville. » Un éclair à peine de la personnalité du comte. Tu souris légèrement, presque amusé et pourtant rassuré, à le voir ainsi vous éviter l’éternelle danse des platitudes sociales. Tu l’observes un moment, prenant le temps de déguster une infime gorgée de vin avant de poser ta coupe. « Je puis supposer, en effet. Vous cherchez un homme qui n’est pas directement lié à la cour et qui saurait, dès lors, vous conseiller sans que les nouvelles parviennent jusqu’à des oreilles indiscrètes. Bon nombre d’avocats auraient pu vous aider pour cela, j’en suis certain. Le fait que vous m’ayez contacté plutôt qu’un autre me laisse à penser qu’il s’agit d’une affaire de noblesse qui doit être gérée en toute discrétion. Cela dit, tout ceci n’est que conjecture. » Des suppositions, certes, mais c’est l’hypothèse la plus plausible. Tu pauses un instant avant d’ajouter : « Que puis-je faire pour vous, comte ? » Ton expression est avenante, ton regard brille d’une curiosité calme, invitante. Tu ne doutes pas un instant que tu représentes ce qu’il semble chercher : un homme à la fois capable et discret. Tu es l’avocat idéal… en toute modestie, bien sûr.

Zacharie est tout ce que l'on peut attendre d'un homme dans une position telle que la sienne : confiant sans l'être à l'excès, calme, patient, au fait de ses capacités sans cette assurance démesurée qui confine parfois à l'arrogance chez nombre de leurs compatriotes. Il espère, également, ne pas être déçu Maximilien mais tout, pour le moment, lui indique que l'homme est probablement le bon interlocuteur. Ils échangent quelques nouvelles, conversation typique de deux hommes ayant des connaissances communes et s'enquérant de l'état de santé mutuel de la famille de l'autre. Maximilien n'est pas venu en touriste : il sait, depuis longtemps, que le succès d'un entretien tient, tout d'abord, dans sa préparation méticuleuse et on pourra l'accuser de beaucoup de choses, le comte de Séverac, mais l'impréparation ne fait pas partie de ses défauts. La réputation du jeune homme qui lui fait face n'a pas toujours été brillante, même s'il n'en est pas le responsable, mais cela ne dérange pas Maximilien qui n'a pas d'intérêt à lui tenir rigueur de ce qu'un autre que lui a fait, peu importe s'ils portaient le même nom. Tout le monde ne pense pas ainsi, il le sait, mais on lui a appris qu'une pomme gâtée, retirée suffisamment tôt, n'affecte pas forcément tout le panier - métaphore, parce qu'il n'a probablement jamais récolté lui-même un panier de pommes, de sa vie entière. Peut-être une fois, pour s'amuser, avec les enfants mais jamais il n'a été impliqué dans la moindre préparation après cueillette.

L'homme devant lui assure qu'il dispose de suffisamment de temps pour régler les affaires de ses meilleurs clients, chose que le comte n'est pas encore mais que, par sa présence, il risque bien de devenir. Les rafraîchissements demandés arrivent et l'assistant de son interlocuteur repart aussitôt, tout à fait rôdé, semble-t-il, à la discrétion qui règne dans ces lieux. Maximilien déguste quelques gorgées de son verre - la liqueur est excellente - avant d'interroger Zacharie sur les raisons supposées de sa présence. L'homme a un regard lucide sur sa présence ici et mentalement, Maximilien ne peut qu'approuver son raisonnement. En toute honnêteté, il doute que sa démarche ne finisse pas par revenir d'une façon ou d'une autre aux oreilles de la cour ou du moins à celles du polyarche, mais il ne peut l'éviter et se contentera de dévoiler cette carte le plus tard possible. Zacharie ne tourne pas davantage autour du pot et Maximilien croise les mains en se penchant légèrement, après avoir reposé son verre. "Un différent commercial m'oppose à l'un de mes partenaires. Évidemment, pour des raisons de confidentialité et de prise d'intérêt, je ne peux moi-même me présenter pour régler ce conflit." Surtout que ce dernier concerne les affaires dont il s'occupe pour le Pas-de-l'Ombre, imposant encore davantage de discrétion, une autre des raisons pour lesquelles il a choisi Zacharie. "L'affaire est complexe, je ne vous le cache pas, et peut-être que je ne serais pas en mesure de répondre à chacune de vos questions. Mais vous avez la réputation d'être quelqu'un de compétent lorsque le sujet est délicat." Et selon son fils, ce n'est pas usurpé.

"J'ai besoin de quelqu'un de confiance pour gérer ce différend." Quelqu'un de discret, non-rattaché aux Séverac ou à la cour de Sombreciel, cela va sans dire. Zacharie le comprendra sans peine, c'est une grande marque de confiance pour Maximilien que de proposer ce genre de chose à un homme qu'il ne connaît que peu, et dont la réputation n'est pas si positive que ça, eu égard à la condamnation du frère de Zacharie. Peut-être que cela arrange le comte, d'ailleurs. Qu'il soit ami avec Melbren pèse dans la balance, évidemment : Maximilien a pleinement confiance dans les capacités de ses enfants à s'entourer. Sauf les jumelles, peut-être, mais il n'a pas réellement tenter de leur demander des recommandations à ce jour. Il n'est pas pressé que ce cas de figure arrive.

Tu écoutes l’énoncé du problème attentivement. Tu notes dans un coin de ta tête les quelques détails – très peu nombreux à cette étape préliminaire, tu t’y attendais – que ton futur client te donne. « J'ai besoin de quelqu'un de confiance pour gérer ce différend. » « Alors vous êtes au bon endroit, comte. » Tu te redresses légèrement sur ton fauteuil, comme si tu t’apprêtais à prendre des notes, mais ta main ne se soulève pas jusque vers la plume posée là. Elle se pose simplement sur l’accoudoir de sa chaise alors que ton regard se fait invitant. « Que pouvez-vous m’en dire d’autre ? »

Tu n’aimes pas fouiner avec des questions dès l’ouverture d’une conversation. Tu préfères voir à quel point ton client s’épanchera avant de poser des questions trop spécifiques. Tu sais que c’est souvent le meilleur moyen d’avoir une vue d’ensemble, car un client révélera toujours ce qui lui semble le plus important au sujet de l’affaire. Il t’appartient à toi, ensuite, de faire les démarches nécessaires, tant auprès du client que de potentiels autres partis, pour compléter l’image et arriver à une résolution. Maximilien n’échappera pas à ce processus, même si tu te doute que ses années – décennies même à présent – d’entraînement auprès de la noblesse risquent de donner à cette conversation une tournure… masquée. C’est que forcément il a apprit très tôt, comme toi, à cacher ses véritables pensées et à faire le tri dans ses idées avant que celles-ci ne franchissent ses lèvres. Et cela, c’est sans compter ses années auprès du Pas de l’Ombre dont tu ignores tout, mais qui contribuerons certainement à sa prudence.

Il y en a plein, pourtant, des questions dans ta tête. Si ton interlocuteur insiste pour répondre à des questions, tu sais que tu lui demanderas simplement de commencer par le commencement afin que tu puisses déjà avoir une idée globale de la situation. Mais c’est le genre de question que tu préfères poser lorsque la personne en face de toi ne sait plus que dire, surtout lorsque celle-ci n’a pas encore officiellement décidée de faire affaire avec toi. Chaque chose en son temps…

Il sait écouter, le jeune homme, personne ne pourra lui enlever ça. Il est attentif, pose les questions au moment qu'il faut et Maximilien a tout lieu de penser qu'il saura, effectivement, se montrer plus que compétent. Et discret, aussi, sur l'affaire que lui confiera son client. Il n'aime pas vraiment, le comte, ne pas être celui qui règle les problèmes en personne. Il a du mal à déléguer à ceux qu'il ne connaît pas la moindre parcelle de son autorité. Zacharie se doute probablement qu'il n'aura pas le droit à l'erreur, pas avec un homme aussi influent que le comte de Séverac, mais cela ne réconforte pas entièrement Maximilien. Il ne laisse rien voir de son trouble pourtant, prenant une nouvelle gorgée dans son verre avant de dévisager le jeune homme qui lui fait face.

"Vous l'aurez compris, c'est d'un intermédiaire que j'ai besoin, tout autant que d'un avocat. Quelqu'un de compétent dans le domaine résoudra le conflit mais quelqu'un de discret me sera encore davantage nécessaire." Autant que faire se peut, Maximilien préférerait éviter que son nom ne soit trop cité. L'affaire n'a rien de vraiment légal et si certains se doutent que le comte trempe dans quelques affaires louches, il préfère éviter de leur donner des preuves. C'est bien pour ça qu'il lui faut une certaine confiance, aujourd'hui, pour venir trouver l'avocat. "Quant à l'affaire en elle-même, pour résumer, disons qu'il s'agit d'un différend commercial : j'estime avoir été floué, mon adversaire également, c'est donc celui qui démontrera avec le plus de convictions possible qu'il dit la vérité qui sera déclaré lésé."

Il ne peut guère en dire trop, tant que lui et Zacharie n'auront pas fait officiellement affaire, et qu'un secret bien nécessaire ne protège les discussions entre l'avocat et son client. "Mais croyez moi, cette affaire nécessitera toutes vos compétences : mon adversaire est retors, ce n'est pas la première fois que nous nous affrontons hélas. J'aurai préféré y aller moi-même mais mes affaires m'appellent à Séverac pendant quelques semaines, malheureusement." Séverac, l'Ancrage, personne n'a besoin de réellement le savoir, l'homme en face de lui comme bien d'autres. Maximilien reprend une dernière gorgée de son verre avant de joindre ses mains devant son menton, son regard plongeant droit vers celui du jeune homme. "Votre rémunération sera à la hauteur de la complexité de la tâche et de votre discrétion. J'ai parfois d'autres affaires de ce genre à régler, et vu que mon fils ne tarit pas d'éloges sur vous, j'aime à croire que nous pourrions durablement faire affaire." Il ne lui offre pas grand chose Maximilien, et il le sait. L'homme sera-t-il tenté de se jeter à l'eau sans être sûr de ce qui l'attend ? il compte sur son esprit aventurier le comte, et sur l'impact positif qu'un homme comme Maximilien pourra certainement avoir sur la réputation de l'avocat.

Tu t’attendais à des mots, des paroles choisies avec soin. Tu t’attendais à des brides d’informations qu’il te faudra remettre en ordre, comme un casse-tête, afin d’avoir une meilleure idée de ce qui t’attends. Ce que t’offre le comte, pourtant, est encore moins substantiel que tu ne t’y attendais. Tu l’écoutes attentivement, tu notes les mots choisis dans ta tête, les soupèses. Disons qu'il s'agit d'un différend commercial… Disons. Tu notes également qu’il ne s’agit pas forcément tant d’une situation qui fasse appel à ta profession directement, si ce n’est par ton habileté à défendre une cause. Tu doutes que ta préparation pour cette affaire se fera en parcourant les ouvrages de loi de la bibliothèque du palais.

C’est bien peu, pour prendre une décision, et Maximilien sentira sans doute ton regard l’estimer, lui, et cette affaire qu’il te propose aujourd’hui. Aussi tentante soit l’aventure et ses possibles retombées positives sur tes affaires et ta famille, tu n’es pas du genre à sauter à pied joint sans prendre au moins un instant pour réfléchir. « Il s’agit donc, si j’ai bien compris, d’un échange quelconque… » Marchandises, monnaie, ou que sais-tu encore. Dans l’immédiat, l’exacte nature des biens en question n’importe pas. « … qui n’a pas tourné comme vous l’auriez espéré. Vous désirez engager un intermédiaire qui négociera en votre nom afin de redresser l’affaire. » Ton regard se fait interrogateur. Tu sais très bien qu’il serait presque impossible de ne pas avoir saisi l’idée générale derrière ce contrat. Maximilien ne t’a donné que cela, après tout. Pourtant, tu attends un signe, un mot de sa part pour confirmer que tu as bien compris avant de reprendre.

« Cet échange a-t-il eu lieu dans un contexte déterminé par un contrat marchand dont vous auriez les papiers en votre possession ? Vos mots couverts me laissent à penser que cela n’est pas le cas, mais l’avocat en moi se doit de vous poser la question. » Tu lui offres un petit sourire avant de le rassurer. « Dans l’un cas comme dans l’autre, sachez que cela n’influera pas mon intérêt, ni mon désir de voir si nous pourrons faire affaire, bien au contraire. Il me faut, pourtant, trouver un moyen d’évaluer la complexité de la situation qui vous amène ici. » Et ce, sans pour autant forcer Maximilien à dévoiler des informations qu’il ne désire pas encore te révéler. « Vous me laissez l’impression que cela est plutôt urgent. Je désire m’assurer, afin de mieux veiller à vos intérêts, que je sois en mesure de libérer le temps qu’il faudra. » Quitte à déplacer d’autres rendez-vous, peut-être. Tu es ouvert à l’idée, du moins, même si dans l’immédiat tu nages dans une certaine incertitude. Saura-t-il t’en dire un peu davantage avant que tu n’acceptes officiellement l’affaire ?

Il ne lui offre rien de substantiel, mais l’avocat se montre à la hauteur du portrait qu’on lui a dressé : son récapitulatif est clair et concis mais, surtout, il est exact. il appréhende un peu que l’affaire ne s’ébruite Maximilien et c’est bien pour cela qu’il est si secret mais si l’homme n’a pas grand chose avec quoi travailler, il se montre pourtant à la hauteur de la tâche. il a certainement raison, le comte, de lui accorder sa confiance pour cette affaire et, qui sait, beaucoup d’autres par la suite. Il hoche donc la tête, le conseiller, invitant d’un geste de la main son interlocuteur à poursuivre son exposé.

Le sourire de Zacharie trouve un écho dans celui du comte de Séverac. Effectivement, ce genre d'affaire se conclut rarement avec un papier signé des deux parties, laissant une trace écrite parfois hautement indésirable. L'homme, quoi qu'il en soit, lui assure que ça n'influera pas sur sa décision finale et qu'il veut juste cerner un peu mieux l'affaire. Il est vrai que Maximilien ne lui a pas donné grand chose à se mettre sous la dent jusque là. Il réfléchit brièvement, le comte de Séverac, avant d'incliner la tête. "J'ai facilité l'accès à quelques marchandises, moyennant évidemment une commission." Il ne pense pas trop en dévoiler le comte, en tout cas, pas à ce stade et de toute façon, il doit bien reconnaître que l'homme semble digne de confiance. Entre "semble" et "est", il y a évidemment une large marge mais Maximilien, s'il veut déléguer, n'a d'autre choix que d'accorder sa confiance, fût-elle limitée. Il a pris toutes les précautions qu'il pouvait, l'homme lui étant chaudement recommandé et son jugement, en général, ne le trompe pas.

"Mon interlocuteur a été déçu de leur qualité, et rechigne à payer ce qu'il me doit." C'est grossièrement résumé, mais c'est l'idée général. Zacharie est avocat dans les affaires compliquées, cela doit donc être dans ses cordes. Il a, surtout, des liens avec le Pas de l'Ombre, ce qui l'aidera, définitivement, à saisir la complexité de l'affaire. "Je ne peux m'en occuper moi-même, j'ai donc besoin d'un intermédiaire de confiance qui pourra plaider efficacement ma cause et convaincre le client final." Maximilien pose ses mains sur son menton, ses yeux posés sur l'homme qui lui fait face. En a-t-il dévoilé assez ? Trop ?

La situation est pour le moins inattendue. Tu en as vues, pourtant, des situations délicates auxquelles tu n’aurais pas songé en rencontrant certains de tes clients la première fois. Tu n’es pas étranger aux surprises que révèlent parfois les visages les plus angéliques… du moins en ce qui concerne la loi. Qu’un personnage aussi influent que le comte de Séverac sollicite tes services sous un couvert aussi discret – pas tout à fait anonyme, mais décidemment pas complètement ouvert – suscite beaucoup de curiosité chez toi. Oh, certes, les nobles ne sont pas toujours les plus droits et il se pourrait que tu ne voies dans ces paroles masquées plus qu’il n’en est vraiment. Pourtant une part de toi ne peut s’empêcher de se questionner sur l’affaire. L’aura de mystère dont s’entoure le comte a tout pour t’allécher.

« Je n’aurais qu’une autre question, je crois. » Tu t’arrêtes un instant, réfléchissant, le regard détaillant toujours l’homme en face de toi, sa silhouette, sa tenue, ses expressions… C’est d’une voix calme que tu reprends, mais il y a un petit éclat dans son regard, la flamme d’un intérêt certain, et dans ta voix une étincelle d’excitation, presque, malgré le contrôle que tu t’efforces de garder. « Quels seraient les risques, pour moi et les miens, si ma contribution à l’affaire devait s’ébruiter ? Il va sans dire que je prendrai toutes les précautions possibles, mais j’aimerais être paré à toutes les complications possibles, surtout si elles doivent être d’ordre légal. »

Tu soulèves ton verre sans quitter des yeux le comte. Tu le portes à tes lèvres pour en déguster une petite gorgée en attendant la réponse. Une réponse de laquelle dépendra la tienne, finale, peut-être. Même si une part de toi sait déjà que tu accepteras, tant que cela ne met pas trop à risque ta famille ou ta réputation. Fut une époque où tu ne te serais pas posé la question, mais les dernières années ont instillé un minimum de prudence en toi.