[INTRIGUE 1.2] Trois petits tours

Levée du jour à heure inconnue dans une chambre qui devait appartenir à la Taverne de la Rose. Je ne me rappelais pas comment j'étais arrivé là. Je ne me rappelais pas de grand chose concernant la veille non plus. Je me rappelais de verres de couleurs variées sur le bar, de quelques effluves douceâtres, d'une espèce de poudre que j'avais sniffé, des rires, des danses, des chants, des pavés dans le noir ondulant sous mes yeux, d'un doigt pointé (le mien, je crois) vers une espèce de mur causant et puis... cette pièce en me levant. Les réminiscences que je gardais de la nuit passée suffisaient, en quelque sorte, à expliquer mon état présent. Un état pitoyable. Mes vêtements collaient autant que ma peau puait d'une forte odeur aigre et ma bouche, pâteuse, me révéla que je m'étais vomi dessus à une reprise ou deux. Certainement, et si pas davantage. Je me sentais sale alors que je m'extirpais de draps souillés pour me diriger gauchement vers un seau qui me semblait à la fois merveilleux et horrible. Délicate attention de la personne qui l'avait posé là, sincèrement.

« Géralt, » chouinais-je. Ahlala, quand ca va pas, on appelle celui qui peut vous apporter secours, enfin me concernant. Et le boucher, là, je le cherchais visiblement au fond d'un réceptacle accueillant avec amour mes tripes. Joie. Je reniflais bruyamment comme un gosse. J'étais pas bien, vraiment pas bien. Je sombrais dans le noir alors que mes oreilles entendaient quelqu'un entrer dans la pièce en soupirant. Puis plus rien.

Puis de nouveau ce fichu lit que je décidais de quitter après m'être rafraîchi un peu. Je me refusais à me regarder dans un miroir, des fêlures auraient fait leur apparition, j'en mettais ma main au feu. Je sortis de la pièce, traînant des pieds que j'avais lourds, les bras ballants. Je sortis de la Taverne de la Rose après avoir prêté attention à quelques conseils pour faire passer ma sale gueule de bois. Ou celle de rat crevé que j'affichais.

La vie m'accueillit sous un soleil de plomb, me bousculant au passage. Je bousculais aussi, continuant d'avancer mollement à travers les rues et les gens. J'aurais aimé dire que j'appréciais voir autant de vie se masser en un seul lieu, voir autant de gens tous issus d'horizons différents se mêler ainsi, avoir hâte de vivre moi aussi pleinement cette foire, entendre des histoires nouvelles pour enrichir les miennes qui se tissaient à longueur de journée (généralement) derrière mes paupières. J'aurais aimé, oui, mais ce n'était pas vraiment le cas, loin de là. J'avais une migraine qui me talonnait l'esprit semblable à des tambours de guerre. J'avais la nausée, aussi. Mon vieux camarade le poulpe, que je décidais d'appeler affectueusement Carlo, se promenait joyeusement dans mon estomac. Et puis les conversations me paraissaient sortir du fin fond d'un puis, écho compris. J'étais donc d'une humeur qui oscillait entre massacrante et spongieuse que je mettais de la bonne volonté à communiquer aux autres. Ma jambe droite, par exemple, prit à un moment donné un angle calculé pour faire tomber un gosse qui, jusque là, riait aux éclats derrière moi. Le gosse se mit à hurler après sa confiserie perdue. Je m'éclipsais.

Animaux. Sirènes. Licornes. Méchants !

Quelques mots chipés au vol et au gré de mes errances à l'Ancrage. Je repensais au pégase que nous avions trouvé avec Marti et Mayeul. Je repensais à notre récit (enjolivé avec soin quand j'ouvrais la bouche) sur l'Audacia. Je repensais aux accusations que j'avais entendues de contrebandiers et voleurs une fois la vivenef amarrée aux quais de l'Ancrage. Je repensais à mes plumes que j'avais planquées dans mon coffre à moi du bas de mon hamac. Je repensais à toute cette affaire sans rien savoir de plus.

Je heurtais quelqu'un. Je fis ma diva sans lui accorder un regard.
Ça pue d'avoir trop de sujet de réflexion quand on a du mal à cogiter.

« Tu sais pas regarder devant toi ou quoi ? »

Spoiler:

Depuis des semaines les rumeurs avaient continué à circuler, et bientôt les rumeurs s'étaient transformées en faits. Si au début j'avais pris pour une plaisanterie ces histoires de créatures tuées et mutilées, mettant ça sur le compte d'histoires de bonnes femmes, ou de moyen d'effrayer certaines âmes sensibles, cette menace s'était finalement avérée vraie et bien qu'on ne soit pas concernés, savoir que des gens oeuvraient dans l'ombre pour s'attaquer à des créatures sans défense dans un but inconnu me faisait froid dans le dos. Surtout que personne ne savait ce qu'ils faisaient des "parties" qu'ils prenaient avec eux, et on ne trouvait de traces de des prélèvements macabres nulle part, ni dans un réseau de contrebandiers, ni dans des marchés noirs, rien... Comme si après avoir été prélevées elles disparaissaient dans le néant, ce qui n'était pas pour me rassurer.

Enfin, un oiseau filant juste devant mon cheval me fait sortir de mes pensées, et je presse le pas pour rejoindre l'ascenseur qui nous mènera à l'Ancrage pour la foire Lugnasadh. La foule qui s'y presse nous garantit un public certain, venant des quatre coins d'Arven, et c'est une magnifique occasion pour nos artistes de nous faire connaître alors nous ne la ratons pas. Le seul inconvénient est qu'on doit laisser nos roulottes et nos chevaux à Vivedune, et amener tout notre matériel jusqu'au lieu de représentation à la main, au moins jusqu'en haut, où on entassera nos affaires dans plusieurs carrioles prévues par la Guilde et qui nous amèneront jusqu'à bon port. Pour l'instant, l'intérêt est surtout de faire ça vite et bien... J'entre le premier, commençant à déposer mon luth ainsi que deux gros sacs, et attrape ce qu'il faut, l'arrangeant du mieux que je peux, grâce à la chaîne humaine qui s'est organisée pour tout transporter. Costumes, instruments de musique, éléments de décor, balles de jonglage, tout ça circule de main en main avant que tout soit chargé et que les artistes embarquent à la suite. Et une fois tout ce petit monde embarqué, je ressens la secousse familière de la montée, avant qu'après de longues minutes, la porte ne s'ouvre sur cette ville perchée dans les nuages, le royaume des mages et des magiciens.

A peine arrivés je reconnais la Lumière de l'Ancrage qui s'approche de moi et me salue avec chaleur, nous présentant son équipe qui va nous aider à tout acheminer. Avec la force de l'habitude tout est bientôt chargé dans les carrioles, artistes compris. On me propose de monter à mon tour mais je secoue la tête.

Allez-y sans moi, je vous rejoindrai sur place! Là j'ai surtout envie de me promener un peu!

Je les regarde partir et me glisse dans les rues grouillantes de monde, le nez en l'air, observant cette merveille de technologie qu'est l'Ancrage, étonné comme à chaque fois que je viens ici. Et alors que j'avançais en direction de l'antenne de la guilde pour rejoindre les autres, je me fais violemment bousculer par quelqu'un venant en sens inverse. Sur le coup ce n'est pas ce qui me dérange sur le principe, mais c'est le ton qu'il emploie qui me déplait.

C'est vous qui ne regardiez pas! Alors faites un peu attention d'accord?

Et je secoue la tête, continuant mon chemin.

543 mots:

Les ruelles, les canaux et les passerelles de l’Ancrage fourmillent d’activité en ce jour béni d’Udun. Sous un soleil presque factice tant il brille, dans un air bien trop pur pour être vrai tant il est curieusement frais, la foire de Lugnasadh s’installe et bat son plein pour les prochaines heures. L’Ancrage, toujours lorsqu’ils y reviennent, a un petit quelque chose de maison pour le pirate dont les racines ne peuvent plus s’abreuver dans les terres sèches d’Ansemer. L’Audacia est arrivée il y a de cela une bonne semaine.
Martial en avait besoin, pour être honnête. Une bonne semaine à profiter de la compagnie (désastreuse) de ses amis de l’Ancrage – car oui, Marti a su se faire des amis. Et non, il ne s’agit pas de Mayeul, bien que les fréquentations soient tout aussi désastreuses. Une semaine à discuter, profiter, souffler un bon coup et laisser les rumeurs glisser à ses oreilles – des histoires de mythes mutilés. D’un réseau sombre, fantastique et ensanglanté. Des conneries… S’il n’avait pas vu, de ses yeux vu, un pégase massacré.
Alors qu’il aurait voulu l’éviter car la foule le met mal à l’aise, car il se murmure le trente-et-un au soir qu’on pourrait agir à la foire, car beaucoup pensent à un marché noir, le pirate se décide pourtant à l’affronter.
Il ne veut pas que cette mort ne soit que l’oeuvre d’un désaxé – car si elle l’est, il est encore en liberté.
Une semaine à terre, loin du tumulte et du mouvement, entassé dans une chambre de la taverne de la Rose avec pour seule compagnie son esprit et ses affaires. Le silence.

A chaque fois qu’il descend à terre, il se remémore avec délice ce que cela fait, que de vivre seul, entièrement, et de ne partager avec personne son précieux sommeil. (Hormis un certain Mayeul qui quelquefois force sa porte, en tout bien tout honneur, pour l’emmener encore une fois manquer de succomber le long des passerelles suspendues.)

A chaque fois que vient la Lugnasadh, et qu’il y prend part avec les quelques pirates restés sur l’Ancrage, l’Ansemarien ne peut s’empêcher de marcher la tête basse. De garder sur ses joues une barbe broussailleuse, de porter des vêtements qui ne sont pas lui, de se cacher, de mentir comme il le peut. (Comme il le fait si bien. )
Il y a tellement de gens. Il est aisé de se cacher dans une foule, tout comme il est aisé de se faire reconnaître.

Il s’est levé à l’aube pour échapper à la foule déjà grandissante. S’est vêtu de ses plus humbles atours, a bien pris soin de ne pas se raser – alors que ça le démange, qu’il a l’impression qu’il va crever des foutues saloperies qui se cachent entre ses poils – et s’est élancé dans les rues de l’Ancrage. Sous le soleil d’août, entre les étals en formation, il a ici et là salué quelques marchands avec lesquels ils font affaire lorsqu’ils descendent à terre, dont un moustachu vaguement trop sérieux.

Il ne marche pas tranquille, le pirate. Pas parce qu’il est pirate – personne ne saurait le dire, ça – mais parce que, quelquefois, il a l’impression de sentir sur lui ce regard qui transperce son foutu faux déguisement.
Il ne marche pas tranquille, le pirate, alors qu’entre les gens de plus en plus présents tandis que tombe la chaleur, il est beaucoup trop grand. « Pardon. » marmonne-t-il en tentant tant bien que mal de bouger.
Il n’aime pas la foule.
Son regard tombe sur le stand, d’un côté, d’un jeune peintre qui expose, visiblement, certaines de ses œuvres – et très visiblement, un jeune peintre Cielsombrois qui concoure pour participer à l'illustration du prochain Petit Mirta. Martial manque de s’étrangler en soulevant une esquisse qui lui dit vaguement quelque chose.
Malheureusement.
L’amitié en moins. (Ou une forme d’amitié très rapprochée. )

Spoiler:

Quelle semaine étrange, elle avait vécu, Agathe! Depuis la soirée si agréable en compagnie du polyarche - où elle s’était sentie aussi vivante que les inspirantes héroïnes de ces romans qu’elle se plaisait à lire -, son carnet d’invitations s’était considérablement rempli. Sa présence était souhaitée du dîner le plus sage aux soirées les plus frivoles, et la jeune femme avait accepté plusieurs des invitations au grand bonheur de Zacharie. Elle n’était pas dupe, bien consciente que cet engouement était avant tout dû au regard que Castiel avait posé sur elle, mais il ne tenait qu’à elle seule de faire perdurer les relations intéressées en quelque chose de plus profond.

Puis il y avait eu cette nouvelle qui avait fait tressaillir le Pas de l’Ombre, jusqu’à Euphoria. Des créatures mythiques étaient apparues un peu partout en Arven, mutilées, pour laisser dans leur sillage sanglant un réseau de contrebande inédit. Comme plusieurs ombres, Nathanaël et Agathe s’étaient intéressés à l’affaire sans toutefois trouver réponse à la fameuse question : qui donc était derrière ce trafic inconnu? De toutes les créatures retrouvées, les licornes furent les premières à trouver l’oreille mignonne d’Agathe. Elle avait hésité un moment, quelques secondes à peine, à acheter le premier radeau ou payer le premier passage à bord d’un zeppelin, et retrouver les forêts ansemariennes qui avaient peuplé son enfance. Agathe se voyait presque y vivre, dans une hutte jolie, couvertes de fleurs et toute pleine de hérissons, à patienter la vision bellissime d’une licorne majestueuse venant à elle. Pouvait-elle apprivoiser une licorne? Comment appelait-on les petits de la licorne, et surtout, venaient-ils au monde par des oeufs nacrés? Elle pourrait peut-être en faire venir dans les sombres forêts de Sombreciel… Évidemment, il ne s’agissait que de rêveries impossibles. Elle se questionnait tout de même sur toute cette barbarie faite à ces pauvres créatures, alors qu’elle défaisait ses bagages. Zacharie l’avait surprise d’avoir organisé une escapade à l’Ancrage ensemble, sans autre plan que de s’amuser lors des festivités de Lugnasadh, dès le lendemain.

Il avait eu raison, tout de même, Zacharie, de l’entraîner dans cette ville haute en couleur. Tôt le matin, Agathe avait couru de passerelle en passerelle jusqu’à rejoindre la Ville Basse où l’attendait son Arnaut. Elle l’avait embrassé où elle pouvait, généreuse d’affection pour ce jumeau qu’elle ne voyait pas suffisamment, et l’avait ensuite serré très fort contre son coeur pour s’assurer qu’il soit bien vivant. Avec tous les risques qu’il prenait! Le frère et la soeur avait déjeuné copieusement à une petite auberge, des crêpes ansemariennes nappées de caramel, avant de s’abandonner avec autant de tendresse qu’ils en avaient eu lors de leurs retrouvailles.

C’était l’après-midi, et l’Ancrage était en liesse.

Il lui semblait que où qu’aille son regard, une foule dense s’y rassemblait pour festoyer. Et sa bonne humeur s’harmonisait parfaitement à cette euphorie collective. La blondinette joua du coude pour se frayer un passage sur l’un des ponts suspendus, dérobant au passage une jolie broche ou quelques fleurons. Si les festivités étaient un charme pour la jeune femme qu’elle était, le fourmillement incessant des spectateurs, des artistes et des marchands entremêlés était un délice pour la voleuse en elle. Elle cessa néanmoins son avancée laborieuse lorsque des pleurs d’enfant s’élevèrent, sur sa gauche. Un serrement, à sa poitrine. Comment se faisait-il qu’un tout petit ne s’amuse pas avec toutes ces jolies choses à voir? Alors elle s’en approcha, Agathe, et s’accroupit à sa hauteur, ses jolis jupons brodés en corolle autour d’elle. Aucun parent pour s’interposer entre elle et le l’enfant. Son coeur lui faisait mal de tant de délaissement, pour en avoir fait elle-même l’expérience.

- Je m’appelle Agathe, et je voudrais savoir pourquoi tu as tant de peine.
- C’est… On m’a fait… Le petit reniflait péniblement, et ses grands yeux tristes se posèrent sur un bonbec écrasé non loin sur le pavé. On m’a fait tomber! Et..

Elle devinait la suite, la douce Agathe, et du revers de la main, avec mille précautions, elle épousseta les petits genoux cabossés couverts de saleté. Dans son sourire, elle cherchait à l'apaiser, et d’un mouvement de main agile, elle fit apparaître le fleuron tout juste dérobé entre ses doigts.

- Je te donne cette piécette si tu me souris un peu. Tu pourras t’acheter une autre confiserie. Qu’est-ce que tu en dis?

Évidemment, il lui avait sourit. Évidemment, il avait empoché la pièce. Agathe reprit son chemin avec cette même légèreté, sitôt assurée que le garçon ait repéré le kiosque de confiseries. Il ne lui restait que quelques passerelles à traverser, avant de rejoindre une vaste place qui accueillait une partie de la foire. La musique joyeuse et rapide se faisait de plus en plus forte, à mesure qu’elle approchait, et les kiosques lui semblaient de plus en plus éclatants. Il y avait tant de jolies choses à regarder et à entendre..! La jeune femme se faufila jusqu’à l’un des étals, où une silhouette ne lui était pas inconnue.

- J’avais peur de ne pas te retrouver. Je suis désolée pour mon retard… Nous pouvons te dénicher le parfait présent d’anniversaire, désormais.

Sa main s’était glissée sur le bras de Zacharie, plus par peur de le perdre dans cette petite foule assemblée que par réelle civilité. Elle déposa son regard sur les toiles exposées sur l'étal et faillit s'étouffer.

Spoiler:

Revenir à l'Ancrage, après une semaine ou des mois, c'est un peu comme retrouver un vieux livre : on est heureux de le retrouver, on sait qu'on va passer un bon moment mais au final, on est pas fâché de le délaisser pour autre chose. C'est toujours cette sensation qu'à Mayeul, partagé entre la joie de retrouver la cité et l'impatience de la quitter à nouveau. Il tient difficilement en place le cielsombrois et s'il profite de ce temps à terre pour profiter de tous les délices que l'Ancrage a à offrir, même les plus farfelues, il apprécie tout autant de repartir. Mais Lugnasadh, cela ne se louperait pour rien au monde.

Il a partagé son temps entre les fêtes de l'Ancrage et l'Audacia le cielsombrois, pour superviser les ouvriers travaillant aux réparations. Le navire pirate ne peut se permettre de multiplier les avaries et les réparations se poursuivront encore un petit moment. Et de toute façon, l'Audacia ou ses alentours sont les meilleurs endroits pour se tenir au courant des dernières rumeurs. L'Ancrage bruisse de chuchotis en tout genre mais nombre d'entre eux concernent ces créatures qui ont été retrouvé. Il ne l'aurait pas vu de ses yeux Mayeul, il n'y aurait pas accordé le moindre intérêt mais le cadavre du cheval ailé, dépouillé d'une partie de ses plumes, n'est pas quelque chose qu'il peut considérer comme inexistant.

Le soleil est déjà bien haut dans le ciel quand Mayeul est enfin sorti de sa chambre louée à la taverne. Il en a passé du temps, à se préparer ! Les cheveux coupés un peu trop court à son goût - ne plus confier sa précieuse chevelure à quelqu'un qu'il ne connaît pas, plus jamais ! - les vêtements chatoyants et impeccables, Mayeul ressemble un peu plus à un dandy en balade qu'à un féroce pirate. Il se plaît à changer de rôle au gré de ses besoins le cielsombrois, à être le frère rebelle de la baronne de Vifesprit plutôt que simplement Mayeul, parfois. Pas longtemps, évidemment, mais c'est amusant de se glisser dans la peau de quelqu'un qu'il aurait pu être, si l'Audacia ne l'avait pas fait tomber sous son charme. Il n'est pas le seul, de toute façon, à se travestir pour ne pas être associé à un pirate. Il a croisé Tim un peu plus loin, la mine chiffonnée et l'humeur visiblement perturbée, et s'est retenu de toutes ses forces de lui allonger une taloche en passant, par amitié.

Il erre au gré de ses envies le cielsombrois, sans but particulier, flirtant avec les hommes et les femmes qu'ils trouvent à son goût, lançant une œillade ainsi, un sourire enjôleur par là. Il est libre Mayeul, de se mêler à la foule, de faire ce qu'il veut. Il retrouvera le reste de l'équipage plus tard peut-être, Marti et son humeur sombre mais pour le moment, il se laisse tout entier emporter par la foule. Et si tout à l'heure une main délicate à palpé ses vêtements, à la recherche d'un fleuron ou deux, il ne s'en formalise pas Mayeul : il vit dans ce monde depuis assez longtemps pour savoir que confier son argent à une bourse portée sur soi, à une fête comme celle-ci, est une invitation claire à se le faire dérober. Ses fleurons, il les cache à un endroit de sa personne qu'il ne dévoile qu'aux heureux élus, homme ou femme, qui savent charmer son regard.

Et d'ailleurs, en parlant de charmer son regard, n'est-ce pas la silhouette de Martial qui se découpe quelques mètres devant lui, penché sur l'étal d'un artiste cielsombrois qui a visiblement du talent ? Il s'approche en douce le pirate, évitant adroitement un jeune couple avant de se rapprocher de Marti, visiblement bloqué sur une œuvre magnifique qui a, il faut bien le dire, un vague air de famille. Un vague air scandaleux, également, pour quelqu'un comme Marti. "C'est mon cadeau ?" s'informe le cielsombrois en poussant Marti du coude, histoire de l'avertir dans une bousculade fraternelle qu'il l'a rejoint. "Tu as promis de me ramener un souvenir de la foire." Rappelle Mayeul, comptant sur l'impossibilité de son jeune compagnon de se remémorer cette phrase, et pour cause : Marti n'a rien promis du tout.

Spoiler:

La fête ! C'est la fête ! La fêteuuuuu ! Je me sens comme un enfant devant une friandise. La foire de Lugnasadh est toujours un grand moment de l'année. C'est à cette période que chacun lâche prise, se détends, profite des festivités. Il est rare de voir un visage sans sourire pendant ces journées de liesse. Cependant... Cette année... C'est différent. Ma dernière aventure en Déméria a été quelque peu... Mouvementée. Ces pauvres fées, privées de leurs ailes... Quel homme peut être suffisamment maléfique pour s'en prendre à des êtres aussi purs. Fengo en est encore tout retourné. Il respecte ces créatures plus que n'importe quel autre animal de la forêt et les voir, ainsi, sans vie et mutilées... Il est silencieux, pendant tout notre trajet de retour, et même encore aujourd'hui, ses paroles sont rares. Il n'a même rien dit quand je lui ai proposé de décorer ses bois pour la fête. Je n'en ai rien fait, bien entendu. Il m'a quand même suivi, esquivant la foule d'un pas leste. Je lui souris et marche à ses côtés, la main sur son encolure. Nous passons parmi les stands, admirant le travail des artisans et dévorant avec délice un sachet de sucreries. Les friandises semblent améliorer l'humeur du cerf qui fait maintenant plus attention à son entourage. J'aperçois au loin le groupe de professeurs que nous devions rejoindre et, après les avoir salués, nous les suivons.

Comme je le disais, il y a cependant quelque chose de différent, comparé aux autres années. Je sens une certaine tension grandissante. Sans doute ce ressenti est-il du à l'instinct de Fengo qui le pousse à être constamment sur le qui vive. Les policiers de l'Ancrage sont nombreux à patrouiller dans les rues. Je devrais trouver cela rassurant, mais il n'en est rien. Ces histoires d'animaux mutilés est dans tous les esprits. Il n'y a eu apparemment pas que des fées qui ont été des malheureuses victimes. Peut être la police espère t'elle mettre la main sur les coupables pendant les festivités. Ce que j'espère, pour ma part, c'est ne pas recroiser ce petit malotru qui m'a sauvagement attaqué, quand je me suis rendu en ville pour acheter des cadeaux pour mes parents. Si je le revois, il va regretter de s'être montré aussi impoli et discourtois avec son ainé. Je croque dans un bonbon, essayant de chasser ce mauvais souvenir. Je vais profiter de cette journée pour m'amuser, pas pour ruminer ! Une jeune femme me lance un coup d'oeil appuyé, je le lui rends avec un sourire et, après m'être excusé, je m'écarte de notre groupe pour m'avancer vers elle. C'est ainsi que notre jeu commença. Un jeu qui allait durer toute une journée, et sans doute toute la nuit par la même occasion. Nous nous rapprochons, lentement mais surement. Nous nous ignorons royalement, tout en nous observant par des regards en coin. Quand nous sommes enfin côte à côte, nous suivons naturellement le même chemin jusqu'à une taverne en plein air. Je lui paye la première tournée, et le jeu prends un nouveau tournant.

Voilà qui est prometteur, je sens que, malgré tout cela, je vais passer une bonne journée.

Spoiler:

Ombeline est tracassée depuis son retour de la région des lacs. La découverte de la harpie mutilée reste gravée dans sa mémoire et entendre parler d’autres faits similaires sur diverses créatures fantastiques est inquiétant. La cielsombroise a rendu compte aux autorités de sa région mais également à celles du Pas de l’Ombre. Des discussions ont fait le tour des organisations avant de revenir avec une conclusion : un quatrième intervenant aurait fait son apparition sur la scène des marchés parallèles et Ombeline se demande bien quel but il suit. A quoi serviront les éléments prélevés sur ces pauvres animaux ?... Elle n’a pas la réponse comme bien du monde et elle préfère ne plus penser à tout cela alors qu’elle se rend à l’Ancrage pour profiter de la fête de Lugnasadh. Elle espère contenter la cielsombroise, la tailleuse de vêtement et la voleuse.

Après plusieurs jours de voyage, Ombeline est prête à se mêler à la foule de la foire. Vêtue d’une robe mêlant taffetas et mousseline de différentes nuances de violet avec une large ceinture noire soulignant sa taille, un voile mauve vient compléter sa tenue. Celle-ci reste fluide et pratique vu qu’elle compte bien délester quelques poches et bourses au milieu de la foule. Une parfaite couverture pour son activité de vol à la tire. Elle profitera également de sa présence à l’Ancrage pour voir les offres pour la boutique familiale mais pour le moment elle se glisse parmi les visiteurs de la foire. Elle se sent de bonne humeur et son regard observe les étals, elle s’arrête pour contempler  la prestation d’artistes, délestant une bourse à moitié remplie au passage. Puis elle poursuit sa route, bousculant une dame au passage et saisissant son avant-bras et son poignet pour éviter qu’elle tombe. S’excusant avec un grand sourire contrit, Ombeline vole le bracelet de la dame dans un geste presque délicat et s’éloigne dans la foule.

Cette journée s’annonce profitable et elle s’arrête devant un marchand de sac en tout genre. Elle en saisit quelques-uns pour les observer de plus près et finit par en acheter une besace avec les fleurons dérobés un peu plus tôt. Alors qu’elle se retourne pour repartir son regard accroche celui d’un homme à quelques mètres d’elle. Plutôt charmant, la cielsombroise lui adresse un regard appuyé avant de faire semblant de s’en désintéresser. Mais après quelques pas, elle reporte son attention sur l’inconnu, un jeu d’échange de regard s’installe et Ombeline s’en amuse. D’ailleurs elle entreprend de « disparaitre » dans la foule pour réapparaitre auprès du bel inconnu.

- Vous semblez me porter un intérêt bien particulier monsieur. En quel honneur ?

Elle lui adresse un sourire aguicheur et il l’invite à poursuivre cette discussion autour d’un verre dans une taverne en pleine air. Pourquoi ne pas profiter de cette opportunité ? Un peu de compagnie en présence d’une galante personne. Il lui offre la première tournée et elle se demande de quelle manière se poursuivra cette rencontre.

- A qui dois-je porter un toast de remerciement ?

Une manière détournée de s’informer sur l’identité de son interlocuteur.

Spoiler:

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Jusqu’à il y a quelques semaines encore, les licornes, les fées et les pégases n’étaient que des créatures de contes que l’on aimait décrire aux enfants émerveillés. Non qu’il n’y croyait pas réellement, la magie était suffisamment présente en Arven pour que rien ne soit impossible. Mais s’il n’avait pas eu sous les yeux les corps mutilés de quelques fées, il n’aurait jamais imaginé ancré ces légendes dans la réalité. L’ensemble d’évènements plus ou moins chaotiques qui l’a assailli depuis le début du mois précédent laisse le guerrier plus ou moins perplexe et maussade. Mais aujourd’hui c’est Lugnasadh. Et qui dit Lugnasadh dit l’Ancrage. Et qui dit l’Ancrage dit…

Un haut le cœur le saisit alors qu’il sautait rapidement du fret qui les avait déposé sur l’île flottante. Même après des années à effectuer le même trajet jusqu’au Palatinat, le simple fait de ne plus avoir les pieds suffisamment près du sol le rendait nauséeux. Un rire se fit entendre alors qu’un cracheur de feu lui tapotait le dos en lui tendant un mouchoir et un peu d’eau qu’il saisit, reconnaissant. Dans quelques heures il irait mieux. Les habituelles roulottes furent laissées pour l’occasion à Vivedune et l’on préféra dès lors les carrioles palatines pour le transport des hommes et du matériel. Emmener tout ce beau monde à destination donna à Ewen l’occasion de reprendre petit à petit ses esprits et de calmer les remous de son estomac chahuté. Quelques petites plaisanteries fusaient autour de lui sur son teint cireux, lui tirant un léger sourire grimaçant et un roulement d’yeux.

L’après-midi avançait déjà lorsqu’il rejoignit les rues bondées par les étales et les badauds de la foire. Dire qu’il était à l’aise relevait de l’optimisme aveugle tant son regard perdu dans le vide reflétait sa concentration. Concentration déjà pour ne pas vomir sur les pieds d’un malheureux, concentration aussi car il répétait dans sa tête l’organisation et la mise en place du prochain spectacle de la caravane. Certes il était là pour les protéger, mais il aimait donner un coup de main, se greffer au talent de toutes ses mains qui montaient et démontaient les décors avec une rapidité exemplaire.

Dans la cohue il aperçut le mage cibellan avec qui il avait découvert les pauvres créatures blessées plusieurs semaines auparavant. Il n’avait pas pris la peine d’accepter réellement les excuses du professeur après ses avances maladroites, trop renfrogné pour ça. Le guerrier avait très légèrement surréagi et Clochette le lui avait bien fait remarquer. Mais il fallait le comprendre aussi ! Un homme ça ne pouvait pas… enfin ça ne devait pas… Bref, inspirant un bon coup il commença à s’avancer vers la taverne où il était assis avant de s’arrêter à la vision de la personne l’accompagnait. Il aurait été seul, peut-être que le guerrier aurait terminé le chemin. Mais de voir le mage avec une femme le perturba un instant. Une mine de dégoût fermement en place il rebroussa chemin pour terminer le montage du décor avec les artistes et se changer les idées.

541 mots :

Il s’était promis il a quelques mois à peine de s’assurer de donner à Agathe l’occasion de se faire une place dans la noblesse cielsombroise. C’est que la jolie blonde c’était grandement concentrée sur sa formation – une décision que l’avocat approuvait – et que cela l’avait menée, de fil en aiguille, à une solitude toute relative dans sa nouvelle vie. Certes elle avait Nathanaël et lui-même, mais ça n’était pas en fréquentant seulement ses pères qu’elle allait trouver à agrandir son cercle social ! Il devait s’avouer ravi qu’elle ait été propulsée socialement à la suite du bal organisé par le polyarche. Il voyait bien, pourtant, le Sombrétoile, que l’attention subite qu’avaient décidé de lui offrir bon nombre de jeunes (et moins jeunes) gens étourdissait la jeune fille.

Ainsi avait-il décidé, à demi sur un coup de tête, de fuir Euphoria pour rejoindre l’Ancrage et baigner dans les festivités qui y étaient tenues en ce début août. Nathanaël n’avait pas eu l’occasion de se joindre à eux, retenu qu’il était par un contrat important, mais Zacharie était ravi d’avoir l’occasion de passer quelques jours avec leur fille. Nathanaël devait les rejoindre quelques jours plus tard, juste à temps pour son anniversaire.

Il lui aurait été impossible de complètement ignorer les nouvelles concernant les créatures mythiques retrouvées massacrée. L’on ne pourrait pas dire, toutefois, que ça ait tant éveillé sa curiosité. C’est qu’il ne peut s’empêcher d’être sceptique. Cela pouvait-il réellement s’être produit ? Et si l’on avait simplement manipulé l’information transmise pour faire croire au peuple...? Non, il s’était refusé à se laisser emporter par les spéculations à ce sujet. Nathanaël et Agathe pouvaient en discuter entre eux. Lui se contenterait d’attendre de plus solides évidences pour y croire.

C’est en songeant à tous ces événements qu’il s’était préparé pour rejoindre Agathe sur l’une des places de l’Ancrage. Les festivités battent leur plein et déjà rien que de rejoindre les passerelles il sent son cœur s’alléger. Il y avait bien longtemps qu’il ne s’était pas offert des vacances sur un coup de tête et cela lui faisait un bien fou !

Il avait attendu Agathe pendant de longues minutes avant de se laisser déambuler parmi les marchands qui avaient installés leurs étaux à ce carrefour. Il avait fini par s’arrêter devant une série de tableaux mettant en valeur la peau nacrée des personnages qui les composent. Son œil s’était laissé attirer par ces œuvres qui célébraient en toute simplicité la beauté humaine. « Ah, te voilà ! » Le sourire qu’il lui a offert à son arrivée se mue en rire franc lorsqu’il voit sa réaction face aux toiles. « J’admirais le travail de l’artiste sur cette toile-ci. J’ai particulièrement apprécié le travail pour détailler les courbes du dos de cet homme, là. » Et il ne peut s’empêcher d’ajouter, rien que pour faire réagir la jeune femme : « Et toi ? Lequel est ton préféré ? Dis-moi tout ! »

Spoiler:

Si Louis et Aymeric devaient rejoindre Mandy pour l’après-midi (au moins une heure, pour le jeune homme embêté de passer du temps avec son père et qui a consenti seulement sous la menace d’un ordre formel), il n’y a que le cartographe qui se présente au point de rendez-vous fixé avec la comptable de bord. La veille, l’adolescent a tenté de suivre la cadence des pirates expérimentés, ou serait-ce celle de Tim (qui a aussi bien payé cette gloutonnerie bien cielsombroise, lorsque leur appétit s’ouvre pour l’alcool et les drogues), mais tout ceci a été en vain. Si L’Escampette a réussi à se tirer de son lit, le jeune Brunante, lui, y est confiné pour la journée, avec moults lamentations sur le fait qu’il va rater toute la foire. Entre deux hauts-le-coeur, bien sûr, à la grande hilarité de son père plein de compassion.

À son amie d’enfance, Louis a simplement déclaré un cryptique : « Aymeric nous r’joindra pas, il est occupé ailleurs », sans retenir un petit gloussement amusé.
Hors de question d’en dire trop à Mandy, qui serait rentrée fissa à la Taverne de la Rose pour veiller sur le mousse, il en est persuadé. Franchement, les gueules de bois, c’est de son âge, autant lui forger tout de suite le caractère et l’estomac !

Les rues sont bondées, ce premier août, mages et savants, nobles et gueux, artistes et spectateurs, enfants des Miracles, contrebandiers et pirates aux côtés des patrouilles policières. L’Ansemarien n’est jamais aussi heureux qu’à bord de l’Audacia, mais jamais il ne dédaigne Lugnasadh et ses marchands, artisans, spectacles et kiosques, les odeurs de nourriture qui emplissent les rues et lui mettent l’eau à la bouche. Ils ont regardé quelques minutes d’un spectacle de cracheurs de feu au coin d’une rue ; ont bu un verre de cidre ; et maintenant, voguent entre les étals. Les yeux attentifs aux marchandises proposées, au cas où quelqu’un révélerait quelconque marchandise douteuse. Les affaires louches qui ont enflammé les différents royaumes surfaciens (comme le dit si bien Anjä) ne plaisent guèrent aux pirates, qui ont déjà bien assez à faire avec les voleurs et les contrebandiers.

Habillé tel un civil plus que normal, si ce n’est certainement d’une barbe qui mériterait d’être taillée et d’un chapeau qui aide à dissimuler encore un peu plus ses traits, le Brunante est à la recherche d’un petit cadeau pour Aymeric, histoire de le consoler d’avoir tout raté. Ainsi, il a entraîné sa camarade auprès d’un regroupement d’inventeurs cielsombrois. S’il y en a bien ici qui sont spécialistes de la gueule de bois et de comment l’éviter, c’est eux ! « J’crois pas qu’un boulier enchanté lui plaise, mais pour toi, peut-être ?, glisse-t-il à Mandy en observant l’étal d’un ambitieux mage/savant cielsombrois (combinaison bien instable), qui pour une fois n’offre pas des tableaux animés ou des jouets sexuels mécaniques… quoique, le boulier n’est pas dépourvu de gravures suggestives qui font à nouveau glousser le pirate. J’suis sûr que ça serait très beau, dans ta cabine. »

Spoiler:

Il a accepté de s’y rendre, à l’Ancrage pour la fête de Lugnasadh, bien évidemment. Non pas sans laisser démontrer un peu son dérangement. Il suspecte que la demande de Castiel était possiblement pour l’éloigner de ses pattes quelques temps pour il ne pourrait dire quoi. Et il craint de revenir au palais dans quelques jours et de retrouver tout changé. Des automates partout. Toutes ses petites vieilleries remisées. Le polyarche n’oserait pas, non? Sait-il seulement où Césaire range toutes les choses? Sûrement pas, et cela le rassure un brin. Malgré tout, il n’arrive pas partir la tête complètement reposée. Pourquoi insister pour que LUI y aille? Oui, bien entendu, cela témoigne certainement de la confiance que le jeune roi lui porte, et peut-être que ce dernier cherche même à le forcer à s’amuser un peu. À Euphoria, le majordome n’aurait probablement pas participé aux festivités.

Alors il a fait le voyage et profité du déplacement pour aller faire un petit coucou à sa fille. Sa grande fille. Chasteté qui est à présent à la tête de toutes les compagnes du continent. Il en est fier, Césaire, du parcours de sa fille, et cela même si peu de gens savent le lien qui les unis. Castiel ne sait pas, d’ailleurs. Il sait seulement qu’il a des filles, éparpillées un peu ici et là à présent. Il se demande parfois ce qu’il en penserait, s’il savait que son majordome était de famille proche avec la direction de la guilde qu’il aime bien supporter.

Les festivités étaient bien entamées alors qu’il sortait de la tour des Sombreflamme où il logeait le temps de son court séjour. Il s’était habillé un peu plus décontracté pour l’occasion, mais c’était bel et bien de Césaire qu’il était question et sa notion de décontractée était certainement encore beaucoup trop propre pour bien des gens. Son allure toute soignée, ses cheveux fins blancs placés avec délicatesse. Il ne détonne pas nécessairement dans la foule, tellement cette dernière est dense et variée, et il se fraie tranquillement le chemin au travers des étals et petites représentations artistiques. Tout cela lui ramène des souvenirs de ses jeunes années, quand il avait traversé Arven avec la Caravane. C’était un peu cette perpétuelle ambiance festive. Doux souvenirs.

Il s’arrête un moment devant un étal un peu plus scandaleux. Un peintre Cielsombrois qui participe vraisemblablement au concours pour l’illustration de la nouvelle édition du Petit Mirta. Le vieil homme admire l’oeuvre qui sera présentée au concours en silence, alors qu’à ses côté quelques jeunes hommes discute au dessus d’une oeuvre. Jolie. Le style est audacieux, nouveau. Le jeune peintre a très certainement ses chances de remporter le concours, et l’oeuvre de finir ses jours au palais. C’est que Castiel l’a envoyé expressément pour acheter l’oeuvre gagnant à l’encan qui suivra la sélection des nominés. Autrui aurait possiblement été gêné de se retrouver à devoir surenchérir pour une telle oeuvre - mais Césaire était après tout un Cielsombrois, et il avait grandi au sein des compagnes. Le vieil homme n’était pas prude en ce sens.

Il souhaite bonne chance au Cielsombrois, avant de poursuivre sa promenade au sein de l’allée bondée. L’encan n’aura lieu qu’un peu plus tard. En attendant, il lui faut bien en profiter un peu, non? C’est ce que Castiel lui a ordonné de faire aussi - et ce que Chasteté l’a très incité à faire également.

Soit. Profitons un peu de Lugnasadh alors.

Spoiler:

Parfois, Géralt se demande s'il a bien choisi sa profession. Surtout quand il se retrouve à vider une bassine remplie de vomi, courtoisie de Tim. Un peu de savon et les voilà, le récipient et lui, de nouveau sortables. Il est tôt, la luminosité est encore limitée depuis les bas-fonds de l'Ancrage. Ce qui veut dire qu'il a largement le temps pour sa tournée avant d'aller se préparer pour Lugnasadh. Il retourne s'assurer que Tim est bien installé et replace la bassine là où il l'a trouvé précédemment. Il a également déposé un tonifiant pour quand il se réveillera – Géralt espère qu'il le verra. Il s'en va ensuite faire un détour par la chambre d'Aymeric, qui n'est pas dans un meilleur état. Il soupire. Ces jeunes qui pensent pouvoir suivre le rythme de leurs aînés.

T'étais fait du même moule, vieux grincheux. Le pirate lève les yeux au ciel alors qu'il saisit la bassine – ce n'est pas exactement son boulot, mais il refuse de laisser ça à l'un des employés de la Taverne. J'ai fini par écouter, moi. Après combien de cuites ? Je ne m'abaisserai pas à répondre à cette question. Un éclat de rire occupe momentanément l'esprit du Clairsentier mais il choisit de se concentrer sur sa tâche. C'est bien plus important de rassurer un Aymeric chouinant à cause de son ventre – sans oublier la légère réprimande, ce n'est pas gratuit tous ces soins.

Une fois tous ses cas vus, il est suffisamment serein pour aller s'occuper de lui-même. Il n'a pas vraiment eu le temps de petit-déjeuner et c'est avec un grand plaisir qu'il accueille son repas du midi. Il est rejoint très vite par Arnaut, son cher apprenti, qui a l'air d'avoir passé une soirée plutôt calme, comparée aux autres zouaves. Probablement qu'il était avec eux, mais qu'il a été raisonnable sur la quantité ingurgitée ou l'heure pour se retirer. Géralt lui offre une tape pleine de fierté dans le dos qui lui fait malencontreusement lâcher sa cuillère, mais le jeune sourit, c'est ce qui compte.

Le pirate lui demande s'il compte rejoindre sa fratrie aujourd'hui. Ce serait l'occasion. Tout comme lui a saisi sa chance dès que possible : il a déjà vu Lionel deux fois depuis son arrivée. C'est presque miraculeux. Quelques heures volées en détour de matinée, la première fois, et une presque nuit (si l'on est pas trop regardant sur le nombre d'heures qu'est censée comporter une nuitée) la veille. Il en a encore des fourmillements dans le ventre et dans le torse au souvenir, le chirurgien. Comme un jeunot qui vient de rencontrer son premier amour. Et il s'en contrefout, pour être tout à fait honnête. Il sent encore le fantôme des caresses de Lionel sur sa peau et c'est tout ce qui compte.

Il est heureux d'apprendre qu'Arnaut a mangé avec Agathe juste avant, ce qui explique le petit dessert pour simplement avoir la compagnie de son mentor. Géralt ne peut empêcher un sourire chaleureux de naître sur ses lèvres.

Après avoir avalé la dernière bouchée de son plat, le pirate explique à son apprenti qu'il reste du tonifiant dans sa chambre, si certains des soûlards viennent se plaindre à lui pour une raison ou pour une autre, avant de lui souhaiter une bonne journée et de s'en aller faire sa propre toilette.

***
Dire qu'il y a du monde pour Lugnasadh est un euphémisme. Bon nombre de passerelles ont été rajoutées pour l'occasion et elles désemplissent rarement de foule. L'Ancrage, endroit déjà vivant d'ordinaire, ressemble d'avantage à une fourmilière, aujourd'hui. Ce n'est pas ce que Géralt préfère, mais il est hors de question qu'il ne profite pas des festivités. Il le sait qu'il doit rester sur ses gardes, avec ces histoires d'animaux rares massacrés. Plusieurs de ses camarades l'ont vu de leur propres yeux et les conflits qui ont suivi entre les différentes factions criminelles en sont les preuves. Cependant, il n'y peut rien, le médecin de l'Audacia, alors il ouvre l'œil et se dépêche de trouver quoi admirer, quoi marchander, quoi écouter.

Cette journée promet d'être riche en divertissements.

Spoiler:

Au rendez-vous à l’heure dite, Mandy s’étonne (et se désole) de ne pas voir Aymeric. Elle se garde bien de poser des questions suivant l’excuse fournie par son père – il y a anguille sous roche – songeant simplement qu’elle le verra peut-être plus tard, et qu’elle gardera l’œil ouvert pour une babiole qui pourrait l’intéresser. Quoique, malgré toute son affection pour le mousse, elle ne sait pas vraiment ce qui pourrait lui faire plaisir; elle a rapidement pensé à une flûte, mais les souvenirs de l’improvisation de Tim l’ont rapidement dissuadée. Et si Tim décidait de la lui emprunter ? Non, c’est beaucoup trop risqué. L'enthousiasme débordant de l'Escampette pour la musique ne réussit pas du tout à compenser pour son manque de talent, et elle peut encore en entendre les fausses notes, parfois, dans ses cauchemars. Madison s’intéresse tout de même aux kiosques qu’ils passent, au cas où elle verrait quelque chose d’intéressant pour Aymeric, ou pour agrémenter sa propre collection d'objets en tout genre. Et puis de toute manière, elle a promis qu’elle resterait aux aguets, au cas où quelque chose de pas très net aurait lieu.

Rien de tel alors qu’ils déambulent dans les rues de la ville, s’amusent des spectacles, savourent quelques sucreries (et Mandy fait quelques réserves pour plus tard). Elle apprécie la fête et l’agitation; le large espace qui les entoure, en dépit de la foule assez compacte. Malgré tout l’amour qu’elle a pour sa nouvelle vie, pour ses collègues de l’Audacia, il fait bon d’avoir les pieds au sol, plutôt que sur les planches. La pirate est d’une humeur radieuse, distraite par les odeurs, par les couleurs vives des kiosques, l’ingéniosité des artisans qui proposent leurs œuvres. Si l'espace de rangement assez limité ne lui permet pas de posséder autant de petites babioles qu'elle le désire, elle sait cependant déployer des trésors d'ingéniosité pour ranger une panoplie d'esquisses, de feuilles de musique, et de petites pièces ouvragées qu'elle a dénichées au fil des années (l'étui de sa harpe, d'ailleurs, en est plein à craquer).

Elle réalise rapidement que Louis a eu la même idée qu’elle, bien d’accord avec l’hypothèse que le jeune Brunante n’apprécie pas particulièrement de recevoir un boulier en cadeau (et pourtant, les bouliers sont si utiles !). Aussitôt intéressée par la perspective pour elle-même, cependant, elle s’avance vers le kiosque, ne réalisant que trop tard que le pirate glousse ce qui n’est jamais bon signe. Soupirant pour cacher son embarras, elle jette un regard agacé à son ami, lui frappant l’épaule d’un revers de la main. « T'es vraiment un goujat. » Avec un peu de chance, l'ombre de son chapeau suffit à masquer le rouge qui commence à lui monter aux joues, alors que le vendeur s'apprête à l'apostropher. Elle aurait dû s'y attendre, venant de Louis, et si la blague ne la déride pas, elle ne parvient pas tout à fait à assombrir son humeur.

Spoiler:

Une soirée merveilleuse, une fête mémorable, et une femme magnifique, je ne pouvais rien demander de mieux. Elle eu l'air d'apprécier notre petit jeu de charmes et se laissa mener jusqu'à la taverne où je lui payais la première tournée. Elle fut d'abord étonnée de me voir intéressée par sa propre personne. Je ne répondis à cette question que par mon plus beau sourire. Cela devrait suffire à lui faire comprendre que, non seulement elle m'intéresse, mais également qu'elle n'a pas à en être surprise. Je lui apporte son verre et m'assoie à ses côtés. Fengo en profite pour s'installer tranquillement derrière moi, créant une sorte de barrière protectrice. Il garde la tête tournée vers la foule, me procurant ainsi l'intimité désirée, malgré notre proximité. Nous levons notre verre, et la jeune femme me demande mon nom, afin de porter le premier toast. Je souris, encore une fois. Elle est vraiment belle, et elle a su se mettre à son avantage. Ce n'est pas étonnant, une telle soirée invite à la beauté. Plus on attire les regards et mieux c'est. Elle a su attirer le mien, et je suis ravi d'avoir été le premier poisson à avoir été ferré. Je lève donc mon verre et lui réponds avec un sourire :

"- Rodrigue Belorme, pour vous servir, belle demoiselle. Je suppose que votre nom est aussi ravissant que votre sourire ?"

A mon tour de ferrer. Le jeu continue, et j'espère le faire durer autant que possible. Je comprends qu'elle comme moi avons l'intention de passer une bonne soirée. Une nuit sans soucis, à se laisser aller à la fête. Une nuit à rire, à danser. Une nuit où tout ou presque est permis. Nous trinquons alors, nous buvons. Les artistes commencent à préparer leur spectacle, nous avons un peu de temps pour faire connaissance. Je lui demande alors distraitement de me parler d'elle, toujours avec le sourire. Je tiens quand même à être sur d'être en présence d'une personne... Respectable. Je ne tiens pas à me retrouver de nouveau en face d'un pirate connaissant mes dernières péripéties. Un autre coup sur ma cuisse l'achèvera à coup sur. Terminé ! Fin du spectacle ! Rideau sur Rodrigue. Fengo me souffle que, si elle se montre aussi impétueuse que le garçon de l'autre fois, elle aura du mal à s'enfuir dans la foule. Ce n'était donc pas une bonne idée. Il m'ordonne également de me détendre. C'est ce que je fais, mais je m'aide quand même d'une bonne gorgée de ma boisson, qui réchauffe agréablement mes papilles et mon gosier. Je décide également de parler un peu de moi, lui racontant ce que je fais dans la vie, n'exposant que les bons côtés. Je n'allais quand même pas lui dire que j'avais manqué de finir en jambon pour fauve. Elle le verra bien assez tôt si nous avons la chance de poursuivre notre jeu.

Les artistes appellent au rassemblement, je souris, me lève et, avec beaucoup de galanterie, tends la main à la demoiselle tout en lui disant :

"- Me feriez vous l'honneur de m'accompagner voir le spectacle ?"

Spoiler:

C’était scandaleusement scandaleux. Toute cette scène était scandaleuse, des portraits dénudés - et en action pour certains - jusqu’aux commentaires de Zacharie. Elle sentit ses joues se réchauffer dangereusement et rougir, à la manière d’un incendie incontrôlable, alors qu’elle balbutiait quelques mots en guise de réponse. Comme elle se détourna rapidement du kiosque, la toute blonde, cherchant à dissimuler son malaise grandissant devant ce qu’elle était jusqu’alors en train de regarder - ou du moins, d’éviter de regarder!

- Monsieur Clairsentier, quel plaisir!

Car c’était bien lui, devant elle, qui s’était démarqué des passants. Elle n’en était pas certaine, puisqu’il n’était que de profil au coeur d'une foule qui se rassemblait devant la représentation, mais en le voyant sourciller et se tourner vers elle, Agathe en était désormais certaine. C’était bien le mentor d’Arnaut. Elle tenta tant bien que mal à se positionner de manière à ce qu’il ne remarque pas le kiosque, derrière elle. À dissimuler l’éléphant dans la pièce. Agathe ignorait si Géralt était à voile ou à vapeur, et il fallait bien avouer qu’elle ne comptait absolument pas le découvrir tout court, et encore moins ainsi, aux prises avec les commentaires déplacés de son père. Son père!

- Zacharie, je te présente Géralt Clairsentier, le… Le professeur d’Arnaut. C’est lui qui lui apprend à soigner si bien, depuis le zeppelin sur lequel ils travaillent. Monsieur Clairsentier, voici mon… Eh bien, mon père.

Elle ignorait si Zacharie se doutait de la profession peu recommandable d’Arnaut, et par le fait même de Géralt, mais elle savait qu’il préférait probablement ne pas savoir et faire comme ci. C’en était ainsi depuis trois ans. Depuis qu’elle avait rejoint le Pas de l’Ombre et suivait Nathanaël où qu’il aille. Son mentor l’avait présentée comme la petite pupille qu’il formerait et qui l’aiderait désormais aux boutiques. Jamais il n’avait été question de ses talents de voleuse, et jamais Zacharie n’avait semblé s’intéresser réellement à cette autre vie, celle tissée d’ombres. La situation leur convenait à tous les trois. Elle s’apprêtait à commenter la joliesse des festivités et faire diversion de tout ce qu’il y avait d’embarrassant à son dos, lorsqu’elle les aperçut, grands, armés et distingués.

- Oh…! Regardez, des hommes en uniforme!

C’était un peu candide de sa part, il était vrai, de prononcer tout haut son intérêt pour la force armée de l’Ancrage devant une horde d’amateurs de portraits d’hommes nus. Ses intentions étaient pures, bien sûr, comme lorsqu’elle s’exclamait devant une libellule ou un oiseau coloré. Ou peut-être d’une pureté quelque peu entachée, car il était vrai qu’il y avait un petit quelque chose d’excitant, à voir ces hommes grands et athlétiques se regrouper devant l’un des bâtiments de l’Ancrage. Elle soupirait un peu, délaissant totalement les hommes nus pour ceux vêtus de ce fameux uniforme des force de l’ordre.

- Je me demande bien pourquoi ils observent ce bâtiment, plutôt que la foule…

Curieuse petite chose. Elle se hissait sur le bout des pieds, cherchant à voir au-delà des passants, puis se décida à abandonner tout à fait le kiosque de nus pour s’avancer parmi la foule, question de mieux voir ce qui se trafiquait. Avec un peu de chance, il y aurait une parade ou quelque chose de similaire. Et ils étaient vêtus, eux, au moins.

Spoiler:

« C'est vous, qu'il dit, vous... d'accord ? » Repris-je d'une voix aigue et haut perchée, superflue au possible, imitant salement la seizième victime (au bas mot) de ma mauvaise foi. J'agitais dans le même temps les mains par-dessus mes oreilles, mélodramatique, comme si j'avais à faire à une nuée d'insectes forts irritants et surtout agressifs. Quelques têtes se tournèrent vers moi, vers nous, intriguées de découvrir la suite de cette altercation sur jouée. Peut-être certains, pensaient-ils qu'il s'agissait là d'une pièce de plus, étrange et improvisée, par des artistes de rues. J'aimais en tout cas cette soudaine attention – moins le bruit qui en ressortait. J'aimais ces regards sur moi. Je n'aimais pas les partager pour autant. Je jetais un œil mauvais et suffisant à monsieur propre par-dessus mon épaule, le voyant poursuivre son chemin, après que mÔsieur ait cru louable de me prêcher la bonne parole.

Je répondis à son dos : « Mortecouille, un simple frotti frotta, quelques mots et puis basta ? Si c'n'est pas un pecnot qui tente de me faire la moral, qu'est ce donc là. » Sur jouer, toujours. Parler ainsi toute la journée me fatiguerait certainement. Et ces airs que j'affichais, faux, encore plus. Quelques éclats de rire à m'en faire mordre la poussière, tant ma tête se jouait de moi, s’échappèrent alors que je tournais les talons en levant le menton d'un air fort pédant. Quelques mots de dégoût se firent également entendre, rieur ou non, en ce qui concernait mon hygiène corporelle. Je dégageais et laissais, en effet, des effluves mortelles du plus bel effet dans mon sillage. Je m'étais senti vedette l'espace d'un instant... sans même savoir que l'homme que j'avais bousculé et à qui m'avait donné l'opportunité de pousser la réplique plus loin encore berçait tout entier dans ces eaux-là.

J'aurais presque aimé savoir, moi aussi, s'il m'avait entendu ou s'il souhaitait me répondre, mais lorsque je rejetais un autre coup d'œil derrière moi, la foute s'était refermée sur elle-même comme une huître gardant précieusement sa perle hors d'atteinte - l'homme avec.

Je poursuivis ma balade, faisant quelques autres victimes au passage jusqu'à paraître gueule d'innocent en aidant une pauvre âme à se relever (de mon si maladroit croche-pied) devant les déplacements hâtifs de la milice. Les hommes de loi passèrent à côté de moi sans me jeter un regard, je soupirais comme un gueux alors que le gosse geignard tantôt par terre se bouchait le nez en gueulant de plus belle. Je le repoussais un peu, juste un peu, avant de me détourner de l'objet d'attention de la milice pour me concentrer sur la prochaine 'attraction' de la journée. Une représentation haute en couleur. Mon regard coula sur une silhouette plus en retrait, plus au loin, je grimaçais et m'éloignais plus encore en reconnaissant le professeur. C'était une mauvaise idée de rester ici. Je distinguais également monsieur propre plus en avant, plus en hauteur, attirant l'attention de nombre gens dont la mienne. J'étais mortellement jaloux pour le coup.

Spoiler:

La claque sur son épaule, assortie d’un « T'es vraiment un goujat », ne fait que générer davantage de gloussements amusés chez le pirate, qui se tâte à vraiment acheter le boulier et l’offrir à Mandy. Que pour lui casser les pieds avec un cadeau qu’elle ne saurait refuser. Et ça ne s’améliore définitivement pas alors que le vendeur avisé ne manque pas de remarquer les jolies joues roses de la comptable et se permet de l’apostropher, avec cet accent distingué que mêmes les plus pauvres des Cielsombrois arborent : « Oh, gente dame ! Que n’diriez-vous pas d’avoir votre propre minois sur l’un d’ces abaques ? Je n’ai nul doute que vous saurez l’embellir, avec une si jolie figure ! T’entends ça ? Ça pourrait même être toi, là-dessus, fait mine de s’extasier Louis, passant son bras sous celui de la pirate pour l’empêcher de fuir, ou de s’enfoncer dans les pavés de la ville pour y disparaître. Enchantée ? Elle bougerait, la gravure, aussi ? Presque qu’avec autant de grâce qu’le modèle original, je vous garantis », ronronne le vendeur, charmeur, en montrant avec encore plus d’évidence le boulier qu’ils zyeutaient auparavant, et où les silhouettes dénudées bougent au même rythme que les boules montent et descendent sur les tiges de l’instrument de calcul, dans des positions lascives plus qu’équivoques.

Louis lui-même est au bord de la crise de fou rire, les yeux piqués de larmes hilares. « On peut même s’arranger et vous faire un prix pour les deux. Un p’tit cadeau, pour votre dame, monsieur, et lui rappeler tous vos doux moments à deux ! Imagine, Mandy ! Nous d… » Cette perspective semble être de trop pour l’Ansemarienne, qui le tire brusquement par le bras pour le forcer à quitter la table du marchand, non sans déclencher chez lui un rire tonitruant qui semble résonner dans tout le marché. Il se laisse pratiquement traîner jusqu’aux alentours d’une foule rassemblée pour le spectacle de la caravane des arts, où la vie mystérieuse et grandiose des empereurs-mages fascine encore et toujours grands et petits. Les applaudissements sont nourris à chaque acte musical, chaque acrobatie, chaque effet spécial, et les deux pirates finissent par s’immobiliser une fois que le Cielsombrois est loin. Assez loin pour ne plus être vu, ni entendu. Seul demeure le rire de Louis, un peu étranglé alors qu’il essuie les larmes qui coulent sur ses joues, celles-ci douloureuses d’avoir tant rigolé. Il n’a même pas remarqué l’empressement des forces de l’ordre, dans un bâtiment pas trop loin.

L’homme serre la brune contre lui, affrontant son expression déplue (le mot est faible) avec l’inconscience de ceux qui ignorent le danger. « Oh, Mandy, Mandy, j’m’excuse, c’était trop, trop beau. » Il risque de le payer cher, ça.

Spoiler:

Bien entendu. Bien entendu, il fallait qu’en plus des Cielsombrois de tout âge – qui d’autre s’arrêterait à cet étal, aussi intéressant soit-il ? Surement pas d’honnêtes Ansemariens, il faut en être sûr – ce soit précisément ici que vienne le rejoindre son comparse de toujours. Le Destin fait bien les choses. Avec un soupir étranglé, Martial repose délicatement l’esquisse. « Je ne regardais pas ça pour toi. »
Pour toi, peut-être ?
Malone !
Le dessin est joli, Martial. Je ne comprends pas ce que tu as contre.

Evidemment, l’ornithorinque restée sagement dans son coin de flotte ne comprend pas le souci d’un dessin érotique pour un Ansemarien somme toute plutôt prude – ou pour le moins discret sur ses activités nocturnes, s’il n’est pas poussé par l’alcool et par celui qu’il considère comme un grand ami. « Ni pour moi, ajoute le pirate avec un air de défiance. Je t’interdis de dire la moindre chose qui pourrait supposer que j’en ai besoin. Et j’ai aucun souvenir de te devoir un cadeau. » Il n’a même pas (trop) bu ces derniers jours, l’Ansemarien. Il se souviendrait d’avoir passé un pacte foireux incluant des cadeaux avec Mayeul, tout de même. A moins que cela ne soit relié à une récente partie de cartes qu’il aurait perdue sans en comprendre les enjeux ?
Il ne cherche pas vraiment.

Il n’est pas certain de vouloir chercher : il n’est déjà pas bien à l’aise dans cette foule, il n’aurait jamais du s’arrêter. Marcher et se mouvoir entre les personnes présentes calme plus sûrement son esprit paranoïaque sur les bords que de rester ici, dévisagé par l’artiste qui de temps à autre lui jette des regards en coin, occupé à l’autre bout (relativement proche) du stand. « Après si tu le veux, t’as qu’à te le prendre. » termine Marti en haussant les épaules, avant de se dégager comme il peut en tapotant l’épaule du pirate. « Mais ton copain Ansemarien reste insensible à c’te forme d’art… Un peu comme à tes poèmes, en fait. »

C’était petit et mesquin. Peut-être un peu teinté d’affection amicale, car il ne veut pas réellement vexer Mayeul. Juste le piquer. « Je te laisse là, du coup ? » Un mouvement de foule indique au consul en cavale que l’attroupement principal se deplace, lentement mais sûrement, pour permettre à tous de voir la scène montée quelque peu plus loin. « Nos différends artistiques nous éloignent bien trop pour qu’on puisse se permettre de rester ensemble aujourd’hui. » Oh, son sourire est presque trop large sous sa barbe. De l’extérieur, ils doivent définitivement ressembler à rien, tous les deux.
Mais ils ne doivent pas détonner. « Dans tous les cas, j’irai par là. » Il indique de la tête l’estrade, un peu plus loin. « Si jamais... »

(Il ne le dira pas, mais il espère tout de même que l’illustration finira en finale.
Parce qu’elle n’est, vraiment, pas si mal.)

Spoiler:

Il ne peut s’empêcher d’émettre un petit « tsk » amusé lorsqu’il la voit à ce point gênée par son commentaire sur les tableaux. « Un jour nous ferons de toi une cielsombroise à part entière ! » Il n’insiste pas davantage, pourtant la laissant les détourner tous les deux. Zacharie évalue Géralt du regard avant de hocher la tête pour la saluer lorsque Agathe les introduit. « Monsieur Clairsentier, enchanté. » Et dans sa tête résonne une petite pensée qui ne peut que rire joyeusement : elle a bon goût, Agathe. Il ne le dira pas de peur de devoir affronter encore davantage ses foudres, mais il n’en pense pas moins que sa diversion est agréable à l’œil, que le tout ait été voulu ou non.

Lorsque Agathe mentionne les forces de l’ordre, Zacharie lève la tête pour mieux les observer. Il trouve la scène étrange et ne peut s’empêcher de se placer, d’instinct, de façon à pouvoir protéger Agathe s’ils devaient foncer dans la foule. Il n’est pas un guerrier, loin de là, mais il est hors de question que sa fille soit blessée parce qu’il ne veille pas sur elle quand même !

Spoiler:

La foule s’était amassée autour d’eux, rendant le guerrier nerveux. Il n’aimait pas les foules, n’aimait pas ne pas avoir la possibilité de surveiller d’un coup d’œil les mouvements des badauds. Alors il concentrait toute son énergie à superviser les derniers détails avec Flavien, donnant des ordres à droite à gauche pour que tout soit fin prêt pour la représentation. « Eh, calme-toi p’tit gars. On croirait qu’c’est toi qu’va monter ! » C’était pas totalement faux, d’extérieur il donnait l’impression d’avoir le trac de l’artiste alors que la seule chose qui l’énervait c’était de se sentir dépasser par les événements. « Ewen, Cassandre t’appelle. » Alors qu’il partait à gauche, le voilà qui s’arrêtait le pied en l’air avant de faire demi-tour. Il se doutait déjà de ce qu’allait lui demander l’artiste et il en soupirait d’avance. Il n’était pas aveugle non plus, il avait bien vu qu’elle lui faisait des avances depuis de nombreux mois déjà. Et déjà de nombreuses fois il avait décliné le plus poliment possible ses invitations. L’orgueil d’être séduit laissait de plus en plus place à une exaspération sans fond. Alors qu’il se frayait un passage parmi les artistes, il en harponna une autre afin qu’elle aille aider la dite Cassandre à sa place. « Hortense, Cassandre a besoin de toi s’il te plaît ! » Aussitôt dit, aussitôt fait, la voilà qui filait aider sa camarade tandis qu’il rebroussait chemin pour retourner auprès de Flavien.

Les bras croisés, sa jambe tressautait nerveusement tandis que son regard parcourait les alentours. Ce fut le début de la représentation qui mit fin à l’observation scrupuleuse de l’Ansemarien. Il remarqua les forces de l’ordre de l’Ancrage mais ne s’en formalisa pas plus que ça. Il y avait besoin d’un effectif suffisamment conséquent pour veiller au maintien de la sécurité lors d’une fête de cette ampleur. Comme la foule rassemblée, il profita lui aussi du spectacle, bien qu’il le connaissait déjà dans les grandes lignes à force d’avoir écouté les diverses répétitions en amont.

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Ca crie, ça interpelle, qui vantant les mérites de sa peinture, qui d'autres les charmes d'une soirée à venir... Il aime la foule Mayeul, il aime être entouré de monde, de ces gens si colorés et flamboyants qu'attire chaque année la foire. Marti lui refuse son présent, qu'à cela ne tienne ! Mayeul n'a pas besoin de lui pour reconnaître l'art et la grandeur ! Il ne boude pas vraiment, le cielsombrois, bien trop habitué aux gentillesses qu'ils s'échangent à longueur de temps - certains pourraient croire qu'ils ne peuvent pas se voir, parfois - et laisse le blond pirate s'éloigner à la recherche d'un art plus approprié à ses goûts. Sans doute quelque chose de rustique et ansemarien, comme un cheval de bois taillé qui ne hennit même pas, à l'absence de vapeur qui lui sortirait par les naseaux navrante.

Il s'attarde bien volontiers sur l'étal Mayeul, admirant les autres œuvres, flânant comme il a, en vérité, rarement l'occasion de le faire. L'année prochaine, si sa sœur le laisse faire, peut-être qu'il amènera ses nièces. Elle dira non, mais ils sont jumeaux, il sait pertinemment bien comment l'amadouer. Il faut dire qu'il sait, de toute façon, être très persuasif. Son charme ne fonctionne pas encore à tous les coups, mais il travaille dur à ce que ce soit le cas - et il initie Aymeric, aussi. Le petit fait fureur avec sa bonne bouille et il serait malheureux de gâcher un tel talent pour les embrouilles.

La foule se rassemble près d'une estrade, attendant le spectacle qui ne tarde plus. Chacun se pousse et se bouscule, la rue est noire de monde et Mayeul jette à peine un coup d'œil à la jeune fille qui fait remarquer, à haute voix, que des hommes en uniforme semblent s’intéresser à quelque chose. Il n'a rien à se reprocher Mayeul - ce n'est pas si fréquent ailleurs qu'à l'Ancrage et il leur jette à peine un œil distrait alors que le spectacle prend forme, déjà, les acteurs retraçant la vie des empereurs-mages. C'est loin d'être une passion pour le pirate mais il en connaît les grandes lignes, et la troupe semble douée : le spectacle promet d'être intéressant.

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Ombeline observe l’homme en face d’elle tandis qu’il se présente suite à sa demande. Rodrigue Belorme, un nom à consonance démérianne et elle se demande dans quel domaine il officie, mais elle ne s’appesantit pas sur la question. Son interlocuteur se montre charmeur et elle lui adresse un sourire appréciateur. Pour le coup, elle se demande quelle réponse apportée à sa demande et elle opte finalement pour l’identité qu’elle utilise le plus couramment.

- Je m’appelle Ombeline…. Ombeline la Ciselle.

Elle lui donne le surnom dont elle est affublée depuis de longues années, un nom qui indique qu’elle ne fait pas partie de la noblesse et cela lui convient bien. Peut-être en tirera-t-il une indication sur ses occupations, elle verra bien. Pour le coup il s’enquiert un peu plus à son sujet et la cielsombroise entreprend de lui répondre sans en dire trop. Elle lui indique vivre et travailler à Euphoria dans l’univers du textile, bien entendu elle passe sous silence son affiliation au Pas de l’Ombre. Puis elle lui retourne la pareille et il lui fournit quelques éléments sur lui-même. La discussion est plaisante ainsi que sa compagnie. Ainsi elle a affaire à un mage de l’Académie et la jeune femme trouve cela intéressant bien qu’éloigné de son quotidien. L’échange se poursuit jusqu’à ce que Rodrigue se lève et lui propose de le suivre pour profiter du spectacle.  Ombeline porte son attention vers la zone où se regroupe les artistes avant de revenir sur le mage et d’accepter sa main.

- Volontiers. Elle se lève avec un sourire avenant et suit Rodrigue. Ombeline se laisse captiver par le spectacle et elle fait part de son contentement au mage avant d’observer la foule de son œil de voleuse. Bien entendu, elle s’abstient de délester quelques poches en présence de Rodrigue mais ce tour d’horizon lui permet de remarquer des déplacements intrigants. *Que se passe-t-il Sierra ? * Elle interroge son familier qui se balade dans les parages tout en évitant la foule. *Aucune idée* Le bassaris entreprend de s’approcher de la zone intéressant les forces de l’ordre tandis qu’Ombeline attire l’attention du mage sur ce fait. J’ai l’impression qu’il se trame quelque chose.

Elle ne peut que supposer et elle se montre intriguée néanmoins elle ne sait pas s’il est prudent de s’approcher, alors elle reste aux côtés de Rodrigue.

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Il déambule un peu, Césaire. Discret même ici, il se faufile tranquillement dans la masse de monde avec un aise digne de l’expérience de ses deux occupations cumulées. L’espion et le serviteur. Il n’est ni l’un ni l’autre, en ce moment, mais quand même toujours un peu des deux. La raison de sa visite, mandatée par son supérieur royal, ne se joue pas encore. Et quand à l’espion, s’il garde constamment l’oeil ouvert, il n’est pas à l’Ancrage pour rechercher quelque information que ce soit. Il peut profiter, réellement. Mais c’est un peu difficile, de se laisser aller complètement à l’effervescence de la fête quand on est habitué à l’ordre et au calme d’une routine bousculée par un polyarche un peu imprévisible.

La musique un peu plus loin attire son attention, et il prend la direction d’une foule qui se masse autour d’une estrade. La guilde des arts offre toujours de magnifiques spectacles, et le vieil homme s’arrête un instant pour observer la scène qui est recréée et se remémorer d’un même coup ses vieux temps passé à voyager avec la Caravane. Ah ! Le souvenir de la musique et des prestations, de la danse et des arts du cirque. Il n’était qu’un spectateur - son seul essai à participer avait été désastreux - mais il ne s’était jamais vraiment lassé d’observer les artistes. Il s’était lassé du voyage constant, mais pas des merveilles qu’ils offraient à tous sur leur chemin.

Une jeune fille tout proche - il l’a certainement déjà croisé au palais, mais il ne fait pas le lien sur l’instant - fait une remarque et il tourne la tête pour observer ce qu’elle désigne aux hommes à ses côtés. Le regard du vieil homme s’arrête sur les hommes en uniforme. Il oublie un moment le spectacle qui résonne encore dans ses oreilles, et fronce doucement les sourcils en voyant les arcanistes et les forces de l’ordre pénétrer dans un bâtiment. Il a entendu quelques rumeurs, avant de venir ici. Chasteté lui a glissé mot aussi, lui indiquant de faire attention. Il lui a répondu que son vieux père en avait vu beaucoup et que ce n’était pas cette nuit que les dieux viendraient le chercher ; mais qu’il ferait attention, comme toujours. Mais l’espion en lui ne peut s’empêcher de s’approcher de quelques pas de la bâtisse. Il fait mine de chercher un meilleur point de vue pour admirer le spectacle, mais en vérité il cherche un endroit qui lui permettra de rester attentif à ce qui se trame là-dedans.

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